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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Disparition

L'effet boule de neige de la toile.

 

 

 

Une vedette, fort sympathique au demeurant, en vient à tirer sa révérence et soudain la toile bruisse d'hommages et de commentaires, chacun y allant de son cliché, de son anecdote ou de ces formules toutes faites qui sonnent aussi creux qu'un tocsin. Quel est donc cet étrange phénomène qui transforme le tout à chacun en porteur de mauvaise nouvelle, la mort étant la plus prisée d'entre tous.

Quel est donc le but recherché à porter à la connaissance de tout son réseau d'amis, une information qui n'a échappé à personne ? Est-ce la volonté de partager une émotion sans doute sincère ? Dans pareil cas, il me semble que les mots seraient de plus grande utilité que la répétition à l'infini de photographies qui ne signifient rien de la relation affective que le diffuseur avait avec le défunt.

Mais écrire autre chose que des formules convenues, une maxime en latin ou pire encore un acronyme pompeux et fort peu révérencieux à mon goût : Requiescat in pace en latin ou Rest in peace en anglais, autrement dit « repose en paix ». L'usage d'une langue morte ou étrangère venant au secours de gens qui ne savent plus que dire et encore moins rédiger par eux-mêmes.

Faut-il être en mal d'existence pour ainsi se jeter, tel un charognard de la toile sur la rubrique nécrologique pour se faire soi-même, le porte cierge des personnalités ? Est-ce une manière de se sentir être du nombre, d'appartenir à ce gotha de haute société, de profiter d'une mort pour profiter un peu de l'aura de celui ou de celle qui vient de nous quitter ? J'avoue me perdre en explication et ne pas comprendre la motivation de ce message qui se répète à l'infini.

Les thuriféraires des rubriques nécrologiques ne s'aperçoivent-ils pas qu'ils s'ajoutent ainsi à la multitude de leurs semblables qui viennent communiquer le même message à quelques nuances près ? Pareille précipitation doit exprimer une incapacité maladive à exister pour eux-mêmes. Le besoin de se faire valoir à travers une personnalité alors que son cadavre est encore tiède me fait froid dans le dos. Je sais n'être pas formaté de la même manière que cette masse qui a besoin de se reconnaître dans la réitération à l'infini des mêmes poncifs …

On peut mesurer le degré de conformité de l'homo numéricus qui se précipite toujours vers les mêmes informations, les mêmes truismes, qui partage ce que d'autres font, qui n'existe que par la reproduction, la copie, le partage en ne s'autorisant pas à prendre le risque d'un message personnel, original, un tant soit peu pensé.

Quand la communication atteint ce degré zéro de la réflexion, elle confine à une forme désespérante de ratiocination qui lui retire toute pertinence et tout intérêt. Faut-il recourir à des satellites et des big data pour tenir des propos de café du commerce ou de salon de coiffure ? Le coût énergétique de la mort d'une vedette mériterait d'être analysé et diffusé pour montrer la vacuité et l'absurdité d'un tel comportement.

Je crains d'être étripé en écrivant de telles horreurs. Il est vrai que toute vérité n'est pas bonne à asséner d'autant plus lorsqu'elle porte en elle une certaine dose de misanthropie qui confine à la prétention et à la morgue. Mais comment éviter ce dernier travers sur un tel sujet ? Ayant pris le parti de dénoncer les travers, de jouer de la perfidie et de la plus parfaite mauvaise foi, j'enfonce une fois encore un clou qui risque fort de provoquer irritation et incompréhension.

Pourtant, faut-il que l'humanité s'enfonce ainsi dans des comportements aussi incohérents que nocifs sans que quiconque ne vienne agiter le chiffon rouge pour tenter d'éveiller de rares consciences ? Je prends ce risque et en assume les conséquences tout en vous demandant, à mon décès de ne pas reproduire pareil comportement déplorable. Votre silence m'ira fort bien.

À contre-masse

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