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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Ce débat qui n'aura jamais lieu.

Sur la place de nos retraites martyrisées.

 


 



On nous prend pour des demeurés incapables de réfléchir et inaptes à la plus petite compréhension du contexte économique. En coulisse, nos dirigeants nous pensent fainéants, râleurs, stupides, obtus, sectaires et parfaitement égoïstes (ce qu'ils ne sont absolument pas, eux). Dans ce contexte peu favorable à l'échange, la réforme des retraites nous est assénée d'en haut par des gens bénéficiant d'un statut en ce domaine scandaleusement avantageux et travaillant dans des conditions qui n'ont strictement rien à voir avec la réalité du commun des mortels.


De débat il n'y a pas eu. Le parlement est devenu la chambre d'enregistrement des délires présidentiels et la rue éructe sa colère sans jamais être écoutée. J'ai souhaité aller à la rencontre de quelques manifestants : des beugleurs selon la police et le patronat, des hommes et des femmes en colère selon les syndicats et l'opposition pour découvrir s'ils avaient autre chose à dire que des slogans simplistes et réducteurs.


N'étant pas journaliste et ne pratiquant pas leurs méthodes pour le moins insidieuses, je commencerais par donner mon point de vue puis je donnerai la parole à des quidams de passage sans mettre leur photo à côté de leurs propos, histoire sans doute de faire peser sur eux la menace du voisinage ou le repérage de la police politique.


Je trouve incroyable que cette histoire des retraites entérine de façon semble-t-il définitive l'idée parfaitement odieuse de reproduire en cette période les inégalités que la vie, la chance, les études et les relations ont construites au cours de l'existence adulte des individus concernés. Si la retraite fonctionne sur le principe de la solidarité, il n'y a aucune raison qu'elle ne soit pas la même pour tous. Je pense qu'aux deux extrêmes de notre vie l'égalité prévaut à toute autre forme de distinction. De plus, et je l'ai déjà écrit, il serait d'une importance vitale de se battre pour obtenir que le montant de cette pension unique et commune de retraite permette de financer totalement un accès dans une maison de retraite publique sans quoi, tout cela n'aurait aucun sens. Mais je n'entends pas ce type de réflexion et m'en offusque grandement.


Je croise alors une militante politique qui me crie sa colère : « La retraite des femmes est le premier sujet qui soit passé à la trappe de ces jolis messieurs. La femme, la compagne, la chef de famille seule, la mère ont été sacrifiées à leurs tâches quotidiennes et elles devront toutes attendre soixante-sept ans pour recevoir une pension inversement proportionnelle à l'engagement qui fut le leur ! Le salaire de la femme demeure inférieur à celui de l'homme et la réforme actuelle aggrave encore plus cette inégalité avec un cynisme qui fait même hurler des femmes de l'U. M. P., c'est vous dire ! La femme reste la cible privilégiée de ces temps partiels imposés, subis et payés des misères. Tout cela donnera aux femmes de ce pays des pensions de misère tandis que madame Lagarde vivra très correctement …. »


Surprise, une jeune de 19 ans se présente au départ du cortège, il n'est d'ailleurs pas le seul.

« Nous nous sentons trahis avant même que d'entrer dans la vie active. Nous sommes contraints de rester de plus en plus longtemps aux études et dans le même temps ont éloigne l'âge de la retraite. Ce qui peut paraître logique est une belle arnaque qui sera payée cash par notre génération ! »


Une militante syndicale se méfie, elle refuse de dialoguer. Je peux la comprendre, cet usage a disparu dans notre société de l'invective et de l'injonction. Dialoguer est un acte obsolète, personne ne s'entend plus dans ce brouhaha médiatique qui nivèle pensées et valeurs.


La banderole du SNU-ipp portée gracieusement, madame me dit : « Je ne pense pas qu'il n'y ait pas eu débat. Des idées et des propositions ont été remontées de la base mais ce pouvoir est sourd à tout ce qui vient d'en bas. Il y a aussi une grande hypocrisie. La posture officielle est de reculer l'âge de la retraite et le but réel que l'on perçoit parfaitement à Pôle emploi est de baisser considérablement le montant des pensions en éjectant ce qu'on appelle les seniors de l'emploi. On perd aussi la transmission inter-générationnelle, la dissolution des valeurs liées à l'activité que l'on nomme encore travail.»


