La pédagogie du discours en bois

Le serpent de maire …

Étrangement, à l'heure où l'on envoie à la boucherie scolaire de jeunes professeurs bardés de diplômes mais absolument pas ficelés par des techniques pédagogiques élémentaires, nos amis les grands communicants politiques, déclarent à propos de tous les sujets : » Nous devons faire preuve de pédagogie ! ». Puis, ils ne se privent pas d'ajouter une petite illustration triviale pour éclairer leurs propos : «Ceux qui instrumentalisent les jeunes devraient balayer devant leur porte i ».

Examinons plus attentivement cette nouvelle pédagogie, dite du « coup de balai » qui n'en finit pas de rendre ce gouvernement merveilleux pour les chroniqueurs attentifs, les amoureux des faux-semblants et de la langue de bois râpeuse.

Commençons, à toute horreur tout honneur, par nos jeunes professeurs balancés devant des élèves sans formation préalable, sans véritable accompagnement et sans la mansuétude de la grande maison éducative. Les témoignages commencent à pointer leur bout vilain d'un nez qui s'allonge. Des débutants débordés, surchargés de travail, chahutés, ballotés qui rendent les armes. Une administration académique qui les renvoie dans les cordes ou à leur chères études.

Honte et désolation, une formule qu'il convient d'utiliser maintenant pour tous les faits d'armes de notre gouvernement et de ses administratifs servants. La directrice des ressources humaines de l'éducation nationale n'en finit plus de manier la langue de bois pour justifier l'injustifiable au téléphone sonne de France Inter du jeudi 13 octobre.

Le même jour, c'est Rama Yade qui use de la belle formule à propos des manifestations lycéennes contre les retraites. « Nous n'avons pas fait assez de pédagogie pour leur expliquer que cette réforme est faite pour eux ! » Puis elle affirme sans rire qu'il n' y a aucune relation entre l'allongement du temps de travail des adultes et le chômage des jeunes. Le principe des vases communicants échappe maintenant à la physique pour rentrer dans le champ plus complexe de la dialectique.

Puis c'est monsieur Woerth qui se fait le chantre une fois de plus de sa merveilleuse réforme en regrettant de ne pas avoir assez usé de pédagogie. Il manie si bien le concept qu'il prie tous ses détracteurs de balayer devant leur porte et de ne point le déranger avec ses mensonges et ses affaires scabreuses. Le refus de la communication est ainsi un art du bien enseigner, j'en suis ravi !

D'autres prennent le relais ; « Nous avons un déficit d'explication ! » Oh, voilà un bien curieux mariage. La fiancée d'un temps se permet d'étayer la science éducative ! Nous pouvons dormir sur nos deux oreilles d'enfants de Piaget et de Freinet. Ils ne sont pas prêts de se mêler de didactique !

Ainsi va le discours dominant. Un expert en communication décide de mettre en avant un concept qui sera usé jusqu'à la corde (qui risque hélas de servir à quelques jeunes professeurs poussés à bout) et tous les micros reçoivent leur part de déclinaison de la belle idée. Chacun y va de son refrain, rares son ceux qui poussent jusqu'au premier couplet.

Quand le tic langagier du moment se heurte de plein fouet  à un fait d'actualité, ils ne se rendent même pas compte de l'effet désastreux. Parler de pédagogie à tout propos quand justement cette difficile pratique n'est plus enseignée au futur enseignant, c'est parfaitement indécent.

Personne ne tire plus aucun enseignement des faits passés. L'actualité efface jour après jour, les erreurs de la veille, les mensonges de la semaine, les trahisons du mois, les fautes de l'année. Une pirouette, une nouvelle expression chasse les nuages pour que le cirque médiatique continue sa représentation. Éthique, mémoire, nationalité, morale, pédagogie, le petit Prince monte sur ses grands chevaux verbaux pour nous enfumer de mots pompeux dont il ignore parfois jusqu'au sens même.

Pédagogiquement leur.