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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Sur le bout de langue.

Fin du voyage.

 

 

 

À trop tirer dessus, elle se trouve à bout de force, presque morte diront les observateurs attentifs. Notre langue arrive au bout de la voie qu'elle s'était tracée depuis Villers-Cotterêts. Exsangue, épuisée elle a cessé de se charger de termes nouveaux, abandonnant cette mission essentielle à une autre qui, à bien y regarder, était sa fille ou sa lointaine cousine.

Notre langue est à bout de course n'ayant semble-t-il plus à rien à dire ni à penser qui ne puisse être supplanté par cette autre qui fait le délice des pédants, des modernes, des jeunes loups et des puissants. Elle est dévaluée, démonétisée, dénaturée et même démondialisée ». Il est vrai que ceux qui ont en charge de la porter aux nues, de la faire briller par de merveilleux discours faillissent régulièrement dans cette noble mission.

Notre langue bégaie, se ratatine, ne s'accompagne plus de cette sauce piquante qui en faisait son charme. Elle doit se mettre exclusivement au service des valets, des courtisans, des obséquieux, des quémandeurs ou des serviles qui caressent dans le sens du poil tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir. Quant à ceux-là, ils se contentent de lire fort mal du reste, des discours pondus dans des cabinets par des technocrates sans âme ni culture, sans verve ni emphase.

La langue de bois a tué notre français, le discours n'étant plus qu'un objet creux destiné à cacher l'absence d'ambition, la nécessité de leurrer, le besoin de dissimuler et l'irrépressible obligation de mentir de ceux qui justement n'ont plus aucune parole. Le propos se réduit comme peau de chagrin ponctué par des « trop - voilà - aussi » qui évitent de construire des phrases et d'élaborer des opinions. Le débat a fait place à l'invective dans une pratique qui impose d'élever le ton sans élever la réflexion ou le débat. La chambre des députés est à ce titre l'exemple parfait d'une langue de chiffonniers, de charretiers ou de poissonnières.

Le peuple suit le même chemin. Il a même abandonné sa langue au Tchat mais pas seulement. Si les émoticônes couvrent les messages afin de simplifier au maximum l'expression, on les perçoit même dans la forme orale car plus personne sans eux n'est capable de percevoir l'ironie, la dérision, le second degré ou l'absurde d'une réplique. C'est ainsi que notre langue a perdu aussi ses intonations, ses nuances, sa ponctuation au profit de ces affreux dessins aussi stupides que vides de sensibilité.

Rassurez-vous, elle est faite désormais de ce bois qui ne fait plus des pipes mais des cercueils. L'artificiel va nous couper l'herbe sous le pied et nous sortir les mots non plus de la bouche mais de son écran magique. Vous êtes si nombreux à vous émerveiller de cette IA de pacotille que le doute n'est pas permis : vous désirez donner votre langue aux chiens et aux algorithmes.

Malheur à qui entend encore se faire comprendre en français châtié. Il passera pour un hurluberlu, un imbécile, un rétrograde et un être qui n'est pas dans l'air du temps. Il est vrai qu'à employer des formules alambiquées, des structures complexes, des phrases comportant plusieurs verbes et des mots qui ne sont plus dans le lexique usagé du commun des balourds, on finira par lui tirer la langue et lui faire des grimaces.

Sur le bout de notre langue se profile un précipice qui entraînera cette nation dans le tourbillon d'une mondialisation qui se dira dans un créole anglais. Car là aussi, la réduction des nuances, des subtilités de la langue, favorise la main mise d'un pouvoir autoritaire sans intelligence ni dessein autre que l'enrichissement de quelques-uns. Si vous ouvriez un peu les yeux et surtout vos oreilles, vous remarqueriez que derrière la logorrhée charmante du Monarque, le vide est effrayant, la pensée creuse et les intentions véritables sournoises et plus encore, nocives.

 

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J
C'est Nabum participe indirectement au déclin de notre langue.<br /> Il refuse de vendre ses livres!
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C
Jean <br /> <br /> Je pense agir ainsi pour le bien de la littérature véritable