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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Espiègleries…

Facétieux ou factieux ?

 

 

 

L'humour si je m'en réfère aux vedettes qui connaissent le succès dans les grandes salles, a viré sa cuti, cessant de jouer avec les mots et les situations, rebroussant le chemin escarpé du fantastique et de l'incongru, pour aller se vautrer dans les états d'âmes qui semblent nécessiter l'usage systématique de la vulgarité et de la grossièreté agrémentées de rires enregistrés pour montrer la voie au public hilare.

Acceptons cette tendance contre laquelle, notre indignation ne fera que renforcer les adeptes du pipi caca et des préoccupations exclusivement installées sous la ceinture, tout en nous interrogeant cependant sur la cohérence entre cette scène graveleuse de l'humour de corps de garde et les mouvements sociaux qui visent à annihiler toutes les manifestations de domination et de puissance dans les relations humaines.

Les estrades du « stand up » (en solognot dans le texte) doivent être à n'en point douter l’ultime réceptacle à la misanthropie, le sexisme, la manipulation et le dénigrement des minorités sexuelles. Une forme de réserve protégée pour rappeler aux uns et aux autres à quel point, nos comportements collectifs étaient tombés bien bas. En ce sens, il est intéressant d'examiner ce phénomène d'un point de vue anthropologique, pour mesurer la décadence des mœurs au temps de cette époque révolue.

Mais, à bien y réfléchir, si tout ceci était d'un passé aboli, comment expliquer le succès de ces humoristes qui ont un organe sexuel à la place du cerveau et ont élagué de leur registre langagier tous les jolis mots de la langue française. Ils ont un public qui adhère à une logorrhée qu'il convient de débiter du reste à toute vitesse, sans la moindre articulation. Plus ça va vite d'ailleurs, plus les horreurs glissent comme une lettre anonyme à la poste.

Dans la salle c'est la franche « poilade », la revanche des beaufs et des frustrés, des Dupont la joie et des franchouillards, des bas du bulbe et des bourgeois en goguette. Ils se tordent de rire, à se pisser dessus selon cette expression porteuse de tant de subtilité. Ils rient à gorge déployée pour exprimer la revanche des exclus de cette reprise en main apparente de la morale.

Soudain, l'évidence me saute aux yeux et je perçois alors une forme maladroite de légitime défense devant des mouvements qui ne font que déplacer l'échelle des valeurs, les codes moraux, les critères de domination. Tout est bien plus insidieux qu'il n'y paraît tandis que l'humour en vogue semble vouloir résister à un raz de marée d'un puritanisme inversé, d'un renversement des statuts de domination.

Il se peut que ce soit ce qui se joue là mais alors pourquoi le faire avec une telle vulgarité, un tel manque de subtilité dans le propos, une absence de second degré et de licence poétique ? C'est sans doute que tout ceci soit passé de mode, que le public et les humoristes eux-mêmes n'aient plus accès à la facétie insidieuse, à l’espièglerie irrévérencieuse, à l'ironie douce-amère, à la perfidie décalée, à la virtuosité lexicale.

Les outils à leur disposition sont devenus grossiers et il n'est pas étonnant que le produit fini ne soit ni ciselé ni délicat, ni élégant pas plus que gracieux, ni subtil et encore moins porteur d'un message. C'est du travail à la chaîne qui uniformise toutes les productions, donnant à chaque spectacle un petit air de similitude avec celui du voisin. C'est encore une bouillie informe qui semble remplacer le confessionnal d'autrefois. Le diable a pris la place des muses dans l'écriture de ces numéros pathétiques.

À contre-mode.

 

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