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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Les forges.

Le monstre mystérieux

Les forges.

L'Hirondelle s'en est allée

 

 

L’industrie automobile était reine en mon village après que la petite reine avait connu elle aussi son heure de gloire avec les cycles et les motocycles Helyett. La firme Simca y installa deux usines sur plus de 11 000 mètres carrés, deux endroits remplis de bruit et de fureur, de mystère et de secret. Pour ceux qui comme moi, n’étaient pas de la « maison », seul le regard à distance nous donnait à ressentir cet endroit qui nous apparaissait, en des visions fugaces, comme étant les portes de l’enfer, une fournaise dans laquelle des hommes, faisaient couler l’acier en fusion.

Curieusement, les ouvriers parlaient avec respect de leur entreprise, la vivaient comme un but à atteindre pour leurs enfants, dont beaucoup, quittaient l’enseignement pour aller dans l’école interne de la boîte. Ils avaient une culture maison, une fierté à participer au grand développement de la marque. D’ailleurs, ils roulaient tous en Simca et grande fut leur déception, quand les voitures changèrent de nom, se plaçant sous l’égide d’une marque américaine : Chrysler, avant de sombrer définitivement au nom des économies d’échelle et des logos qui changeaient sans cesse.

Mais avant, ils furent les créateurs de richesse, les damnés des forges pour enrichir des actionnaires, bien à l’abri loin des odeurs et des flammes. Les deux usines n’étaient que ça, bruit, odeur, chaleur. Le fer en fusion, le fracas des machines, l’entêtant parfum de poussière et de métal, de cuisson et d’acidité. Même à distance des ateliers, nous avions les effluves de cet étrange et obsédant mélange.

La vision qui restera à jamais dans ma mémoire ce sont ces hommes qui a deux pas d’immense marmite du diable, organisaient ou subissaient l’écoulement de la lave en fusion vers d’énigmatiques moules. Ils semblaient si fragiles dans ce qui de loin passait pour un dragon assoiffé de chair humaine. Un tablier de cuir, un casque, des gants constituaient si j’en crois mes souvenirs incertains, leurs modestes armures.

Puis il y avait l’arbre de Noël des « Simca ». Nous en étions jaloux, sottement jaloux en vérité, ne voyant que les cadeaux et la fête dont n’avaient de cesse de nous narrer nos camarades. Ils avaient droit aussi à leurs colonies de vacances, vivant déjà à l’écart avant que d’intégrer le saint des saints , dès la fin de la cinquième, pour passer un CAP par l’apprentissage interne. Une vie toute tracée, du moins le pensaient-ils, sans avoir le souci du lendemain et en roulant dans une belle automobile qu’ils changeraient tous les ans.

Le feu est retombé, les forges ont fermé leurs portes. Longtemps l’odeur est restée tandis que l’absence du fracas sonnait le glas de la prospérité de la ville. Le tout automobile avait vécu, erreur funeste de ceux qui mirent tous les œufs dans le même panier. Des reconversions ont eu lieu, beaucoup de déménagements transformèrent radicalement la population locale. L’exode des ouvriers en quête d’un emploi avait brisé les années d’insouciance.

Les usines demeurent en place. L’une d’entre-elles travaille désormais le bois avec une société Kronofrance qui emploie 370 personnes en France pour produire et commercialiser des produits tels que les panneaux et dalles de particules, les panneaux décoratifs en laminés et autres revêtements de sol stratifiés. Les forges furent un temps à vendre, friche industrielle sonnant le vide au cœur de la cité. Je ne sais ce qu’il en est advenu depuis.

On continue de travailler pour l’industrie automobile avec des sous-traitants tandis que toutes ces petites entreprises n’ont jamais remplacé dans le cœur des sullylois, la grande marque à l’hirondelle qui avait fait son nid en bord de Loire. La firme franco italienne eut beau changer plusieurs fois de nom, elle sombra corps et biens et le souvenir seul, reste, plein d’une nostalgie sans doute illusoire ; les conditions de travail étant dignes d’une époque heureusement révolue.

Infernalement leur

Les forges.
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