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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Avoir quelqu'un dans le nez.

Normal c'est un morveux.

 

 

 

Depuis plusieurs années, je ne cesse à chaque instant d'avoir quelqu'un dans le nez, un locataire insupportable, un être détestable qui a élu domicile dans mon tarin. Une véritable obsession car pas un jour ne passe sans que je n'essaie de l'en déloger et ceci sans le moindre succès. Je pensais jusqu'alors être le seul dans ce cas, le seul à vivre ce calvaire de souffrir d'un locataire nasal que personne ne peut contraindre à expulser.

Les lois sont mal faites et ne protègent pas les propriétaires d'un nez ordinaire qui ne peuvent jouir à loisir de leur cher appendice. C'est vraiment la crotte comme le diraient mes enfants qui voient le loup partout. J'en viens parfois à penser qu'ils sont de mèche avec cet indésirable, ce parasite qui m'irrite, me tourmente, m'exaspère, me rend la vie impossible.

Qui plus est, ce squatteur est un petit morveux. C'est sans doute la raison qui lui fit porter son choix sur mon nez plutôt que sur son palais. Il est vrai que dès que je le vis se pointer dans le paysage, je le gratifiai d'un pied de nez irrespectueux. Attitude enfantine que je ne cesse de regretter. L'autre profita de ce geste pour me couper l'herbe sous le pied afin de pouvoir aisément s’incruster dans mes narines.

Curieusement, cet indésirable, ce parasite nasal, ne manque pas d'air si bien qu'il ne cesse de me gonfler à longueur de temps. J'aimerais tant qu'il prenne la poudre d'escampette au lieu de quoi, c'est une toute autre poudre qu'il m'introduit de force dans mes naseaux. J'étouffe, je perds contenance devant ses comportements douteux, ses marques de mépris.

Je voudrais me moucher du nez mais voilà qu'il m'est revenu aux oreilles que je n'avais nulle légitimité à expulser l'immonde personnage. Il serait dans mon nez par la volonté d'un suffrage auquel je n'ai pas apporté ma voix. Je suis donc condamné à le supporter encore de longues années, un calvaire tant mon nez me pique, me gratte, m'insupporte.

J'ai parfois des mouvements d'humeur vite réprimés par mon locataire qui frappe là où ça fait mal. Je saigne alors du nez sans raison apparente, frappé que je suis par son comportement détestable. Je perds mon sang, je me retrouve en situation de faiblesse tandis que la tension monte autour de moi. Je découvre alors, ébahi et circonspect, que nombre de mes semblables se plaignent du même phénomène.

Le même parasite a investi leurs propres nez. Je ne suis donc pas le seul à l'avoir dans le nez. L'indésirable aurait donc don d'ubiquité y compris à travers la planète. Voilà qui me fait une belle jambe. Je ne peux me satisfaire de ce constat sans réagir. L'idée m'est venue de proposer une union sacrée de toutes les victimes de ce ruissellement nasal. Évacuons l'intrus, mouchons-nous du nez et cessons le de le faire du coude comme nous l'ont imposé ses complices.

Je n'avais jusqu'alors pas saisi le but précis de cette absurdité. Se moucher du pli caudal et non du coude (car il s'agit toujours de nous prendre pour des imbéciles) n'avait d'autre intérêt que de laisser en place le petit morveux. Il est grand temps de prendre le taureau par les cornes, de laisser tomber qui plus est le mouchoir en papier à usage unique, incapable d'extirper l'immonde morve. Emparons-nous d'un tire-jus, d'un grand mouchoir à carreaux et évacuons du nez ce pitoyable personnage.

Le laisser sur le carreau, voilà bien la seule perspective réjouissante, pourvu qu'il soit de Cholet, le mouchoir servira de réceptacle à ce triste épisode d'une Raie Publique pestilentielle qui fait son chou gras dans nos appendices. À vue de nez, le temps est venu de se moucher très fort.

À contre-nez.

 

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