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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Éclaircissements à la lumière d'une chandelle.

De la complexe ovalité du Rugby.

 

 

Avant la terrible partie de manivelle : Afrique du Sud - France de la Coupe du Monde de Rugby chez nous, il semble opportun d'éclairer la lanterne des béotiens qui ignorent tout de ce jeu, véritable philosophie de vie et manière d'envisager le sport. Le Rugby, pratique paradoxale par excellence est souvent évoquée au travers de l'antienne : « Sport de brutes pratiqué par des gentlemen et observé par des supporters civilisés ! »

Il y a bien un aspect polymorphe dans une pratique quasi rituelle qui mène un combat d'appropriation territoriale dans une ivresse de combat. La force, la puissance et le courage y sont les valeurs essentielles. On y devine aisément le portrait de notre brute. Pour atteindre ses objectifs, il doit faire preuve de grandes qualités morales, d'intelligence pour appréhender la complexité du jeu et d'un sens du sacrifice anachronique. Cette fois c'est le gentleman qui pointe !

De cette dualité, le quidam étranger à la confrérie de l'Ovalie ne perçoit, le plus souvent, que les excès, les dérapages ou les blessures sanguinolentes du joueur en Bleu, porteur du coq. C'est le guerrier, avec son cortège d'ecchymoses, de plaies et de bosses qui surgit de ce premier cliché. Quand le combattant sort vainqueur des mêlées houleuses, des plaquages destructeurs, quand il a surmonté sa souffrance et sa peur pour sortir vainqueur de lui-même, il entre alors dans la folie des dérives exutoires. Il se fait soudard au cœur de la taverne ou du club-house. C'est ainsi qu'il est étiqueté, montré du doigt et frappé d'indignité au cœur de la cité.

Mais la brute est pudique, il ne dira rien de l'autre versant de sa personnalité, de cette partie immergée que personne ne semble voir, tant la célébration cathartique de la joute sportive et ultra télévisée s'impose à tous. Pourtant, au secret du vestiaire, une métamorphose s'opère. Le joueur échappe à l'individualisme dominant dans notre société pour se fondre dans un collectif d'un autre temps. Cette mue se réalise par le truchement du Discours. C'est le Verbe, la puissance des mots ou des évocations, qui transcendent celui qui va revêtir la tunique magnifique « le maillot ! », cette carapace du héros médiéval.

Cette étrange alchimie ne fonctionne pas à chaque fois. Parfois les mots ont touché l'âme collective et de l'émotion a jailli l'énergie. Le groupe uni comme un seul homme, déterminé, inflexible, va balayer son adversaire comme fétu de paille. D'autres fois, un grain de sable a grippé le mécanisme, le propos ne s'est pas fait rassembleur, un mot de travers, une incompréhension manifeste et la chrysalide ne sortira pas du cocon. L'équipe sera décevante, empruntée et triste.

Ce mystère est difficile à comprendre pour qui ignore tout de ce laboratoire surchauffé qui sent l'embrocation et la sueur et qu'on nomme vestiaire. C'est là que s'opère la transfiguration du pratiquant ordinaire en Dieu du stade (quel que soit son niveau de pratique). C'est là aussi qu'il fera le chemin inverse, qu'il quittera le maillot souillé pour reprendre ses habits civils. Mais on ne quitte pas l'Olympe sans faire un tour par l'enfer de la troisième mi-temps.

Bien sûr, si ce détour doit se faire avec modération, il demeure indispensable pour assumer une pratique qui est, au plus profond d'elle-même, totalement schizophrène. La troisième mi-temps est donc consubstantielle à ce sport qui s'apparente davantage aux combats ancestraux qu'aux charmantes agitations sportives de notre société de l'image. Sur le pré, l'homme, aussi puissant soit-il, est nu face à sa peur, ses douleurs, ses craintes. Il ne se surpasse qu'au travers d'un collectif qui, plus que dans tous les autres sports, transcende les qualités individuelles. C'est avec ses compagnons de métamorphose qu'il lèvera une belle flopée de verres pour revenir à sa modeste condition de mortel !

 

 

Les mots en mêlée !

