11 Avril 2010
La guerre des chefs.
Il était une fois une bien petite préfecture d'un minuscule département qui se prenait pour une Grande par l'entremise de son club de Rugby. Mais la quête de la puissance exige
toujours plus d'argent, cet indispensable carburant de la gloire sportive.
Au bord d'un petit ruisseau célèbre pour ses débordements, la Cuvette se remplissait bien plus de supporters fidèles et chaleureux que de mécènes intègres et généreux.
L'absence de loges en ce lieu de trop grand brassage social n'offrait pas ce confort indispensable pour que nos élites économiques ne se mêlent point à cette plèbe vociférante.
Quand la fortune d'un seul homme ne suffit pas à remplir des caisses aux allures de tonneau des Danaïdes, quand la prospérité locale ne peut suppléer l'homme providentiel, les
collectivités locales satisfont souvent l'appétit du petit peuple en finançant des jeux qui le prive ainsi de son pain quotidien. Ici, ce fut la rénovation d'une tribune qui fit des miettes !
Elle mit à mal l'édifice de bric et de broc que le dévouement de tant de braves gens avait patiemment constitué au fil du temps.
Le dernier donateur illusoire appartenait à cette caste des affairistes qui savent imposer une offrande pour une contre-partie. Les payeurs faisaient la tête tandis que le
trésorier se gondolait. Comme tout finit par avoir une fin, la grande distribution cessa du jour au lendemain … Abandonnant un navire qui portait maintenant son nom, l'épicier avait quitté les
commandes sentant venir la voie d'eau.
Le mécène parti, la lutte de pouvoir reprit de plus belle. Un assureur rassurant exigea des assurances pour mettre dans l'affaire de l'argent qui ne lui appartenait pas. Des
forces obscures s'y opposèrent, refusant de lui signer un contrat en blanc. Les hommes de paille se succédèrent sur le pont sans rien changer à l'avarie qui menaçait.
Dans cette triste histoire, le temps joua son rôle néfaste. On confondit année civile et année sportive. Les déficits de l'une allèrent plomber les crédits de l'autre. À ce jeu
habituel du grand écart, le trou devint gouffre et la chute se faisait inévitable. Les mauvais comptes font toujours de vilains déficits, de ceux qui vous gratifient de bien plus de très bons
ennemis que d'amis compatissants. Quand les requins se dévorent entre-eux, en France c'est bien connu, les Politiques accourent pour se mêler à la troupe …
Pour sauver les apparences, l'union sacrée de la Mairie et du Conseil Général devenait indispensable. Une députée-maire UMP se rêvant d'un destin ministériel devait pactiser
avec un des derniers représentants des radicaux de gauche, Entre membres secrets d'une fraternité sélective, le désaccord est plus fort que l'intérêt commun. Le radical usa de son influence
médiatique par quelques Dépêches bien senties pour se préparer un avenir qu'il espère encore plus rose.
Le Rugby dans cette bataille va sombrer. Le petit peuple peut défiler dans les rues de sa bonne ville, rien n'infléchira la bataille des chefs et la logique des mécomptes. Le
club va sombrer et au train où vont les choses, le plus bas niveau Fédéral lui tend les bras d'un dépôt de bilan. Ceux qui n'avaient que ce bonheur n'ont maintenant que leurs yeux pour pleurer
leur fierté perdue.
Les Margoulins de tous poils rebondissent toujours, c'est bien-là leur unique qualité. Ils trouveront d'autres os à ronger pour se faire une place au soleil médiatique.
Déjà un centre commercial qui détruira une roseraie classée promet de nouvelles batailles. La petite préfecture doit cesser de croire en sa bonne étoile : de flamboyante elle se fera
filante pour finir par disparaître de nos premières pages.
Énigmatiquement vôtre.