Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

La conférence de Coullons.

Une réunion au sommet

 

 

Un Lama vivait heureux dans son pays natal, allant librement où le menaient ses pas, toujours l'œil aux aguets afin de prendre cette hauteur qui le rend si fier. Enfant, on lui apprit qu'il était issu d'une longue lignée. Il était du reste le portrait tout craché de son ancêtre le plus célèbre qui croisa la route d'un certain Archibald à la poursuite d'un énigmatique Temple Soleil.

 

Cette généalogie glorieuse lui donnait des responsabilités. Il entendait porter haut et fort le combat des siens pour vivre heureux au pays, se la couler douce sans plus jamais passer pour des bêtes de bât. Ce n'est point que les siens se refusent à donner un petit coup de main aux humains en assurant une charge que ses cossards préfèrent confier à d'autres, mais c'est ce terme qui le blessait tout en rabaissant la noblesse de cette espèce au port de tête altier.

 

Notre Lama que nous n’appellerons pas Serge pour ne pas tomber dans la facilité, décida donc de faire une tournée en Europe, en France tout particulièrement, patrie des lumières et des droits humains, pour obtenir de l’académie la création d'un mot nouveau pour signifier une charge placée sur le dos d'une bête de somme. Sa démarche ne fut absolument pas comprise par ces immortels portant bicorne qui ne voyaient pas d'un bon œil l'idée de venir au secours d'un animal acère.

 

Ce fut du reste l'occasion pour notre Lama de prononcer dépité un aphorisme qui eut plus de succès que la pauvre démarche de son locuteur. Devant les vieillards cacochymes en habit vert, portant l'épée au flanc, l'animal qui en avait gros sur la patate déclara devant la presse internationale : « Ce n'est pas le Pérou ici, ni même l'Argentine ! », phrase qui fit le tour du monde, sa patrie passant depuis un certain Voltaire pour un Eldorado enviable.

L'écho international de la réplique parvint à l'oreille d'une girafe qui voulut rencontrer celui qui se présentait comme le porte-parole des animaux opprimés. La rencontre eut lieu grâce à une souscription sur la toile afin que puissent se rencontrer les porte-drapeaux de la cause animale. Une réunion au sommet fut ainsi mise sur pied au cœur du Loiret. Le choix de ce département du Centre Val de Loire n'est pas le fruit du hasard. C'est en effet le charmant village de Coullons qui fut retenu par une curieuse consonance relevant d'un anthropomorphisme illusoire.

 

Pour compléter la représentation, une autruche, un héron, un flamant rose, un émeu, un cheval, un âne, un chameau, un cygne et un dromadaire vinrent compléter ce tableau de classe et de chasse. Il ne fallut pas attendre longtemps pour que les questions de protocole et de préséance se posent de manière épineuse. La girafe entendait présider pour des raisons qui n'échappaient à personne tandis que l'autruche, étonnant, refusait de prendre toute initiative. L'émeu s'opposa à la domination de la girafe sous le prétexte fallacieux qu'une langue bleue ne pousse pas à la franchise.

Le lama, qui s'interrogeait sur les étonnantes conséquences de sa démarche, se dit qu'il faudrait saisir le succès médiatique de leur réunion pour prendre la plume et écrire une déclaration des droits des animaux. La remarque fut fort mal prise par les représentants de la gente aviaire qui volèrent dans les poils de ce pauvre lama.

 

Les débats furent immédiatement houleux d'autant que très vite, des lobbyistes gravitèrent dans les allées de la salle de conférence pour favoriser l'intrusion de sponsors. Les marchands d'écharpes furent à ce tire les plus virulents au point que les conférenciers en arrivèrent à s'écharper. Ce fut un fiasco sans nom. Le lama, se sentant coupable, désolé et amer, décida de tourner le dos à la politique et s'en retourna vivre le reste de son âge dans son beau pays, qu'il n'aurait jamais dû quitter.

 

À contre-cou.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article