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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Il vaut mieux l'avoir

Le Saint Yves appartient à notre patrimoine fluvial

 

Il était une fois Jeanne Marie Le Calvé, une de ces innombrables femmes qui avaient les mains dans l’eau du matin au soir, été comme hiver, par tous les temps surtout s’il était mauvais. On dit aujourd’hui qu’elle était lavandière, un bien trop joli mot pour un métier si pénible que jamais un bonhomme ne s’aventurait à jouer du battoir. Les mains couvertes de crevasses, des engelures à la mauvaise période, le dos cassé et les genoux douloureux, un rhume dont elles ne peuvent se défaire et surtout, diront les moqueurs, la langue bien pendue !

Chez nous, Marie Jeanne était laveuse sur le bateau lavoir de Laval. Elle eut d’ailleurs son heure de gloire, devint une vedette quand la publicité et les caméras se braquèrent vers elle. Elle fut une icône dont on aimait à se moquer. Pourtant, c’est avec une profonde reconnaissance qu’il aurait fallu évoquer cette femme, symbole d’une activité qui cessa d’être quand la machine à laver le linge se généralisa dans les foyers.

Si les feux de la célébrité ont depuis longtemps cessé de se braquer sur elle, elle aimerait que les jeunes générations n’oublient pas ces commères au-delà des merveilleuses représentations théâtrales qui redonnent vie aux caquetages qui bruissaient au bord de la rivière. Les paroles de lavandières sont ainsi l’occasion d’honorer ces princesses de la blanchisserie, reines des lavoirs et duchesses des bateaux lavoirs.

Marie Jeanne sourit de son observatoire céleste quand elle regarde tous ces géraniums qui ornent désormais les bateaux lavoirs, précieusement conservés dans nos villages, le plus souvent avec les accès fermés au nom de l’inévitable principe de précaution. Elle enrage que les planches sur lesquelles elle s’est échinée aient été retirées, ôtant ainsi toute signification à l’endroit. Un bel écrin fleuri qui ne dit rien de ce pan essentiel de l’histoire du quotidien.

Mais c’est avec une immense colère que Marie Jeanne s’aperçoit que son Saint-Yves, bateau lavoir de Laval risque de disparaître à tout jamais. C’était son domaine, son royaume. Elle a raconté tant de sornettes que ses parois vibrent encore des bavardages qui accompagnaient les grands coups de battoir. Le linge sale ne se lavait pas qu’en famille, ici c’était en fort bonne compagnie dans la grande académie des potins du village.

Elle serait encore à l’ouvrage que les langues iraient bon train pour dire tout le mal de cette société qui est capable de mettre des fortunes pour sauver des demeures princières, des cathédrales ou bien des monuments à la gloire des puissants. Mais quand il s’agit de préserver un lieu emblématique du quotidien des humbles, les subventions viennent toujours à manquer. Le mépris est toujours à l’œuvre pour ce patrimoine des gueux que les responsables laissent disparaître sans le moindre remords. Il est vrai que c’est un monde dont ils ignorent tout.

Alors Marie-Jeanne est prête à revenir sur terre pour jouer du battoir sur les fesses de ces canailles qui ne sont même pas capables de sauver ce joyau de notre histoire. Il faudrait leur crêper le chignon, les battre comme plâtre, leur ôter les choses s’il s’en trouvait encore disposant de cet attirail. Elle leur dirait vertement ce qu’elle pense de ce refus de mettre la main à la poche pour sauver son outil de travail. Elle irait jusqu’à les rincer dans l’eau de la Mayenne pour leur rafraîchir les idées.

Marie-Jeanne aime son Saint Yves, elle veut de toutes ses forces le sauver avant que de retourner dans les limbes, vivre tranquillement le reste de son éternité. Lui prend alors l’envie d’aller chatouiller les arpions de Stéphane Bern, le fameux délégué au Patrimoine, personnage qui passe son temps à narrer la vie de ceux qui se la coulent douce dans du beau linge, sans jamais se préoccuper de la manière dont il était lavé. Lui passer un savon, lui lancer de la cendre sur la tête voilà ce qui lui permettrait de remettre enfin les pieds sur terre et les mains dans l’eau.

Marie-Jeanne fidèle à la tradition ne lui mâcherait pas ses mots ainsi qu’à tous ces beaux messieurs qui n’ont que faire de sauver son Saint Yves. Il se peut même qu’elle déborderait, ne se souciant guère des bonnes manières qui n’ont jamais été son fort. Alors, il est préférable que nous l’invitions à retourner au paradis des laveuses, ces tristes personnages n’aiment pas qu’on leur dise leur fait tandis que vous pouvez lui apporter votre soutien en signant une pétition pour que son outil de travail cesse de pourrir le long du chemin de halage. Merci pour elle ! La pétition est ici

Laveusement sien.

Vidéo à regarder absolument

 

Pour en savoir plus

 

Vers 1850  à Laval destruction des vieilles maisons sur pilotis et construction des quais pour éviter inondations. Ainsi l’accès à la rivière n’étant plus possible et les nécessités de lavage plus fréquents du linge : apparition des bateaux lavoirs à partir de 1860. 

 

Flottille de 3 types : - simple barque

                                - bateau de lavage à un étage

                                -1865 grandes embarcations à 2 étages comme le St Yves avec logement pour buandiers et sa famille. 

 

Travail des lavandières gratuit pour le lavage et payant pour faire bouillir et essorer le linge :

- du lundi au vendredi lavage du linge

 - à partir du jeudi ramassage et pliage du linge et livraison

 

Trois catégories de lavandières : - ménagère 

                                                     - employée de buanderie

                                                     - laveuse professionnelle à leur compte 

  

40 laveuses par bateau qui était un lieu de vie animé.

 

Vers 1960 : arrivée de la machine à laver et volonté des préfets de supprimer ces bateaux polluants....appelés à disparaître. 

 

En 1982 le St Julien et le St Yves sont les 2 derniers bateaux lavoirs d'une flottille de 22 en 1904. 

 

Le St Julien : - construit en 1904 est exploité jusqu'en 1970. Don à la ville de Laval en 1971 .

                      - 1976 restauré et prend le nom de St Julien 

                      - 1985 statut de musée

                      - 1993 classé monument historique

                      - 1994 coque reconstruite

                      - label musée de France

                      - 2009 naufrage , entreposé sur terrain municipal à Laval

                      - 2011 restauration et remise à l'eau en octobre 2013

Le St Yves : -  construit en 1908

                    - 1965 vendu et transformé en foyer de jeunes travailleurs

                    - 1982 acheté par la ville de Laval et transformé en base nautique sous le nom de Port St Yves   

                    - 1993 classé monument historique

                    - 1998 coque reconstruite  

                    - 2009 naufrage et sur terrain municipal  à Laval... 2019 abandonné et non protégé depuis 10 ans sur ce même terrain !!!!!! 

 

Histoire de la pétition :

-  Oct 2018 courriel au service patrimoine pour manifester notre inquiétude quant à l’état du bateau lavoir St Yves.  

- Janvier 2019 : échanges de courriels avec responsable du service patrimoine qui expose qu'un projet de rénovation est à l’étude

- mai 2019 toujours rien de concret... lancement de la pétition : Laval : sauvons le bateau lavoir Saint Yves ....

Signez la pétition

Merci

 

 

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