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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Un destin exemplaire.

L'éternel recommencement.

 

 

 

Alors qu'en Orléans, les conditions d'une nouvelle guerre civile semblent réunies, que les passions sont exacerbées tandis que la religion est portée tel un étendard guerrier par quelques défenseurs de la vraie foi, il est peut-être opportun de remettre en lumière une histoire, oubliée fort commodément de beaucoup, ici !

Il s'appelait Geoffroy Vallée, une tête folle dans un corps incertain, en une époque lointaine où la norme s'imposait à tous. Né vers 1520, cet orléanais atypique avait profité de la formidable ascension sociale de son géniteur, Geoffroy Vallée, homme qui par son travail s'était élevé dans la bonne société. Le Grenétier de Gien entra à la Chambre des Comptes fut anobli en 1536 devenant ainsi le « Sieur de Chenailles », un domaine entre Saint Denis de l'Hôtel et Châteauneuf.

Laissons ce père brillant pour nous pencher sur la seule qui tendit la main à ce garçon différent, sa mère, la gentille Girarde le Berruyer, la fille d'un avocat fiscal de la place. Elle protégea son fils aîné de ses frasques multiples alors qu'étudiant à l'Université d'Orléans, étudiant en droit, il se fourvoyait en fréquentant les idées de la Réforme, très en vogue en cette ville (il ne faut pas l'ébruiter).

Le garçon n'est donc pas un sot, il obtient une maîtrise es-art en dépit de ces accès de démence, qui dès l'âge de six ans, parsèment son existence. On le dit atteint d'une maladie cérébrale se manifestant par des fièvres chaudes, des accès de délire alors qu'il se murmure sur son compte une indifférenciation sexuelle qui le laissera à jamais à l’écart du beau sexe. Il ne fait pas bon être différent quand on envisage de faire sa place dans le monde ouaté de la bourgeoisie et de la noblesse.

Geoffroy, pour déséquilibré qui soit, n'en devient pas moins l'héritier d'une belle fortune, ce qui provoque la jalousie de ses frères et sœurs et la convoitise de ceux qui espèrent en tirer profit. Malgré tout, durant trois années, il obtient la charge de notaire secrétaire du roi, fonction qu'il abandonne de lui-même. Celui qu'on surnomme « Le beau Vallée » ou « La Dame de Fornise » fréquente désormais des libertins qui réfutent l'idée de la résurrection du Christ.

Geoffroy doit quitter Orléans. Ses agissements, bien que couverts en partie par sa mère, sentent le souffre. Il va vivre à Paris entre deux escapades lointaines. Il détourne du catholicisme quelques membres éminents de La Pléiade, se permet, lors d'un voyage à Rome de réclamer une entrevue avec le souverain pontife pour l'admonester. Il se fait remarquer par le tout Paris, devient le « Prête-coq » c'est à dire le châtré, le bouffon sans couilles.

Placé sous tutelle, il est devenu un poids pour sa famille, un danger pour la société. Il pousse alors la folie jusqu'à écrire un libelle, un véritable pamphlet contre la religion. Son petit manifeste, ce brûlot hérétique « La béatitude des Chrétiens ou le Fléau de la foi » est imprimé, diffusé et naturellement fait scandale. Si ses paroles dérangeaient, son écrit porte la marque du diable et vaut jugement.

Le petit in-octavo de huit feuillets est une bombe à retardement d'autant que le fol Geoffroy le remet aux curés de Saint Paul et de Saint Eustache. Deux mois après la publication de l'ouvrage, la faculté de Théologie le juge « Scandaleux » et transmet ses remontrances au Prévôt de Paris. Geoffroy est incarcéré au Châtelet. Son procès est instruit par la juridiction du Châtelet qui ne tient pas compte de l'état psychiatrique manifeste du personnage.

Plusieurs juges penchent pourtant pour la mansuétude et souhaitent le reléguer dans un monastère. Il en va tout autrement du roi Charles IX : Arnaud Sorbin joue de son influence pour obtenir la peine suprême. L'homme se fera remarquer en 1572, comme étant l'un des principaux fomenteurs du massacre de la Saint Barthélémy. Le roi étant mourant, son confesseur le convint que la mort de Vallée lui ouvrira les portes du salut.

Geoffroy est condamné à mort, conduit à la Conciergerie de Paris. Le Parlement confirme alors la sentence et le 9 février, c'est un homme nu-pieds, en chemise, les mains garrottées qui arrive en place de Grève. Auparavant, le malheureux avait été conduit en charrette jusqu'à Notre-Dame pour assister à la lacération puis la combustion de tous les exemplaires saisis de son livre.

Pendu et brûlé, Geoffroy Vallée devait sombrer dans l'oubli. Il fut cependant un exemplaire de ces feuillets qui justifièrent sa condamnation conservé miraculeusement (si cet adverbe est bien fondé en la circonstance) à la bibliothèque Méjanes d'Aix en Provence. Alain Mothu et Patrick Graille ont exhumé cette histoire, éditant un petit fascicule aux Éditions Demeter. L'un deux me remit un des derniers exemplaires de cet ouvrage édifiant, symbolique de la furie des hommes quand il s'agit de discourir du mystère de la foi. Puisse ce bref résumé vous donner envie de reconsidérer l'histoire de ce martyre de l'intolérance.

Hérétiquement vôtre.

 

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