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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Insidieuses incidences.

Au pays des ricochets.

Insidieuses incidences.

Au coin, sans allocs !

 

 

Il était une fois un étrange pays où ceux qui faisaient les lois, faute de pouvoir les faire appliquer vraiment eurent l’idée saugrenue de punir non pas ceux qui les enfreignaient mais leurs proches, leurs voisins, leurs subalternes, leurs obligés, toutes les personnes qui selon eux, pouvaient faire pression sur les coupables sans que l’État eût besoin de se charger de cette basse besogne.

La stratégie semblait bonne quand la volonté d’intervenir auprès de qui de droit manquait. C’est ainsi que dans cette nation, il devint plus délicat de rester honnête que d’emprunter les chemins scabreux du délit ou de la faute. Tout pourtant avait démarré en fanfare, tant le stratagème en un premier temps réjouit ceux qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez.

Certes la mise en place fut compliquée. Il fallait modifier un pan entier du droit, transformer le principe qui voulait jusqu’alors que la sanction ne touche que le coupable, que nulle punition collective n’ait cours en bonne justice. Les tenants d’un pouvoir fort et autoritaire firent vite fi des règles déontologiques, ouvrant alors une boîte de Pandore qui allait chambouler la société toute entière.

Tout débuta par une crise sociale devenue incontrôlable. Le pouvoir en place, après avoir usé de la force pour tenter de mettre à la raison les mécontents et les insatisfaits qui manifestaient depuis trop longtemps, provoquant ici et là des actions violentes, eut recours au prélèvement à la source pour obtenir dédommagement des dégradations commises. C’est ainsi que toute personne interpelée sur les lieux mêmes où avaient eu lieu les échauffourées, se voyait tenu de remettre son argent liquide ainsi que sa carte bleue aux policiers. Bientôt le problème fut réglé.

Une bonne idée fait toujours son chemin. Las de toujours plus de répression vis à vis des automobilistes, le pouvoir appliqua la sanction par ricochet -qui venait de démontrer sa pertinence- aux véhicules des conducteurs en infraction. Ainsi, tout écart au code de la route entraînait immédiatement la destruction immédiate du moyen de transport incriminé et la mise à pied de tous ses passagers. La mesure atteignit le ridicule quand un TGV fut détruit sur le champ parce que son conducteur n’avait pas respecté la vitesse requise. Ce jour-là, près de 500 passagers durent poursuivre leur trajet à pied !

L'obstination des gouvernants n’est plus à démontrer, surtout quand il s’agit d’appliquer coûte que coûte une mesure impopulaire et néfaste. Le mouvement était lancé, le principe de la punition par incidence allait connaître de beaux jours. C’est ainsi que l’une des mesures qui fut la plus critiquée parmi les citoyens fut la mise à l’amende des électeurs d’un parlementaire qui manque trop régulièrement les séances à l’assemblée. Bien vite, cette disposition toucha l’ensemble des français de plus de 18 ans, à l’exception naturellement des fautifs.

Il était désormais impossible d’arrêter cette folie législative. Rapidement, devant la liste toujours croissante des incivilités des enfants rois, ceux-là même qu’on avait transformé en tyrans domestiques pour favoriser le consumérisme, contraindre les parents à toujours céder à leurs envies dépensières, des décisions urgentes devaient être prises.

Dans un premier temps, les enseignants furent sanctionnés financièrement (l’argent est l’un des rares moyens de pression que connaissent les curieux législateurs de cette nation, décidant du reste d’amendes qui ne tiennent jamais compte du niveau de ressource des individus). Les enseignants se voyaient ainsi retirer une somme forfaitaire à chaque fois qu’un de leurs élèves se faisait remarquer.

Bien vite la grogne gagna la profession. Certains professeurs, dans des quartiers particulièrement difficiles, finissaient par travailler gratuitement. Un mouvement de mécontentement : « Les stylos rouges et plumés ! » mena des actions retentissantes, faisant la grève des corrections. L’État pour une fois céda du terrain, la mesure fut infléchie.

Ce furent les parents eux-mêmes qui se virent privés d’allocations familiales s’ils ne parvenaient pas à être maîtres de leurs rejetons. Devant la terrible menace, le recours à la fessée revint à la mode, mesure éducative interdite qui tombait elle aussi sur le coup de la loi des Incidences. C’est ainsi que les époux ou les épouses du parent violent furent privés de droit à l’assurance sociale sur une période d’un trimestre. On marchait vraiment sur la tête.

Les parents renoncèrent à faire preuve d’autorité. Le désordre le plus total régna alors dans le pays. Des hordes d’enfants et surtout d’adolescents incontrôlables semèrent la terreur. Beaucoup de familles se virent privées d'allocations. Des jeunes enfants devant les difficultés financières de leurs parents et les menaces potentielles qu’ils représentaient furent abandonnés. Le pays rentra dans un chaos inextricable tandis que le Président refusait de démissionner et que la courbe de natalité chutait de manière catastrophique.

Incidemment vôtre.

Insidieuses incidences.
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