Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Eustache et Phaloppe

Conte vestibulaire.

 

 

Ce qu'il advint en cet avant au-delà d'auparavant n'est certes pas à mettre entre toutes les oreilles. Que les plus chastes s'éloignent dans l'instant avant que de me reprocher de vous les casser ou bien pire encore, de vous les briser par le menu. Quant aux autres, tendez-moi vos deux oreilles si vous voulez bien pénétrer plus avant dans le pavillon de dame Phaloppe.

Occupant un délicieuse petite maison dans une banlieue tranquille, la dame coulait des jours heureux, produisant des bougies avec de la cire d'abeille. Elle avait de maigres besoins, se satisfaisait des modestes subsides de son petit artisanat. Sans faire grand bruit, elle avait fait son trou dans le voisinage, étant appréciée de tous. Elle n'en demeurait pas moins vielle fille quoiqu'elle fut porteuse d'un curieux prénom que ses géniteurs avaient souhaité écrire ainsi et qui aurait du la prédestiner à des aventures amoureuses.

Ce soir-là pourtant, tout bascula pour elle. Un rôdeur en quête de quelques mauvais coups vint à passer par là. Il s'introduisit par effraction chez la dame, conduit en ce lieu par un curieux pressentiment. Son petit doigt lui avait soufflé qu'il y avait là, une belle occasion de se remettre le pied à l'étrier, de changer le cours de son existence.

Eustache, puisque c'est ainsi que ses parents l'avaient prénommé, n'avait pas bonne réputation. Les uns le disaient marteau, prétendant qu'il y avait plus de folie que de raison dans les agissements de ce farfadet. Les autres, plus sévères encore, jugeaient qu'il serait nécessaire de l'interner. Personne en tout cas dans le pays, lui prêtait l'oreille ni la plus petite attention.

Il brisa une fenêtre ovale et s'y glissa avant que de se retrouver nuitamment dans le vestibule du pavillon de Phaloppe. Voilà entrée en matière condamnable, je vous l'avoue, pour une romance qui débute de fort mauvaise manière. Nous ne pouvons jamais préjuger des conséquences de nos actes. Rien dans son entreprise ne pouvait mettre la puce à l'oreille à ce célibataire par la force des choses, ce vieux gars qui n'avait d'autres expédients que les mauvaises actions.

Marchant à tâtons, tendant l'oreille pour guetter la moindre alarme, il ne savait pas au juste ce qu'il venait chercher dans cette modeste demeure. Il marchait sur des œufs quand son pied gauche rencontra une enclume, abandonnée au milieu du vestibule. Sa chute fit grand bruit comme un roulement d'osselets, une cascade dans un torrent en colimaçon. Il en perdit conscience dans l'instant ce qui attestait malgré tout qu’il lui en restait un peu.

Phaloppe, alarmée par le vacarme, se précipita, à la lueur d'une bougie, déformation professionnelle. Elle découvrit son visiteur inanimé, un garçon dont elle connaissait la sulfureuse réputation. Loin d'elle l'idée de prévenir la police, la dame avait toujours eu pitié de ce pauvre diable. Tout au contraire, elle se pencha vers lui pour lui glisser dans l'oreille des mots prévenants.

Constatant qu'il saignait abondamment d'une narine, elle y glissa une mèche pour interrompre l’hémorragie. C'est ce qui mit le feu, non pas aux poudres comme nous aurions pu nous y attendre, mais à leurs cœurs. Eustache ouvrit un œil, sa prévenante secouriste le gratifia d'un doux regard, plein de bienveillance. L'amour ne se ferait plus tirer l'oreille pour ces deux-là !

L'intrus avait les jambes en coton, il ne put se relever sans l'aide de la dame. Elle le soutint pour le conduire dans son alcôve. La suite échappe à la morale, ils venaient tous deux de mettre l'auriculaire dans un curieux engrenage. Mais il ne m'appartient pas d'en dire davantage. Si des bruits étranges parviennent à vos tympans, laissez-les entrer par une oreille et sortir par l'autre. Ce qui se tisse entre eux n'est pas de notre ressort. Phaloppe ouïe de tendres paroles de son amant tandis qu'Eustache ne la trompa jamais. Voilà qui devrait suffire pour satisfaire la morale.

Auriculairement leur.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article