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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

À ne pas prendre pour argent comptant.

Le bruit et les odeurs.

 

 

Archimède, les poches creuses, allait à l'aventure en quête de quelques occasions de se remplir la panse et surtout le gosier. Il n'avait que son courage, sa bonne mine et un peu de jugeote pour gagner le peu qu'on voudrait bien lui céder contre un service, un sourire ou un bon mot. Il faut avouer que notre homme avait une préférence affirmée pour les deux dernières solutions, celles qui ne lui exigeaient aucun effort.

Il avait toujours les oreilles aux aguets, prêt à se mêler à une conversation pour mettre les rieurs de son côté, gagner la sympathie et une juste récompense. Il s'était approprié à son usage la maxime : « La parole est d'argent et le silence est d'or » en laissant traîner ses oreilles un peu partout, toujours à l'affût d'une conversation ou d'une querelle pour laquelle, son à propos ferait des merveilles et quelque menu monnaie.

Écouter, attendre son heure et servir la réplique ou bien l'astuce dont il tirerait bénéfice était là un ouvrage largement dans ses cordes, celles-ci se contentant d'être vocales, qui ne coûtait pas la moindre goutte de sueur. « Voilà bien la meilleure manière de faire la manche sans se salir les mains » aimait à dire cet incurable fainéant.

Ce matin-là, il arriva devant une auberge réputée dans la contrée pour la qualité de son marmiton tout autant que sa pingrerie. Les chemineux se passaient le mot : « Au Lion d'Or, n'espérez pas obtenir gracieusement un bol de soupe. Le patron est chiche tandis que la soupe n'est jamais au menu ». Pourtant notre vagabond pointa son nez précisément au moment où le cuisinier faisait esclandre avec des gens du pays qui venaient humer les effluves de ce qui devait être un délicieux mironton.

Une petite assemblée s'était constituée devant l'entrée de l'estaminet pour jouir de ce plaisir olfactif qui ne coûte rien alors que les prix pratiqués dans l'établissement leur interdisaient de jouir de ce merveilleux plat. L'attroupement des esthètes olfactifs obstruait l'entrée et pouvait décourager les éventuels clients argentés. Le patron, furieux, réclamait à tous un sou pour le prix de ce fumet dont ils avaient tous profité.

Les adversaires allaient en venir aux mains, les pauvres gens de prétendre que l'odeur d'un excellent plat appartient à qui veut bien la sentir tandis que l'avaricieux cuisinier estimait qu'elle méritait une obole. Les positions étaient irréconciliables, les esprits s'échauffaient tout comme le plat en question qui menaçait d'accrocher au fond de la marmite.

C'est alors qu'Archimède se mêla à la querelle. Il attrapa sur le rebord d'une fenêtre un petit pot en grès vide et proposa de régler la controverse de manière fort simple. Tous de se calmer devant l'irruption au milieu de la mêlée de ce drôle de personnage dégingandé. Le vagabond réclama quelques petites pièces afin de prouver que la requête du patron était totalement injustifiée.

La réputation d'Archimède le précédant, il se trouva bien une dizaine de querelleurs pour mettre un sou dans la boîte, se doutant bien qu'ils allaient bénéficier d'une des facéties dont le chemineux avait le secret. Ravi du succès de sa demande, notre homme s'adressa au patron, de plus en plus sur ses gardes : « Toi qui prétends faire payer l'odeur de ta cuisine, je sais comment payer celle-ci à sa juste valeur. Acceptes-tu de m'en faire profiter si je démontre à tous comment s'y prendre ? »

Le patron devant la réaction des curieux mais aussi de clients attablés qui tous, étaient à l'écoute, ne pouvait pas se dérober. Il tapa dans la main d'Archimède conscient qu'il allait être le dindon de la farce, ce que, du reste, il avait bien cherché. Le silence se fit, notre facétieux vagabond agita à l'oreille du cuisinier son petit pot contenant des piécettes. Il le remua vivement pour en faire tinter son contenu et déclara : « Toi qui veux faire payer l'odeur, le bruit de l'argent te suffira amplement ! »

Il y eut un énorme éclat de rire, Archimède mangea à sa faim, conserva les piécettes qu'il avait récupérées tandis que le patron ne fut pas perdant, puisque de l'attroupement, bon nombre de curieux franchirent eux aussi la porte de l'estaminet malgré le tarif, poussé par leur hilarité. Pour honorer la fameuse réplique du vagabond, l'auberge changea bien vite de nom, l'aventure ayant fait grand bruit dans toute la région. Pour en tirer profit l'aubergiste débaptisa son « Lion d'Or » afin qu'il fût nommé désormais : « Au pot d'Argent » tandis qu'il devint célèbre pour son fabuleux « Dindon au pot à la crème d'oseille ». Archimède du reste eut toujours table ouverte en ce lieu, pour paiement du service rendu.

À contre-vent.

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L
Intelligent Archimède, je n'aurai pas trouvé mieux !<br /> <br /> Avant de commencer ma lecture, j'ai crû que le sous-titre du billet faisait référence à la fameuse citation de feu Jacques Chirac.<br /> <br /> Bon dimanche Nabum.
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C
LH<br /> <br /> Il n'était pas question de cuisiner feu Chirac, il y a prescription
F
Bon Dimanche cher Bonimenteur !<br /> Et bonne ripaille 😉<br /> Gerard et moi sommes invités par une copine à déguster un plat Alsacien.. ça tombe bien il fait -3 ce matin.<br /> Bises du Forez
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C
Martine<br /> <br /> J'ai passé la journée en bord de Loire pour animer la Saint Nicolas de Châteauneuf<br /> Frisquet mais pas glacial et beaucoup beaucoup de monde