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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Il n'a plus toute sa tête

 

En plein désarroi

 

Les temps sont si durs, du reste, que ce pauvre homme aurait bien aimé s’arracher les cheveux pour manifester son désarroi. Hélas, il n’a plus toute sa tête ! Il n’est pas certain d’avoir conservé son système pileux quoique depuis ce maudit virus il se fait des cheveux ! Serait-ce là un indice positif dans son cas. On lui a toujours conseillé de combattre le mal à la racine ! Comme il n’est pas homme à reculer devant les épreuves et les défis, il a pris au pied de la lettre cette suggestion.

Il s’entête, les idées tournent en rond dans sa caboche, du moins la partie qui lui reste. C’est sans doute pourquoi, il ne retient rien, que son esprit n’est hélas qu’un vaste courant d’air. Il y subit tant de perturbations que le rhume de cerveau serait pour lui une aubaine. Il apporterait la preuve manifeste qu’il a conservé une partie de ses moyens.

Les uns émettent des hypothèses savantes ,les autres saugrenues, tous jugent son cas en se payant sa figure. Les médecins sont ainsi constitués qu’ils aiment à étudier le cas clinique même s’il est limite. La migraine est donc l’hypothèse la plus couramment admise par les carabins, ceux là même qui envisagent de lui mettre du plomb dans la tête pour soulager ses troubles. On lui a toujours conseillé de prendre de la graine des gens plus instruits, les plus sages. Il veut bien le faire mais comment fractionner une graine en deux sans couper les cheveux en quatre ?

Le dilemme lui fait perdre la tête, du moins ce qui lui en reste. Sa femme, qui aime souvent à lui chercher des poux dans sa sale caboche, se permet de se gausser. « Voilà maintenant que tu as la tête ailleurs, ça ne me surprend pas, j’ai toujours pensé qu’elle ne me revenait pas de droit. Je la laisse à celle qui occupe tes pensées bien que je doute que tu puisses en avoir. »

Vous imaginez bien que de tels propos tournèrent à l’esclandre. Ils se crêpèrent le chignon, firent grand chahut, ce qui défrisa un voisin qui réclama le calme. Malheureusement le quidam exacerbé avait un cheveu sur la langue, ce qui provoqua l’hilarité de ces deux-là qui se réconcilièrent sur son dos.

L’occasion fait toujours le larron, c’est justement en levant les yeux sur le dos de l'irascible individu que notre homme comprit que c’est lui qui s’était payé sa tête. Il venait de retrouver son chef ! Le plus délicat étant, non pas de le reprendre, mais bien évidemment de le garder, une fois remis sur ses épaules.

Avec une tête évaporée comme la sienne, à la moindre occasion, elle joue les filles de l’air et s’en va s'appuyer sur des épaules plus solides que les siennes. Il faut absolument trouver une parade à cet écervelé occiput voyageur qui a toujours une idée d'évasion derrière lui-même. Le plomb n’ayant apporté aucune amélioration, il envisagea de se la farcir d’informations en boucle, celles qui font tourner les têtes les plus fragiles ou alors traitement plus redoutables encore ; des psychotropes abétifiants à souhait.

Mais comment retrouver la raison et toute sa tête en pareilles circonstances. C’est justement là le nœud du problème. Le fou à lier, dans son confinement se sentait parfaitement à l’aise. Si comme tous ces comparses, il tournait en rond comme un lion en cage, lui ne pouvait pas se cogner la tête contre les murs. Elle se défilait, évitait le choc, ne répondait pas présent quand il l’entraînait dans un casse-tête.

Il en était là de ses cogitations, ce qui au demeurant attestait malgré tout ce que c’était un homme de tête quoi qu’il en dise, lorsque la société toute entière fut prise d’une folie meurtrière. La populace avait besoin de se payer la tête de boucs émissaires, si possible les premiers qui lui tomberaient sous la main.

Notre bonhomme pointa son nez au plus mauvais moment. Sa tête ne revint pas au meneur de cette horde assoiffée de sang. Il fut pris en grippe immédiatement, désigné à la vindicte populaire. On dressa un échafaud, sortit la guillotine de son musée. Sans jugement, il monta tel l’agneau innocent sur l’autel de son supplice. Le bourreau fit son œuvre, il eut la tête tranchée.

Chose étrange pour les observateurs de la scène, l’homme sans tête se redressa, se leva puis s’adressa à la foule éberluée. « Vous venez de me rendre un grand service. Je me sens beaucoup plus léger. Vous m’avez retiré un grand poids. »  Je le vis alors s’en aller, le pas léger et la démarche délibérée. J’avais espéré trouver une chute à mon histoire, il m’en privait par ce surprenant coup de théâtre. Je sentis quelques picotements dans ma tête, j’étais à mon tour en train de la perdre. Je préférai achever ce récit par quelques points de suspension, n’ayant nullement envie de me mettre martel en tête ...

Écervelément vôtre.

 

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