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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Ces silences qui se perdent …

Le brouhaha de l'urgence !

 

Monsieur Le Président, dans l'émotion d'attentats horribles, dans l'urgence d'une campagne qui débute, dans le souci sans doute de l'édification de la jeunesse de cette Nation, vous nous avez demandé, à nous ces enseignants que vous n'aimez guère, d'imposer une minute de silence à tous les enfants de nos écoles. L'intention est louable, il se peut qu'elle soit formatrice.

 

Pourtant, il me semble que ce n'est pas de silence que nous devons meubler les esprits des enfants qui nous sont confiés. La précipitation n'est jamais bonne conseillère en la matière. Une classe ne se nourrit pas d'actualité à la même vitesse qu'une agence de presse, il faut le temps de la maturation, celui de la compréhension avant que la réflexion puisse tailler son chemin.

 

 

Nous savons que l'émotion est bien mauvaise compagne de raison, qu'il faut prendre de la distance et de la hauteur pour traiter un sujet aussi brûlant. Mettre en estrade les drames les plus violents, les images les plus choquantes est un risque que vous ne devez pas nous faire prendre, rien ne peut en effet nous permettre de mesurer l'impact que cela a sur des esprits juvéniles.

 

C'est bien avant qu'il aurait fallu se taire. Pour bien des raisons qui n'est pas l'heure de développer en ces moments douloureux, des paroles ont été lancées, des actes ont été menés, des slogans ont été avancés qui ont réveillé la bête immonde que l'on nomme racisme. Ce n'est pas nouveau, il y a quelques années qu'elle a ressurgi d'un passé récent, qu'elle a gangréné une partie du corps social. Nous en voyons aujourd'hui, sous nos yeux horrifiés, une des pires illustrations.

 

Le temps n'est plus aux regrets, aux lamentations sincères, aux regrets éternels. Nous sommes dans l'urgence d'une réappropriation des consciences, d'une nécessaire remise à plat des fondements de ce mal ignoble qui ronge petit à petit, qui fait son lit quand la pauvreté, la précarité, la peur, l'angoisse du lendemain, l'ignorance des autres font œuvre nuisible dans les esprits de quelques uns.

 

Monsieur Le Président, vous avez souligné il y a quelques temps de cela que nous, les éducateurs et enseignants, nous ne sommes pas compétents pour traiter des questions de morale. Même si je remets en doute le bien fondé d'une position que je réprouve, c'est en partant de ce postulat contestable que nous ne pouvons mener à bien la seule mission que vous nous imposez : la minute de silence.

 

Si le secret des consciences n'est pas de notre champ d'intervention, autant que nous allions directement dans les domaines qui sont nôtres. L'histoire est à ce titre et en la circonstance, le meilleur rempart aux abjections qui circulent, aux tentations de réveiller la bête, aux délires d'une simplification médiatique.

 

Nous avons de quoi alimenter la réflexion, l'histoire n'est pas avare de drames épouvantables, de périodes monstrueuses où ce qui se passe dans la région toulousaine eut lieu à des échelles bien plus grandes, plus épouvantables encore. Nous avons outils pour mettre en perspective l'actualité et le passé, pour montrer que jamais les leçons de l'histoire ne doivent être considérées comme acquises.

 

Alors, monsieur Le Président, à une minute de silence, nous sommes nombreux à avoir préféré de longues minutes de dialogues et d'explications, d'exemples et de récits anciens. Nous avons désobéi à votre injonction car elle ne nous semblait ni pertinente, ni suffisante. Nous avons tracé d'autres manières, ouvert des dossiers, convoqué ce devoir de mémoire que vous semblez tant aimer.

 

Il eût fallu un peu plus de pondération pour que cela se fit en dehors de toute précipitation. Vous n'en prîtes par le temps, qu'importe, c'est avec conscience et respect, sérieux et précision, que nous abordâmes ce sujet. La parole sera toujours préférable au silence, j'espère que vous n'en tirerez pas ombrage !

 

Respectueusement leur.

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