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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Le temps file un mauvais coton.

Le coucou et ses aiguilles.

 

 

 

Il était un coucou, drôle d'oiseau, aimant à faire son lit au cœur des maisons. L'animal, par commodité sans doute, préférait qu'on lui offre une belle demeure, une charmante petite cabane, installée dans une pièce à vivre ; car il aimait la compagnie.

Il fut une époque durant laquelle, pour lui et ses semblables, les propositions ne manquaient guère. Il y avait de nombreuses familles qui offraient le gîte aux coucous pourvu que celui qu'elles accueillaient ainsi, leur consentit en échange un petit service : signaler par deux fois, le changement d'heure.

Monté sur des ressorts, le coucou se livrait de bonne grâce à ce désir. Il se plaisait à surgir de sa boîte tel un gentil diable tout en claironnant à qui mieux mieux. Il était devenu ainsi l'attraction de tous, le bonheur des enfants et un précieux métronome pour ponctuer la fuite inéluctable du temps.

Puis le coucou connut sa traversée du désert. Les humains avaient décrété qu'ils n'entendaient plus se faire sonner les cloches ni battre les changements d'heure. Ils firent en sorte de condamner au silence les pendules des églises tandis que coucous et pendules comtoises furent remisés chez les brocanteurs qui restaient souvent le bec dans l'eau, avec des reliques invendables.

Notre coucou ne resta pas les deux pattes dans le même sabot. Il voulut se montrer utile aux habitants de cette maison qui avaient eu la bonté de ne pas le mettre au rancart. Il savait que ses jours étaient comptés et qu'il devait trouver un nouveau motif d'être conservé. Condamné au silence, jamais remonté puisque tous les appareils électriques de la maison s'étaient honteusement approprié son office historique, le pauvre animal se creusa la tête pour trouver une solution.

S'il eut été Pivert, la chose eut été aisée mais pour un gentil coucou, suisse de son état, ce n'était pas commode. Pourtant, il trouva en lui, les ressources de sa survie. Puisque plus rien n'avait la moindre utilité dans sa petite demeure, il se dit qu'il pourrait utiliser les deux aiguilles, immobiles depuis si longtemps, pour apprendre à tricoter.

Il se mit à l'ouvrage non sans mal d'ailleurs car il faut bien l'admettre, il est bien plus aisé de tricoter avec des aiguilles de la même longueur. Pourtant, il montra dans l'exercice bien des qualités de telle sorte que ses productions enchantaient les habitants de sa maison. Il préférait de très loin tricoter des écharpes. Il pensait à juste titre que c'était là un passe-temps qui en valait bien un autre tout autant qu'un élément fort utile quand le temps se mettait au froid.

Le coucou était par une sorte d'atavisme de l'espèce passé maître dans le temps, quoi qu'il puisse faire, cela demeurait sa principale préoccupation. Il aurait pu se contenter de tricoter des cache-nez mais il manquait cruellement d'expérience en ce domaine. C'est donc l'écharpe et parfois le cache-col qui lui firent passer le temps.

Il aurait pu couler longtemps encore des jours heureux quand dans la maisonnée, on fut soudain pris d'une forme d'hystérie collective. Les radios, les journaux, les gens dans la rue n'avaient de cesse d'évoquer ce dernier changement d'heure, cette nuit de tous les dangers où chacun aurait à déplorer la perte de soixante minutes.

La chose tournait à l'obsession, chacun y allant de son explication qui troublait les esprits et une fois sur deux, donnait une indication erronée. C'est justement lors de l'une de ces polémiques stériles que quelqu'un leva les yeux vers l'antique coucou pour déplorer soudainement la disparition des aiguilles.

Comment avancer ou bien reculer ce qui n'était plus ? La question peut surprendre d'autant que depuis longtemps, la dernière heure du coucou avait sonné en cette maison. Mais la logique en la matière n'a pas sa place quand les esprits s'échauffent. Même arrêté pour le reste de ses jours, ce coucou devait subir comme toutes les autres pendules de l'endroit, l'opération évoquée par les journaux télévisés.

L'animal qui depuis longtemps ne pointait plus le bout de son bec, eut, on ne sait encore pas pourquoi, un sursaut d'orgueil. Que tous les regards convergent en cet instant vers lui peut expliquer cette énergie du désespoir qui le poussa à carillonner une ultime fois. Il sortit de sa boîte pour son malheur, avec les deux aiguilles au bout des ailes. Il signait par là même son odieux forfait.

Il fut promptement saisi au vol, dépossédé de ses aiguilles et honteusement étranglé par des mains vengeresses. Sa dernière heure entrait de pleines pattes dans la rubrique des faits divers. La dépouille du coucou n'eut pas même droit à une sépulture. Le pauvre animal fut jeté aux chiens, tandis que les deux aiguilles eurent droit à une fort émouvante cérémonie d'adieu.

Cette histoire, que je vous prie de croire, prouve véritablement que les humains marchent sur la tête depuis fort longtemps. Le temps du reste ne fait rien à l'affaire et pour certains, il n'est désormais plus possible de remettre les pendules à l'heure. L'histoire de l'humanité se détricote devant les derniers oiseaux qui observent affligés le drame qui se déroule sous leurs yeux.

Chronologiquement sien.

 

Le temps de remettre toutes les pendules à l'heure

Une pause s'impose

Rendez-vous le 7 novembre

Au Salon du livre de Sandillon

 

 

 

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