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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Meeting du Front de Gauche à Saran.


Un autre Monde …

 ... est possible

 


 

C'est en la très vétuste salle des fêtes de Saran que je plongeai dans un autre monde après mon expérience cossue du meeting socialiste de saint Jean de Braye. Cette fois, c'est le Front de Gauche qui menait réunion. Pour le moins, il n'y avait aucun rapport entre ces deux expériences !

 

Dés mon arrivée, le ton était donné. Une sympathique militante, arborant fièrement les couleurs de l'une des organisations constituantes du Front de Gauche m'invite à venir prendre la Bastille le 18 mars. J'ignorais qu'il fallait à nouveau abattre la tyrannie et à bien y réfléchir, la chose me parut plus que nécessaire en cette période aux similitudes si grandes avec la fin du règne de Louis XVI.

 

La salle était pleine, le bruit plus fort, les murmures plus présents que chez nos amis de la gauche modérée. Une buvette fonctionne, tenue par un vigneron célèbre, militant de la première heure. J'ai l'étrange sentiment de pénétrer dans une arène où aura lieu un gala de boxe, manque seulement l'odeur des merguez.

 

La sono crache un son parfaitement inaudible, je devine la voix du peuple en colère qui craque, « larsène », grésille. Des drapeaux rouges bougent en tous sens aux premiers rangs. Pas de drapeau tricolore ni de tee shirts offerts généreusement à tout le public. Nous ne sommes pas à Villepinte !

 

Un public très populaire, des gens simples, des familles avec les enfants, la sucette à la bouche, des jeunes, des vieux, des ouvriers et des tenues modestes. La bourgeoisie ne fait pas banquette ici. Il y a de la ferveur, les mains scandent le rythme de la chanson de HK et les Saltimbanks : On lâche rien. Sans cérémonie, les orateurs montent sur le podium, le meeting va commencer.

 

Le monsieur loyal du jour sera Nicolas, responsable local du Front de gauche qui fait l'historique de cette jeune formation, conglomérat de forces différentes, variées, ouvertes à la diversité. Il est bien dans son rôle, il reviendra entre chaque intervenant, parlant simplement, facilement, d'un ton clair. Il ne lit pas de texte, il joue parfaitement son rôle.

 

Les intervenants suivants ne seront pas aussi à l'aise avec l'art oratoire. Marie, l'hôtesse des lieux, madame La maire de Saran, lit un long texte. Elle n'est pas à l'aise dans l'exercice, elle s'en tire honorablement, sans porter l'enthousiasme. Exercice trop convenu, elle ne sort pas de son texte. Parfois des coups de colère, quand elle évoque son activité quotidienne. Dans ce registre, elle se fait applaudir.

 

Pascal, un syndicaliste, flanqué de deux compagnons de lutte prend à son tour la parole. Je devrais dire qu'il empoigne le porte-voix. Il reste dans sa manière de militant de la rue. Il parle fort, il transforme son indignation en slogans de manifestation. On le devine passionné, horrifié par la situation actuelle des salariés et des déshérités. Il lit son texte, sort parfois de sa partition, se perd un peu, vocifère souvent. Il est applaudi mais ne laisse pas le temps à la salle de souligner les temps forts, il marche au pas de la rue. Il prend pour finir Victor Hugo par la main pour terminer son intervention en un hurlement de rébellion.

 

Jean-Pierre, un sage prend la suite. Le contraste est saisissant. D'une voix douce à la Albert Jacquard, il nous entraîne dans la misère de cette société. Le salle se tait, elle se fait grave. Beaucoup savent de quoi il en retourne. Ce qu'il évoque de sa voix mélodieuse et apaisante, c'est souvent leur terrible réalité quotidienne : expulsions locatives, chômage, fin de mois difficile, mépris des patrons,... Il évoque Brecht pour conclure une intervention poignante.

