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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Et un raton laveur.

Le bandit masqué.

 

 

Le pauvre raton laveur n’en croit pas ses yeux. Lui qui jusqu’alors avait l’exclusivité du port du masque, se demande ce qui se passe dans son petit coin du canal de la Somme. Ses semblables ont cru et se sont multipliés dans cette région au point qu’on en dénombre désormais plus de deux mille. Comme l’animal se multiplie à la vitesse des lapins, il n’y a pas de raison que ça s’arrête.

Mais revenons à notre bandit masqué, venu dans les bagages de l’armée américaine et qui n’a pas suivi les GI à leur départ. Il est vrai que l’endroit était tout à fait propice pour s’y implanter et vivre sans histoire jusqu’à ce que, tout à coup, les humains se mettent à le singer. En animal curieux et parfois espiègle, le raton laveur voulut s’enquérir du motif soudain d’un déguisement beaucoup moins esthétique chez ces curieux animaux qui vont debout.

Il commença par se plonger non pas dans le canal mais dans les livres d’histoire. Les bateliers des canaux étaient alors nommés les « Gueules Noires » ; vilaine moquerie issue de la confrérie des mariniers qui eux, allaient sur les rivières, jugées plus nobles. Le masque serait-il venu dissimuler cette honte passée, cette poussière de charbon qui dans la région avait couvert bien des visages de mineurs également ? L’hypothèse parut saugrenue au raton prompt à laver les gueules sales tout comme le linge en famille.

Il lui fallut chercher une autre explication plus plausible celle-ci. Ayant ouï-dire qu’on le traitait de bandit sous le prétexte fallacieux de sa drôle de fourrure, notre ami établit une relation de cause à effet assez sommaire. Il est vrai qu’impitoyablement chassé, sa tête étant mise à prix parce qu’il était considéré comme invasif et pire encore, nuisible, il se mit à penser que les humains avaient eux aussi commis quelques forfaits contre la nature. Si l’idée se tenait tout à fait, elle n’expliquait en rien la nécessité de se dissimuler la face puisque nulle espèce animale encore, n’osait éradiquer cette espèce plus invasive que toutes les autres.

Le raton laveur, vedette incontestée des dessins animés pensa alors que ses curieux homologues avaient eux aussi une envie de spectacle. Le masque, le raton laveur étant un animal cultivé, renvoyait à la comédia d’El Arte. Il y avait sans doute un grand son et lumière qui se préparait dans la région pour justifier ce nombre incroyablement élevé de figurants à la figure voilée. Il dut se résoudre à repousser cette solution ayant appris que le monde du spectacle avait dû mettre un mouchoir sur ses ambitions.

Le raton laveur se perdit en conjectures. Pourquoi diable ceux qui n’avaient aucun prédateur connu, voulaient-ils ainsi passer inaperçus ? Il s’en alla trouver son ami le renard, lui qui se trouvait affublé d’un masque dans une ancienne série télévisée à succès. Le goupil fut contrarié par cette question, lui qui était un animal autochtone n’allait pas devoir s’expliquer devant un intrus. N’ayant pas l’intention de croiser le fer avec son questionneur, il s’en alla de fort mauvaise humeur.

Le raton laveur comprit qu’il ne devait compter que sur lui pour lever le voile sur une si étrange énigme. Il creusa la question lui qui habituellement se contente d’un arbre creux pour trouver refuge. Plus il réfléchissait, plus il s’arrachait les poils sans parvenir à la moindre explication valable. Lui le carnivore se cassait les dents sur cette question pourtant essentielle : « Pourquoi les humains vivent-ils désormais masqués et le plus souvent terrés ? »

Incapable de trouver la moindre réponse satisfaisante, il grimpa à un arbre afin de prendre un peu de hauteur. C’est en atteignant la cime qu’il eut la révélation. Une chauve-souris pendait là, la tête à l’envers, ce qui était justement la situation présente pour notre ami le mammifère. Le chiroptère lui ouvrit les yeux quoiqu’il fasse encore grand jour en lui tenant ce discours : « Ce qui se trame chez les humains dépasse tout ce que nous pouvions envisager. À force de chercher la petite bête à tous propos, ils ont été pris à leur propre jeu. Les voilà aux prises avec un mal sournois qui ne s’en prend qu’à eux. Pour sortir de l’impasse dans laquelle leurs folies les ont placés ils n’ont pour seule parade que ce masque qui les défigure de la sorte tout en leur donnant des similitudes avec ceux de votre rang. Ils se piquent encore de pouvoir s’en sortir tête haute par une injection qui avouons-le nous ferait ni chaud ni froid. Quant à eux, ils ne lésinent pas sur la température, pensant juguler le réchauffement climatique par des températures de moins quatre-vingts degrés. »

Le raton laveur, devant ce propos étonnant, préféra plonger dans l’onde pour ignorer ces curieux individus. Il ne fut pas surpris de découvrir les turpitudes des humains. De ceux-là, il n’est rien de bon à attendre, il en était convaincu.

Laveusement sien

 

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