Une militante et mère m'apostrophe vertement : «  Ma première pensée spontanée va pour mes enfants. Je suis dois continuer à travailler avec mon futur déambulateur, mes enfants resteront à la maison. Quand on regarde ces enfants qui passent leur jeunesse en études longues et peu lisibles, ils sont très longtemps à côté du véritable emploi et n'auront jamais les limites fixées par ce texte parfaitement hypocrite »

Une historienne prend part à la discussion : « Je pense à ma grand-mère qui a bénéficié des luttes syndicales et a profité d'une retraite sans avoir cotisé. D'autres professions avaient refusé ce système et malgré tout, au bout du compte, la solidarité a agi pour eux, même si ce fut dans de maigres proportions. C'est cette solidarité qui est menacée à moyen terme par le gouvernement actuel. »


Les femmes s'expriment plus facilement sur ce sujet. On devine le sentiment d'urgence qu'elles ressentent plus que leurs compagnons. « La réforme actuelle ce n'est que de l'esbroufe. Elle ne règle rien à terme le système de financement. Il ne sera pas plus pérenne après ce vote à l'emporte-pièce qui est seulement au service d'un patronat qui profite sur toute la ligne des largesses de son Grand ami ! »


Un homme sans pancarte ni blason vient me donner un avis qu'il revendique comme purement individuel; «  Je suis là parce que cette histoire a commencé avec Raymond Barre. Depuis, on continue à ajuster à la petit semaine une réforme qui ne parvient jamais à trouver la bonne réponse. Ce qu'on nous propose aujourd'hui est une réformette et en 2012, on va encore réformer pour durcir une fois encore le système et les conditions d'octroi. C'est de la petite gestion et personne n'ose dire la vérité.  La base, c'est la masse salariale et la tendance lourde c'est de substituer un travail qualifié à un emploi précaire. L'argent ne rentre plus et le système explose.»


Un élu P.S. de Cenabum vient à ma hauteur de clavier. Nous devons être collègues de blog. «  Je trouve que l'opposition a fait son travail de proposition lors du débat de l'assemblée. C'est un jeu opposition majorité qui est pipé. Nous avons face à nous un gouvernement dogmatique qui vert instaurer à terme un système libéral des retraites. Le replâtrage de la réforme n'est pas destiné à réussir mais à couler la répartition pour mieux se vendre au privé ensuite. La négociation a été bafouée. Le gouvernement a totalement ignoré les partenaires sociaux et ne s'est mis à table qu'avec ses amis du Medef. »


Un photographe passe par là. «  Un débat aussi important s'est limité à 20 heures d'expression pour l'opposition. C'est du jamais vu sur ce sujet, c'est devenu une habitude avec le gouvernement actuel. Il y a surtout un recul du débat démocratique; La droite se drape dans une posture d'évidence, de gestion de bon père de famille et n'accepte aucune discussion. Elle porte une onction divine et le président devient Monarque ridicule. »


Un jeune socialiste qui s'affiche prend la parole. «  Je suis heureux de voir beaucoup de jeunes. La retraite c'est loin pour nous mais aujourd'hui, ils sont là pour clamer leur envie de défendre la retraite et l'emploi. L'emploi est d'ailleurs totalement oublié dans cette réforme qui va mécaniquement aggraver le chômage de mes pairs. Ils sont une fois encore sacrifiés sur l'autel d'un président qui n'a été élu que par des vieux en 2007. ».


Deux monsieur à l'écart en attendant le départ du cortège, sur une balise de chantier se joignent au concert de protestations. « Je m'interroge sur la part qu'occupent maintenant les salaires dans la masse considérable d'argent qui circule à travers le monde pour les joyeux spéculateurs réunis. La retraite est calculée sur les salaires et la manne monétaire est totalement écartée de la légitime répartition à laquelle les ouvriers ont droit. Cet argent pourtant n'existe que grâce au travail de ceux qui sont de plus en plus écartés du gâteau ! »


Un cycliste de passage occasionnel accepte de prendre position : «  Depuis quelques années, le gouvernement présente clairement ses positions qui nous conduisent vers des lendemains qui déchantent. Sur ce dossier, j'ai peur pour l'avenir, je crains de subir le sort promis aux travailleurs allemands avec des retraites à 70 ans. On copie ce mauvais exemple pour appauvrir la population et créer une inégalité de fait entre ceux qui pourront vivre de leur pension et ceux qui seront miséreux. »


Au loin, le cortège se prépare. Le bruit enfle, les slogans résonnent sur la place des martyres d'hier et maintenant d'aujourd'hui. Banderoles en tête, colère en bandoulière; ceux qui sont là sont les représentants de tous ceux qui se taisent, tous ceux qui subissent sans pouvoir faire autrement. L'iniquité est devenu e la règle de cette société inégalitaire qui s'affiche ainsi sans honte ni mauvaise conscience. Je laisse filer la longue cohorte de toutes nos frustrations. La retraite n'est qu'un élément de plus de cette politique du mépris de la personne humaine.


Porte-parolement leur.

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