Le pompon sur la maison …

D'année en année, nous partons à leur recherche. Lorsque le mois de Décembre attaque sa seconde moitié, ils sortent tous du bois. Ils ne craignent ni le chasseur de Gaspi, ni la
note salée d'EDF. Ils redoutent encore moins le ridicule et avancent au grand jour en pleine nuit ! Ce sont les merveilleux, les magnifiques, les incroyables : « illuminés de Noël
! »
L'espèce a tendance à se multiplier comme le firent naguère les adorateurs de nos chers nains de jardins, jusqu'à ce qu'un commando de libération, ne vint fort à propos, mettre
un terme à la mascarade.
Les illuminés font tache de lumière et tache d'huile. Un lotissement qui accueille en son sein un spécimen doit redouter la pandémie. Nul vaccin ne permettra de juguler la
propagation du mal et des guirlandes lumineuses. Tous les voyants ne sont pas au rouge mais ça clignote fortement et la maladie poursuit son œuvre d'abrutissement.
De toits en façades, de cheminées en jardins, la maladie étend son manteau fluorescent, sa conception archaïque du beau, sa vanité absurde. Les illuminés brillent de mille
lanternes, scintillent d'une myriade d'ampoules qui apportent de l'eau aux moulins des énergivores du monde entier.
La cerise sur le gâteau; le pompon sur la maison, ce sont ces inoxydables Pères Noël en matériaux composites perchés sur une toiture, pendus à une échelle de corde dans les
familles où travaille un employé de France Télécom. Ils croupissent là une grande partie de l'hiver et redonnent à cette fête sa dimension fantasmagorique si chère aux enfants.
De jour, ces cadavres, rouge passé, flottent au gré des intempéries. Ils deviennent des signaux de détresse d'une société qui ne croie plus qu'en l'acte d'acheter. L'ostentation
règne en maîtresse souveraine sur cette injonction à la magnificence.
Pourquoi se gêner d'ailleurs. La crise n'a nullement affecté les municipalités qui elles aussi font assaut d'esthétisme électrique de mauvais goût et de marchés de Noël
indécents. La course à l'amusement au grand froid, le lampion en lampadaire et le vin chaud à profusion.
Les illuminés de Noël se donnent des conseils pour agrémenter leur chant du cygne. Ils font preuve d'une ingéniosité à la mesure de leur sens esthétique. C'est chargé à
souhait,ça dégouline de partout, le rococo se dispute avec la baroque, l'improbable se mêle au pitoyable.
La roue de charrettes et la charrue si seules le reste de l'année trouvent enfin compagnons à leurs pieds. Des personnages incongrus viennent côtoyer le pantin rouge et blanc. On
se moque fort bien de la tradition et tout ce qui scintille peut trouver place dans ce capharnaüm.
Tout cet arsenal électrique crèche dix mois de l'année dans un coin obscur du garage et brille deux petits mois pour annoncer la grande nouvelle : La consommation bat toujours
son plein ! L'illuminé a passé ces mois d'anonymat a dressé des plans autour de sa comète; le clou de son installation. L'ingéniosité au service d'une grande cause humanitaire !
Des gens en mal de distraction, lancé dans une vaine quête d'amis ou d'un inépuisable sujet de conversation, se promènent dans les rues froides pour admirer ce spectacle
grandiose. C'est le son (celui dont se délectent les ânes …) et lumière des adorateurs de TF1 et M6 réunis, qui l'espace d'une soirée, vont à la rencontre de leurs pairs.
Ailleurs dans la nuit, le froid et l'indifférence d'autres lumières bleutées clignotent dans les rues. Ce sont les services de secours qui viennent réconforter un être
humain qui depuis longtemps, n'a plus de maison où accrocher de père Noël synthétique …
Nativement vôtre.