 

À l'heure du coup d'envoi le pays tout entier parlera ovale, une pointe d'accent sudiste et un chauvinisme de circonstance en bandoulière. Autant de handicaps pour les béotiens plus sensibles à la rotondité du référentiel rebondissant ! Ces braves gens n'y comprendront rien, le lexique du Rugby exige initiation complexe et métaphore leste, sens de la parabole et pas seulement pour la trajectoire de la gonfle. La langue s'y délie, le mot vagabonde et les expressions fusent tout autant que les coups tombent sur le pré comme à Gravelotte. Ne donnez pas votre langue au chat, prenez le temps de parcourir ces quelques lignes pour apprécier la langue de chez nous, celle qui se pratique après quelques abus, une langue de gueule de bois pour les adeptes de la soule en quelque sorte.

C'est à la lumière d'une chandelle, que vous devrez découvrir la chose. Le parler d'Ovalie fait grand raffut, ne riez pas sous cape. Il faut se vêtir d'une combinaison et d'une cravate pour entrer dans la confrérie et surtout ne sauter aucune ligne. Derrière le rideau de vos paupières, vous découvrirez un ballon mort, tué d'un coup de marteau placé entre les deux yeux.

N'ayez crainte, si le combat fait rage, on se restaure aussi. Venez avec fourchettes et cuillères de bois ou non, pour participer à la fête. C'est un jeu de passe de maçons auquel se livrent ces drôles de voyous, déménageurs de piano à la mine patibulaire, le cuir chante quelques chansons paillardes, c'est le rugby champagne qui se consomme sans modération à coups de pieds et de cartons.

Prenez alors un peu de hauteur, l'ascenseur vous tend ses bras, de solides menottes d'étayeurs farceurs, pour éviter que la cabane tombe sur le chien. L'animal a sa place dans ce jeu de mulet, d'ânes supposés et de gros cochons qui n'aiment rien tant que se perdre dans le maïs. Si un mammouth passe par là, méfiez-vous de son coup de pied, seul celui du rossignol ne vaut pas tripette !

Vous aurez alors à relever la mêlée à jolis coups de marteaux pour une belle générale. Vous avez, par mégarde, ouvert la boîte à gifles, une belle salade de phalanges vient vous remettre les pendules à l'heure. Bon prince, vous passerez l'éponge magique sur ces débordements qui ne sont que gentil folklore, ça brasse de l'air plus que tarin !

Vous êtes touchés par la grâce ovale, ne piétinez pas les platebandes ni les arpions de celui qui ratisse la balle. Plongez dans la fournaise, spontanée ou ordonnée, la bataille fait rage, les piliers tiennent la barre avant que de s'installer bien plus longtemps encore au bar, à refaire le match. Ne simulez pas l'enthousiasme, vous joueriez petit bras. Bien vite, on vous renverrait dans votre camp à grand coups de godasses, de chaussons ou de tampons.

Si vous en avez assez, plaquez tout, prenez un carton pour ranger vos abattis, du moins ceux qui sont encore intacts. Ne restez pas dans le couloir, tout ce qui encombre sera impitoyablement déblayé. Vous resteriez en rideau, tout près des perches sans aller à dame ! Pour vos contacts, il est des moments charnières, ne manquez pas le passage de la patrouille et munissez-vous d'un pack solide, la communication est essentielle dans ce jeu si complexe.

Le chat est maigre, c'est qu'il a les oreilles en chou-fleur en cherchant à poursuivre une gazelle, un kiwi ou bien une tortue. Au royaume d'Ovalie, les animaux ont la part du lion qu'il soit britannique ou pas. Il a ainsi l'avantage de pouvoir passez dans un trou de souris, il pénétrera alors dans le secret des Dieux, assistera médusé à l'éjection d'un œuf pondu par une cocotte magnifique.

Victime d'un coup pas très franc, constatant alors qu'il n'a plus toute sa tête, le pauvre lecteur se trouve sous le joug d'un cerveau diabolique. Il risque la commotion cérébrale, ce qui avouons-le n'arrive jamais chez nos amis les manchots. Il essuie ses crampons, se retire sur la pointe des pieds de cet univers impitoyable et si énigmatique.

Au loin, le coq, la crête altière, fait une étrange fixation. L'animal veut, c'est pas très malin, après avoir mangé une fougère se délecter d'une gazelle, l'appétit vient en mangeant. Le trèfle attend son heure afin de mettre un point final à ce délire en se goinfrant d'un joli coq au vin à moins que la fougère ne lui coupe l'herbe sous le pied.

La troisième mi-temps célébrera l'amitié et la déraison, vaincus et vainqueurs levant leurs verres de concert dans une confraternité réjouissante. On peut noter du reste que contrairement aux futurs jeux olympiques le champagne n'est pas réservé aux seuls VIP. Le Rugby restera à jamais le sport du partage et de la convivialité.

 

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