 

Christiane vient à son tour défendre ici la cause des femmes, humiliées, exploitées, réduites par une société qui est sans pitié pour elles. On devine la sérénité, la conviction, l'indignation. Étrangement, la dame est trop en retenue, elle ne laisse pas aller sa colère, son message est perturbé par ce retrait qui se sent. Dommage, le sujet méritait plus de flamme.

 

Pierrick, un jeune prend alors la parole. Il la saisit devrais-je dire pour ne plus la quitter. Il débite à une vitesse folle une litanie de griefs, de reproches, de  faits incontestables, de saillies moqueuses, de remarques acerbes. C'est une logorrhée malhabile, peu audible. Pourtant, je devine une écriture fine, un humour perçant, une pertinence réelle. Il ne laisse pas le temps à son auditoire ni d'applaudir, ni de gouter à ses clins d'œil. Il file, n'attend pas l'assistance. Dommage, bien guidé, ce chien fou sera une pointure du discours.

 

C'est au tour de Marc de monter au front. Il a de la bouteille, un vrai talent de chauffeur de salle. Lui, il vous prend son public pour ne plus le lâcher. Il pointe un doigt vengeur en l'air, il assène, il scande. Il offre de l'espace aux applaudissements. Il met la salle en ébullition et présente tous les candidats du Front de Gauche pour les législatives à venir. La salle chavire, elle a retrouvé vie et volonté de vaincre. Quel talent !

 

Puis après le feu, Marie-Pierre de la Gauche unitaire, une invitée parisienne semble être l'eau qui stagne. Sa voix n'est pas faite pour l'exercice. Trop haute, perchée même, elle est parfois désagréable. Je ne peux supporter cette intervention trop impersonnelle, trop lue, trop savante pour l'endroit. Dommage, elle a brisé l'élan donné par Marc.

 

Place maintenant à Martine Billard, une voix de Gavroche, une grande dame de terrain, membre du parti de gauche, conseillère municipale de Paris. Elle est sincère, elle balaie les problèmes concrets qui concernent les spectateurs, elle reste proche du terrain, son discours est illustré de nombreuses situations concrètes. La salle applaudit parfois, elle décroche aussi à d'autres moments. La dame manque de théâtralité, elle ne joue pas assez de l'émotion. On devine que ce qu'elle évoque est si grave, qu'à ses yeux, il ne faut pas en rajouter. Dommage !

 

Enfin, Pierre Laurent du PCF vient conclure le meeting. Exercice périlleux après autant d'intervenants et près de deux heures de discours assez inégaux. Il n'est pas tribun, il choisit de prendre, de sa voix de conteur, la posture du confident, de celui qui posément, cherche à expliquer, à convaincre. Il développe son propos comme un ami, il ne rentre jamais dans l'invective même lorsqu'il évoque l'hôte provisoire du Palais. Il atteint son objectif !

 

Soudain, la qualité de l'écoute se ressent. La salle retient son souffle, se tait, accompagne délicatement cet homme qui prend le temps de lui parler sérieusement. C'est un beau moment, bien loin des vociférations de Villepinte. Il y a une dignité sensible dans ce public qui croit enfin à des lendemains meilleurs.

 

Le meeting se termine, sur le podium comme dans la salle, des poings levés par centaines entament l'internationale. Cette fois, je ne suis pas certain de me retrouver derrière ce chant dont je respecte la force symbolique mais dont l'histoire me gène un peu. Je préfèrerai un « Temps des cerises «  ou un « Chant des partisans » pour signifier la gravité du moment. Ce n'est que mon impression ….

 

HK et les Saltimbanks reviennent pour accompagner la sortie du public. « Résistance » , le mot est scandé, il sort des gorges comme un slogan impérieux? Là, je suis plus en phase avec cette nécessité. J'ai vécu une soirée forte, ponctuée de moments émouvants, de maladresses pardonnables, de coups de sang et de coups de cœur. Je n'ai pas vu de foule hystérique comme on nous les montre lorsque le Président fait son cirque. J'en suis ravi pour ce public sincère de Saran et désolé pour ceux qui osent s'afficher ainsi.

 

 

Observateurement leur.

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