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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Un marin posthume.

Rendez-vous dimanche 11 décembre, 14 h 15 sur le quai de Chateauneuf sur Loire

Un marin posthume.

Le Grand Saint Nicolas

 

Il est des légendes comme des réputations : elles sont souvent sujettes à caution ; elles s’amusent à détourner un fait ou une anecdote pour parer la réalité de la magie des croyances. L’évêque de Myre en Turquie a hérité de la dévotion de tous les marins sans qu’il soit établi qu’il ait voyagé sur les eaux. C’est sans doute parce qu’il avait du vent dans sa soutane et le cœur sur la main qu'il se trouva propulsé Grand Timonier de gens qui vont en embarcation.

 

Tout a commencé pour lui le jour de son baptême. L’eau pour lui serait toujours bénite : voilà un sort qu’il convient de lui envier. Le chérubin se sentit immédiatement le pied marin et, pour participer pleinement à la consécration, se dressa sur ses deux jambes dans le baptistère. Si Jésus avait marché sur les flots, Nicolas s’y tint debout pour servir de vigie divine. Il venait de mettre le pied dans la légende …

 

Né dans une bonne famille, le petit Nicolas gravit rapidement les échelons de la hiérarchie religieuse pour devenir évêque de la bonne ville avunculaire. C’est fou le nombre de saints recueillis par des oncles évêques dans la légende dorée ... Il fut encensé à Myre et couvrit d’or trois pauvres demoiselles qu’un père ruiné souhaitait prostituer. Un Roi magicien en somme, capable de pitié et de générosité. Générosité d’âme également quand il intercèda auprès des autorités pour sauver du gibet trois officiers, des marins sans doute. Là est la source de la légende des enfants extirpés du saloir : l’image représentant la scène, montrait un Nicolas bien plus grand que les malheureux soldats.

 

Les persécutions ne lui furent pas épargnées. C’est une des conditions pour réussir sa future carrière de saint. Les empereurs Dioclétien et Maximien se chargèrent de lui faire cet honneur et Nicolas connut les routes de l’exil et les joies de la torture. Martyr en bonne et due forme, il n’avait plus qu’à s’accorder quelques miracles pour marcher sur les sentiers de la gloire.

 

La mer et les bateaux lui furent alors d’un précieux secours. Des navires transportant du blé avaient fait escale dans sa bonne ville. La famine y sévissait et Nicolas, toujours prompt à sortir de sa manche quelques bourses remplies d’or, acheta du blé aux marchands. Les navires repartirent et, comme le brave évêque le leur avait promis, leur voyage se déroula sans encombre. Mieux même : à leur arrivée à destination, les stocks de blé s’étaient miraculeusement reconstitués. Nicolas faisant alors mieux que son modèle : il multipliait les grains de blé plutôt que les petits pains. Par la suite, il se recycla dans le pain d’épices : son fonds de commerce en somme.

 

Les gens sont hélas souvent difficiles à convaincre. Il leur faut toujours plus de manifestations miraculeuses pour enfin croire à l’improbable. Nicolas se trouva affublé du don d’ubiquité tout autant que de l’art de la manœuvre. Ainsi, lors d’une terrible tempête, il vint au secours de marins en détresse qui avaient évoqué son nom, les sauva de la noyade et prit la barre pour ramener le navire au port, s’empressant de disparaître à l’approche de la terre. Il venait de créer la société des sauveteurs en mer !

 

Cette fois, sa réputation navale était acquise. Il allait désormais voguer sur un flot de prières et de prodiges liés à la mer. Nicolas avait trouvé son créneau, son cœur de cible et sa mort devait renforcer encore sa vocation de voyageur maritime. On l’enterra dans sa Turquie natale en lui fichant la paix quelques centaines d’années. Puis la notoriété vint leur chatouiller les restes !

 

C’est alors que du côté de l’Italie, on se mit en demeure de vouloir offrir une sépulture chrétienne à ce pauvre Saint, désormais en territoire d’islam. L’idée était louable, certes, d’autant que beaucoup d’eau avait coulé sous les ponts du Bosphore et que nul n’était plus là pour honorer son corps. L’ennui dans l’aventure c’est que deux cités italiennes avaient eu la même envie et qu’il y eut une course de vitesse sur la Méditerranée pour ravir avant les autres les restes du saint homme.

 

Ce sont les marins de Bari qui rugirent de plaisir en triomphant de leurs homologues de Venise. Nous sommes en 1087 et la première course au large vient de se dérouler. Soixante-deux marins réussissent cet exploit et, toutes voiles dehors, conduisent les reliques en territoire chrétien. La course aux nonnes venait de voir le jour. Nicolas fut consacré prince des voyageurs en bière. L'Alsace ne demandait qu’à lui tendre les bras.

 

Il va se mettre en quatre pour mériter cet honneur. On va s’empresser de découper ses restes afin de les disperser dans toute l’Europe. La foi a besoin de preuves tangibles et quoi de mieux qu’un humérus ou bien une phalange pour sentir le souffle de Dieu, un cheveu ou bien un poil pubien pour tisser une légende ? Les cendres des saints martyrs ne connaissent jamais le repos éternel , ces personnages ayant fâcheuse tendance à se disperser ; Nicolas tenant, en la circonstance, le ruban bleu de l’éparpillement.

 

Ne lui en voulons pas : il est d’abord le protecteur des enfants même s’il se retrouve souvent flanqué de son camarade le Père Fouettard. Qui aime bien châtie bien ; Saint Nicolas respecte à la lettre la formule et distribue bons et mauvais points, pain d’épices et coups de trique. Il n’était pas encore venu le temps de l’enfant-roi qui est noyé sous les cadeaux sans véritablement les mériter tous. Saint Nicolas relève encore de la vieille tradition de la juste récompense.

 

Voilà vous savez tout de l’origine de ce culte qui a donné naissance à la légende du père Noël sous le truchement de la firme Coca Cola. Voilà bien les fantaisies de l’histoire et l’incroyable crédulité des hommes.

 

Iconoclastement sien.

Un marin posthume.
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