Tout sur la valise…

1 Mars 2024

En guise de bagage.

Moi qui vois le mal partout, il me semble normal me m'attacher à cet objet qui désormais n'est plus porté à bout de bras. La valise aime à se faire rouler et envisage même de se déplacer par ses propres moyens, s'émancipant de ce voyageur qui ne supporte plus le terrible poids de son bagage – ce dernier n'étant plus que matériel.

La valise connut une époque où elle manquait de coffre et pourtant elle fit un carton par l'entremise d'une chanteuse portugaise. Elle se plaisait même à se serrer la ceinture en se ceignant d'une corde, d'un morceau de ficelle pour suppléer une fermeture qui était des plus sommaires. C'était sans nul doute avant de la laisser voyager loin de vous, dans des soutes impersonnelles.

La valise a alors défendu son contenu en s'armant de cadenas et de codes secrets. La faiblesse de sa carcasse rendant dérisoires ces pauvres protections illusoires tandis qu'elle ne cessait de subir des chocs en compagnie de ses semblables. Chahutées, bousculées, entrechoquées, le comité de défense du bagage s'est alors caparaçonné pour faire de ses adhérentes de véritables coffres forts.

Ce fut l'ère du monstre sur roulettes à coque rigide. La démesure entrait en ligne de conduite tandis que les autorités furent contraintes de fixer un poids limite à cette course au volume. Avec vingt-trois kilogrammes sur la bascule, elle avait déjà fière allure et plus de contenance que nombre de ceux qui les poussaient sottement vers la zone d'enregistrement des bagages.

Car la dame exigeait maintenant son code barre pour se distinguer dans la masse de ses semblables alors qu'elle avait fait déjà un gros effort en matière de décoration extérieure. C'en était fini des couleurs ternes, de ce marron univoque et autres bruns incertains. La valise se fit chatoyante, bariolée, fluorescente parfois pour se distinguer sur le tapis roulant, lors des concours de beauté de la tribu.

Il se trouva alors que des voyageurs en eurent plein le dos des procédures interminables associées à la chose. Beaucoup trouvèrent qu'un bagage à main, pourvu qu'il fût assez gros, pouvait épargner bien des démarches. Une nouvelle gamme copia alors l'évolution de la grande sœur. Armature, roulettes, fermeture sécurisée pour un encombrement limité au porte bagage de la carlingue.

Ce fut le déclin pour celle qui jusqu'alors était le complément incontournable du voyageur. Une nouvelle génération se leva, capable de se déplacer avec le minimum pour échapper à la ronde des valises éléphantesques, pour ne plus se retrouver encombrée et ainsi pouvoir filer à l'anglaise, une fois arrivée à destination.

Il y aura bientôt plus de place dans les petits coffres au-dessus des têtes des passagers tandis que dans les soutes, le vide se fait et les valises s'ennuient. On pourrait bien voir ressurgir les places en troisième classe, dites « affaires », celles qui pour un moindre coût vous inviteraient à partager la soute avec les dernières représentantes de l'espèce.

Va-t-on aussi finir par dématérialiser le bagage ? Tout est possible dans ce monde qui pousse toujours plus loin les innovations technologiques. J'avoue que je manque de coffre pour imaginer la chose et réfléchir à pareille perspective qui me file des valises sous les yeux.

Je vais me contenter de plier bagage, de me charger d'un sac à dos pour rester terre à terre. Ce billet m'a donné le tournis, je préfère de très loin ne plus prendre de hauteur pour retrouver le bonheur de l'itinérance pédestre.

Bon voyage à vous.

En guise de supplément de bagage