Les douze coups de l'ennui …

01/01/2010 23:24

L'aveu de la Saint Sylvestre !

Fidèle à ma réputation parfaitement justifiée de misanthrope incurable, je vous dois, en cette période du grand pardon, de vous faire un aveu. Je hais définitivement cette pratique labiale qui nous impose au douzième coup de minuit de la Saint Sylvestre, la congratulation générale, l'embrassade 'effusionnelle', l'amour universel et la santé surtout !

Le cotillon en bandoulière, quelques coupes d'un mauvais champagne dans le nez, l'estomac encombré de victuailles superfétatoires, les embrassades d'alors ont des relents nauséeux. L'hilarité sur commande, l'optimisme imposé, la réalité effacée, le monde change d'unité sur ce calendrier grégorien, que la si bonne église catholique et romaine a rendu universel par la terreur, la colonisation et la première guerre mondiale (excusez du peu).

Mais revenons à nos flonflons ! L'année vire sur sa fin, sans faim il faut le reconnaître, tant la période est propice aux excès gastriques, aux flatulences induites et aux abus de toutes sortes. Dans ce contexte favorable au développement des maladies cardiovasculaires dans notre monde de privilégiés sourds aux plaintes du restant de l'humanité, l'appel à la santé, bonne naturellement, est quelque peu ironique et franchement impudique.

Nous sommes au bord de l'apoplexie et nous ne désirons rien tant qu'une forme olympique, une jeunesse éternelle, une insouciance permanente et le refus absolu de la vieillesse. Il faut admettre que cette dernière catégorie de notre population opulente est évacuée de ce moment de liesse et d'allégresse. Point de rides ostentatoires, de cannes ou de béquilles, de vieillards cacochymes lors de l'embrassade générale.

La troupe des réveillonneurs repus a une obligation d'excellence sanitaire. Cette année même, dans certaines fêtes, des organisateurs sourcilleux exigent un certificat de vaccination en plus des habituelles attestations d'hygiène sexuelle, d'imposition sur le revenu et de moralité publique. L'entre-soi impose des règles rigoureuses …

Toutes les précautions étant prises, au fameux douzième coup de l'ennui, les cloches se mettent en branle et prenant le relais du carillon, viennent se choquer les unes contres les autres en se promettant mille et une bonnes choses pour l'année qui commence dans l'embrassement. Gardons-nous de perdre ce « s » qui nous maintient du bon côté de la catastrophe qui ne saura attendre très longtemps son heure finale !

Quelques heures plus tôt, notre Prince, dans l'indifférence des noceurs, prononce ses vœux télévisuels à tous ceux qui sont privés de la bacchanale vespérale. Curieusement, c'est à tous ces exclus de la société de consommation qu'il promet santé et prospérité. Il n'a pas honte d'évoquer des jours meilleurs à ceux qui ne peuvent même plus accéder aux soins …

Puis tous nos idylles, nos gouvernants, nos dirigeants, nos acteurs économiques vont prendre le relais et organiser, aux frais de la princesse cendrillon, des cérémonies de vœux, qui vont prolonger à plaisir, ces moments si pénibles pourtant. Sans honte, entre les inévitables coupes de Champagne, tout ce qui compte ( sur le dos des autres) dans ce pays, va prendre la parole pour ratiociner sur cette merveilleuse année 2010.

Ça dure depuis des lustres, et je ne vois aucune raison que tout cela cesse un jour. Ne souhaitant pas prêcher dans le désert, afin de ne pas me prendre pour un autre, je vais céder à mon tour, à cette pratique incontournable.

Je vous souhaite de belles révoltes, des colères saines, des coups de balais indispensables, des coups de pieds dans toutes les fourmilières et dans certains arrières trains. Je vous promets des lendemains qui chantent, le poing levé et la tête enfin haute !

Sylvestrement vôtre.