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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Scène ordinaire de la violence scolaire.

 

De notre envoyé spécial en zone de conflit.



    La violence à l'école, vous en entendez parler, vous lisez parfois des textes généraux sur ce drame qui mine au quotidien l'existence de vos enfants. Bien sûr, ce que je vais vous décrire n'est pas généralité, les faits sont largement amplifiés par des facteurs spécifiques tels que la mise à l'écart, la difficulté scolaire, les problèmes sociaux.

    Nous sommes dans un établissement spécialisé que des élus ont souhaité laisser à l'écart du collège de rattachement, nous ne reviendrons pas sur cette discrimination qui peut accentuer les choses, par l'absence de repères et la modération des pairs. Des élèves de quatrième suivent, dans la classe voisine de la mienne, un cours de mathématiques.

    J'entends grand vacarme et joli tumulte. J'allais m'inquiéter des motifs quand ma collègue ouvrit bien vite la porte communicante pour me demander d'intervenir. La situation devait être allée bien loin pour que cette professeure expérimentée et respectée en appelle à moi.

    J'entrai immédiatement dans sa classe et vit un pugilat d'une rare intensité dans le coin opposé de la salle. Deux élèves hurlaient alors qu'ils étaient dans un corps à corps inextricable. Trois de leurs camarades tentaient vainement de les séparer et nul dans la pièce ne songeait à encourager les fauves.

    L'algarade me donna spontanément un sentiment d'extrême gravité. Je quittai à l'instant mes lunettes, geste qui est parfaitement exceptionnel pour moi, avant que d'aller me jeter dans la cohue. Il y avait là, corps enchevêtrés, un cou serré dans l'étau puissant d'un avant bras musculeux. Il fallait agir au plus vite, intervenir sans blesser ceux qui voulaient jouer les médiateurs et séparer les deux combattants !

    Je dus mettre grande énergie pour parvenir à mes fins. Un peu moins de dix secondes sans doute mais qui sont éternité au milieu des injures, des faces bavantes et crispées de deux garçons qui n'étaient plus des humains mais bien des bêtes sauvages. L'étrangleur est d'une force musculaire inhabituelle pour son âge, il ne lâchait pas prise et l'instant d'un éclair j'en vins à penser qu'il me faudrait lui décocher un violent coup de poing … C'est vous dire.

    Finalement, je parvins sans autre violence que mon interposition au cœur de la mêlée et à la force des bras seulement, à séparer les guerriers. J'étais au milieu de deux garçons qui ne se maîtrisaient absolument plus. Ils étaient essoufflés, en eau, tétanisés, les yeux révulsés. J'en avais un au bout de chaque bras et j'y mettais toutes mes forces ! Celui qui allait être étranglé profita de son retour à l'air libre pour déclencher un coup de poing au visage de son agresseur.

    La tension dura une petite minute, le temps que les deux catcheurs retrouvent un peu visage humain et calme relatif. Ils se taisaient enfin, ils étaient pantelants, épuisés par l'énergie qu'ils avaient déployée dans leur combat. Ils s'assirent à bonne distance l'un de l'autre. Ils ne retrouvaient ni leur souffle, ni leur calme. Ils étaient passés au-delà de la raison.

    J'humectai leurs nuques, je leur demandai de reprendre un peu leurs esprits. L'un des deux fit une crise d'asthme, il sifflait des bronches, il ne parvenait pas à reprendre pied, totalement envahi par une haine inextinguible. Ma collègue avait fait quérir une surveillante pour venir chercher l'un des deux belliqueux.

    Le calme revenu, les deux garçons étaient prostrés dans leur coin. Ils ne ressemblaient plus à ces petits coqs gonflés de leur prétention du début. Silencieux, ils n'avaient rien à dire, plus rien à cracher au visage de l'autre, plus de haine à vomir. Ils étaient redevenus des enfants quand, quelques instants auparavant, ils auraient pu tuer leur adversaire si une arme leur était passée sous la main.

    Plus tard, leurs camarades revenus enfin d'une immense frayeur essayèrent de nous décrire les raisons de l'explosion. Des insultes, des propos orduriers, des menaces. La couleur de peau, la particularité physique, la mère et puis le cycle infernal des coups était déclenché. Que faire avec eux, comment agir au quotidien quand tout peut basculer dans la folie pure pour un mot de travers ?

    Les parents sont venus les chercher. Ils ne comprenaient pas, ne reconnaissaient pas l'enfant qui n'est pas comme ça à la maison. La violence la plus folle se nourrit d'une communication excrémentielle qui est devenue le quotidien de ces enfants. Mais personne ne peut grandir en se nourrissant uniquement de ces mots de haine. Tout est à reprendre et la banalisation des injures est en premier lieu responsable de ce qu'on peut qualifier de déshumanisation de quelques enfants. Il est urgent d'agir ! Les mots tuent à petit feu une partie de notre jeunesse.

    Surlevifement vôtre.

Vidéo : 
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M
<br /> Rien à dire devant le choc subi par cette lecture . Je ne vois qu'une chose : je vais imprimer ce texte et le faire lire à ma petite fille (13 ans) . Lecture édifiante ,éducative ,et qui doit<br /> induire de la réflexion sur le langage employé avec ses camarades de collège , langage qui est rarement neutre .<br /> <br /> <br /> Merci pour ce moment de vie ,ô combien philosophique.<br />
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B
<br /> <br /> Mobal<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Une lecture pourtant qui n'a pas trouvé son public sur mon autre site comme si le sujet ne touchait plus personne. Grand bien leur fasse, le langage démontre l'état de la société et le nôtre se<br /> dilue dans l'anglais et l'injure. C'est terrible ...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Merci de trouver matière à éducation dans mes modestes écrits.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Amicalement<br /> <br /> <br /> <br />