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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

De la porte à la rue.

La descente aux enfers.

De la porte à la rue.

Un Pognon de dingue ...

 

 

Il était une fois une femme qui se pensait heureuse. Elle avait un mari qu’elle croyait aimant, de beaux enfants, une situation stable et venait d’intégrer le pavillon de ses rêves. Certes, elle avait dû s’éloigner de la grande ville, acceptant ainsi de long trajets pour se rendre à son travail, mais le prix du terrain ne lui permettait pas un autre choix.

La maison était spacieuse, les enfants avaient un jardin, des copains agréables dans le petit lotissement. Le village était fort agréable avec des associations en nombre, de quoi trouver loisirs pour chacun. Il suffisait de s’adapter un peu, de se trouver un nouveau réseau d’amis. Tout cela demanderait un peu de temps, mais rien de bien grave quand on est dans une famille unie.

La lourdeur des traites, l’éloignement de la préfecture, l’ennui peut-être dans ce village où tout le monde se connaît et s’épie, ont modifié petit à petit le comportement de monsieur. Il s’isolait à son retour du travail, passait de longues heures sur les réseaux sociaux, délaissait les enfants, se montrait de plus en plus froid avec son épouse. Celle-ci, trop affairée à maintenir la bonne marche de leur petite famille, ne s’apercevait encore de rien.

C’est l’alcool qui s’est immiscé dans leurs relations. Monsieur buvait, des alcools forts, tous les soirs, de plus en plus souvent. Au début, le ton est monté un peu puis les colères se sont faites plus virulentes, quelques coups furent assénés. La maison du bonheur prenait des allures de huis clos sordide. Pour madame, il fallait protéger avant tout les enfants …

Elle le fit du mieux qu’elle put. Elle les préserva, les écarta d’un père qui entrait dans un tunnel terrible. La violence, l’alcool, les tromperies, toute la panoplie qui conduit immanquablement à la séparation, au divorce. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’est qu’elle allait se trouver du jour au lendemain à la porte de chez elle, l’autre avait trouvé moyen de changer les serrures et toute honte bue, lui avait laissé les valises devant la porte du garage.

Madame s’est ainsi retrouvé une première fois à la rue. Sans famille proche, avec des amis trop éloignés encore et la honte qui ne peut se dire facilement. Quelques nuits à l’hôtel mirent en péril le budget de cette pauvre femme. Son sort pourtant avait rapidement été évoqué dans le village, le maire avait promptement agi, un logement se libérait, il fut pour elle et ses enfants.

La solidarité villageoise fit le reste. Elle reçut des meubles, de quoi se retourner un peu et d’aménager cet appartement dans lequel, soudain, les enfants tournaient en rond. Pour eux, le plus dur était à venir, s’habituer à la pauvreté. Monsieur se désintéressait totalement de leur sort. Les procédures sont longues, la vente de la maison à crédit ne soulageant pas une situation financière devenue précaire.

Le temps a passé, la pension alimentaire fut misérable, les frais de plus en plus importants. Les enfants entraient au lycée, au collège. Il fallait de l’argent, toujours plus d’argent et le salaire de madame était dérisoirement bas. La CAF commit des erreurs, la priva de revenus complémentaires et avant qu’il ne soit possible d’obtenir réparation, les comptes sont passés au rouge.

La malheureuse dut effectuer des choix. C’est le loyer qui fut sa variable d’ajustement. Elle ne pouvait faire autrement. Elle se doutait bien que tôt ou tard, le principe de réalité la rattraperait. Elle voulait ne rien montrer aux enfants, ils n’étaient en rien responsables pas plus qu’elle d’ailleurs. Il y eut des lettres recommandées, des menaces, des injonctions, la visite d’un huissier, les lamentations du maire qui était impuissant cette fois à lui venir en aide.

Le divorce n’en finissait pas de traîner en longueur. De procédures en procédures, de conciliations qui ne peuvent se faire en rendez-vous manqués, de mensonges en fausses déclarations, le gouffre était à ses pieds. Elle y sombra. Un matin, elle fut mise une nouvelle fois à la porte… Elle avait encore les clefs de chez elle cette fois mais plus le droit de rester dans l’appartement.

Elle et ses enfants étaient à la rue. Non, pas tout à fait, elle avait une voiture, un luxe pour l’huissier et les bailleurs, une nécessité pour se rendre à son travail. Elle s’y réfugia avec ses enfants. La météo était encore clémente, on n’expulse pas quand l’hiver est là même si certains déplorent cette mesure laxiste. Bien vite à l’école, on signala la tenue négligée des gamins, le manque d’hygiène et l’absence de travail à la maison. Quelle horrible expression quand on n’a plus de chez soi !

Le pire était à venir. Les enfants, dans leur intérêt furent placés. C’était plus que ne pouvait en supporter une mère aimante et dévouée qui n’était nullement responsable de l’effroyable concours de circonstances qui s’abattait sur elle. Qui aurait pu lui tendre la main maintenant que ses chers petits, ceux qu’elle avait protégés comme une louve, étaient désormais dans une pension ?

Elle sombra dans la maladie. Une dépression, terrible, profonde. Elle n’alla plus au travail, elle restait prostrée dans sa voiture. Bientôt elle fut coupée de ses droits, elle n’avait plus de quoi mettre de l’essence dans sa maison ambulante. Elle ne put savoir que le méchant bonhomme était mis en demeure de verser une pension alimentaire. C’était bien trop tard, le mal était fait.

Elle trouva une main secourable, un bon samaritain comme il en existe un peu partout dans des associations qui apportent un peu de dignité dans des situations analogues. Jean François prit en charge son dossier, lui trouva un hébergement d’urgence, obtint son retour professionnel. Pour les enfants, ce fut plus long, plus compliqué encore. Il fallait qu’elle dispose d’un logement et de garanties. L’amour d’une mère n’est pas une garantie pour les services de l’état, ce n’est pas non plus une excuse pour les bailleurs sociaux.

Le temps fut long, terriblement long avant que les éléments rassurants se mettent en place et qu’elle retrouve les siens. Un délai raisonnable selon les avocats, les juges, les éducateurs, les administratifs de tous poils, un siècle pour des gamins qui perdirent amis et années scolaires, confiance en eux et en la société.

Quant à monsieur, il fonda une nouvelle famille dans une autre région. Il ne fut guère inquiété. D’ailleurs comment faire, ce n’est pas lui qui ne payait pas le loyer. Cela se passa ainsi quelque part dans ce beau pays, fier de sa devise républicaine, de son drapeau et de son équipe de football. Beaucoup moins de ses droits sociaux qui partent en quenouille depuis qu’un banquier a pris le pouvoir, un envoyé spécial du grand capital chargé de mettre à bas toute la protection sociale.

Madame a récupéré ses gamins. Parviendra-t-elle d’ailleurs à les retrouver vraiment comme au temps des jours heureux ? J’ai comme un doute. Jean François et son association continueront de l’épauler. Les blessures mettront un temps infini à cicatriser, si jamais elles y parviennent.

Ruissellement sien.

 

De la porte à la rue.
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