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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Les démons de l'incarcération.

La prison MONTLUC

Les pouvoirs se suivent …

 


 

Une visite impromptue en un lieu de mémoire, un hasard qui met sur ma route, un guide d'exception : Jean Olvier Viout, le procureur du procès Barbie. Nous entrons dans cette prison, devenue depuis 2009 un mémorial. Je suis alors bien loin de connaître toute l'histoire de ce lieu qui symbolise la monstruosité de toutes les incarcérations de ce XX° siècle.

 

Tout commença pourtant bien tranquillement pour la prison militaire de Montluc, située juste en face du fort éponyme. De 1921 à 1932, elle remplit timidement sa mission, le militaire est homme discipliné qui ne s'aventure guère à commettre de forfaits. En 1932, il n'y a que dix prisonniers, on ferme provisoirement les cellules.

 

L'époque est trouble, en 1939 un conflit mettra la planète et la ville de Lyon à feu et à sang. Montluc va rouvrir ses portes pour offrir un accueil contraint aux renégats de l'heure. Ce sont alors les communistes qui ont les honneurs de ces cellules minuscules sans aucune commodité. Ils ont, contre eux la terrible faute de soutenir le pacte germano-soviétique. À l'exiguïté et l'inconfort, il faut ajouter la répression avec 14 condamnations à mort dans notre pays pour faits de trahison.

 

La défaite éclair, la prise de pouvoir du vieux maréchal Pétain, va donner un nouvelle activité à ces murs. Les affreux du moment sont les gaullistes. Ils tombent sous le coup de lois qui font la chasse aux défaitistes, aux rebelles, aux patriotes qui refusent la défaite. De juillet 1940 à fin 1942, la prison est une affaire franco-française. Les conditions sont difficiles mais, le pire est à venir.

 

La fin de la zone libre va faire passer les lieux sous la domination allemande. Les militaires aiment l'ordre et la discipline, une prison est toujours utile, qu'importe l'uniforme. Pourtant cette fois, les méthodes vont se radicaliser, l'humanité, pour le peu qu'il en restait encore, va déserter ces murs étroits et tristes.

 

Du 17 février 1943 au 24 août 1944, l'horreur va y côtoyer l'abomination, les tortures et les exécutions sommaires, les privations et les souffrances sans nom. Les résistants sont les nouveaux pensionnaires de ces cellules minuscules : 2 m 10 sur 1 m 80 pour une hauteur de 3 m environ. Il y aura jusqu'à 7 détenus dans ces réduits sans paillasse. Pour les juifs, une cabane de bois à l'extérieur offre si possible encore, un espace plus abominable.

 

Jean Moulin et tant d'autres y ont vécu l'horreur. La fin fut plus affreuse encore, les allemands devenant bêtes féroces et sanguinaires, les forces de la résistance locale prennent la prison pour arrêter le bain de sang une semaine avant la libération de la ville. Immédiatement, les cellules changent à nouveau de locataires, les allemands et les collaborateurs viennent à leur tour y faire des séjours, parfois définitifs.

 

Les temps sont durs, l'exception justifie sans doute de ne pas prendre le temps de penser la chose. Il y avait comme une certaine justice que les bourreaux d'hier y deviennent les détenus du lendemain. Cette situation perdurera jusqu'en 1954 avec les derniers procès des nazis et de leurs amis.

 

Puis Montluc change à nouveau d'accent. Le théâtre des horreurs a changé de place. Ce qui restera très longtemps des évènements va produire son lot de prisonniers au secret. Les porteurs de valise ont changé de combat et les membres du FLN sont les cibles de la police secrète. Montluc connait une nouvelle jeunesse. La guillotine viendra cinq fois jouer sa partition de mort en un endroit où tant de patriotes étaient tombés sous les balles allemandes. Il y a dans ce raccourci quelque chose d'éminemment gênant.

 

Le calme revenu, les temps d'exception semblant s'être dissipés, en 1960, la prison eût pu cesser sa litanie absurde. Les pouvoirs se suivent, le besoin de prison demeure. Ce sont des femmes et des objecteurs de conscience qui viennent rejoindre les prestigieux fantômes de la place. Cela ne semble perturber personne. Jean Moulin entre au Panthéon alors que sa cellule était encore occupée. J'en tremble d'effroi.

 

Petit à petit, les objecteurs sont moins nombreux, la prison devient uniquement prison de femmes jusqu'en 2009. Le 1° février, elle est enfin désaffectée et comme la nature a horreur du vide, les promoteurs lorgnent déjà sur ces terrains si bien placés. Pour ceux-là, le devoir de mémoire ne doit avoir aucun sens !

 

Il faut l'intervention de gens indignés pour que le projet d'un mémorial prenne corps et extirpe une partie des bâtiments de la voracité des projets immobiliers. La mémoire ne fait pas bon ménage ni avec l'histoire ni avec la logique carcérale ni même avec les délires des promoteurs. Montluc a traversé un siècle en nous démontrant que les pouvoirs sont bien oublieux des leçons de l'histoire.

 

Mémoriellement leur.

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K
<br /> Même si les propos de Guéant sont affreux, ils ne sont rien comparé à Mein Kampf ou Bagatelle pour un massacre.<br />
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C
<br /> <br />  Kakashi<br /> <br /> <br /> Il n'est pas mon intention de comparer avec ce qui se fit de pire dans le Monde de l(ignoble. Mais il est évident qu'il<br /> dépasse la mesure, qu'il remue les pires de nos instincts<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> Nabum, pour me mêler de votre réponse à Nanoub, Sarkozy n'a rien à voir avec les horreurs de la seconde guerre mondiale. Votre parti pris entamme votre objectivité.<br />
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C
<br /> <br />  Kakashi<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Guéant ne réveille aucun mauvais sentiment.<br /> <br /> <br /> Sarko ne recule devant rien pour garder sa place et il est capable de remuer le passé pour obtenir son immunité. CQFD<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> Le Fort Montluc juste en face, accueillait des effectifs de la Police Nationale.<br /> <br /> <br /> Il y a le musé de la résistance et de la déportation à voir et à faire à Lyon 7 sur le même thème dont la vistite se finit par le procès de Klaus Barbie.<br /> <br /> <br />  <br />
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C
<br /> <br />  Kakashi<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Le musée de la Résistance est fermé actuellemnt pour travaux. Encore un an avant sa réouverture<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> Bonjour Nabum,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> ne nous leurrons pas, à la prochgaine "occasion", on rouvrira cette prison...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bises<br />
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C
<br /> <br /> NanouB<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je peux même être candidat à une cellule exposé plein nord si l'affreux candidat président repasse, ça ne fera pas un pli !<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Merci pour ce bel article, coincidence: j'ai écouté hier sur France Inter un homme qui avait refusé de porter l'uniforme militaire à la fin des années 50, il a été emprisonné à Montluc et avait<br /> pour voisin un officier nazi, qui, lui, a été grâcié alors que cet homme, objecteur de conscience avant l'heure, a été expédié dans un camp disciplinaire en Algérie....   <br />
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C
<br /> <br /> Lauranne<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Merci<br /> <br /> <br /> Il y a encore deux billets à venir. Des hôtes de ces murs se sont racontés et j'ai pris des notes.<br /> <br /> <br /> Il y a des racourcis dans l'histoire qui font froid dans le dos. La France ne s'honore pas toujours en ces tristes circonstances !<br /> <br /> <br /> <br />