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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Dérive : des rives...

 

Deux mondes si différents

 

 

Y aurait-il une sorte de barrière invisible qui délimite deux espaces si différents qu'ils sont totalement inconciliables, irrémédiablement antagonistes ? Celui qui passe ainsi, simple cycliste respectueux des bandes cyclables, longeant les quais de notre bonne cité tout en évoluant d'une rive à l'autre, peut le supposer lorsqu'il se trouve soudainement plongé dans l'hystérie de la bassine.

Il avait jusque là goûté le calme et la sérénité de la rive sud, sentant que peu à peu s'estompait les rumeurs de la ville. La nature reprenant petit à petit ses droits tandis que la Petite Loire semblait se dissoudre dans le sable et les cailloux. Les oies y ont élu domicile, attestant que se trouvent ici la douceur de vivre et pour ne rien gâcher, le plus merveilleux des panoramas sur la cité.

Encouragé à poursuivre son aventure, le bagenaudeur des rives atteint un attroupement. Des gens debout pour respecter les injonctions préfectorales, institution redoutant plus que tout la contagion de la culture et de la convivialité, écoutent une musique venue des Balkans sur un extraordinaire balcon ligérien. D'autres, plus loin, discutent paisiblement.

Ici, l'humanité continue de croire au bonheur simple de se parler sans casque sur les oreilles ni les fracas d'une musique en boîte qui s'exprime à coup de basses entêtantes et surpuissantes. Les gens peuvent se parler sans avoir besoin de communiquer uniquement par SMS tant le bruit ambiant interdit tout dialogue. Le sol n'est pas jonché des marques de l'irrespect chronique des consommateurs indélicats.

 

Le passage du pont prépare à un changement de monde. La bande cyclable est étrangement barrée, histoire sans doute de préparer aux futurs tracas de circulation. S'y côtoient piétons qui souhaitent se mêler aux deux roues, adeptes de ce maudit engin électrique qui séduit les vaniteux et ceux qui s'émancipent de toutes règles et parfois quelques motocyclettes ignorant sans doute qu'elles ne relèvent pas de la catégorie cycle.

Tout ceci n'est rien par rapport à ce qui va sauter à la gorge et aux oreilles de ce pauvre vélocipédiste en goguette. Une foule compacte, démasquée, madame la préfète, en dépit de vos rodomontades, vient s'agglutiner là ou le bruit est à son comble. Pauvres riverains qui subissent les décibels y compris avec la complicité d'une municipalité bienveillante pour la musique amplifiée. Ici est le royaume de la vente à emporter et à jeter sur place, l'essentiel étant de laisser sa trace sur ce quai en fusion.

Les gestes barrières ont pris la tangente tandis que nulle régulation ne semble possible dans cet espace incontrôlable et incontrôlé. Le plus simple est de considérer que toutes les règles y sont abolies, ainsi nul ne s'étonnera des transgressions, des désagréments, des débordements. La Loire prend sa part de ce capharnaüm, accordant bien malgré elle asile aux mégots, canettes, cartons à pizzas et autres bouteilles d'alcool blanc. Parfois les bateaux de nos amis mariniers servent de refuge pour quelques visiteurs indélicats.

Tout ceci sous les yeux borgnes des caméras de surveillance qui ferment leur œilleton sur ce qui se trame là, pas tout à fait au grand jour, car c'est la nuit tombée que les chats s'y grisent. Plus loin, une officine a transformé le quai en plage privée, donnant une allure de Rivéria à cet espace voué aux profits commerciaux. Les odeurs n'y trompent pas du reste, la gastronomie française est peut être au patrimoine de l'humanité mais certainement pas ici.

Après différentes « dinguettes », soudain la paix revient. La foule s'agglutine, c'est ainsi qu'elle se sent invincible. Plus loin, au-delà de l'agitation hystérique, la Loire et le silence reprennent leurs droits. Tout ceci n'était qu'une parenthèse, un zone de non-droit pour urbains fort peu patelins. Le cycliste peut rentrer chez lui, heureux d'avoir échappé à la contagion.

Entrepontistement vôtre.

 

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