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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Les faits divers sont à prendre avec des pincettes.

Le poids des mots

Les faits divers sont à prendre avec des pincettes.

Tout peut blesser, après un drame.

 

 

Un drame familial qu’on me demande de narrer. Je fais en sorte de le relater avec délicatesse, sachant des gens dans la peine. Chaque mot compte, chaque expression peut blesser. Il convient d’avancer sur la pointe des mots, de ne pas ajouter à la douleur, la maladresse d’une expression, l’intrusion d’une vérité qu’il faut laisser enfouie.

Je suis prudent, modéré, vigilant. Je ne fais pas métier d’informer. C’est d’autant plus facile pour moi que je ne suis pas contraint par le temps ni par les injonctions d’une rédaction. Mais je découvre alors que c’est pire, que personne ne viendra pardonner une maladresse que rien ne me forçait à commettre. Je marche sur des œufs.

Je découvre combien chaque mot peut peser le plomb, réveiller des douleurs, donner matière à polémique ou bien critique. Tout est bon pour entretenir la controverse, donner le flanc à la critique ou à la médisance. Que c’est délicat d’autant que face à soi, ce sont des gens dans la peine, à la sensibilité exacerbée par le contexte.

Je n’avais pas mesuré jusqu’alors la responsabilité de celui qui reprend les faits, qui cherche à décrire en toute honnêteté une situation complexe et chargée de sentiments. La distance ne suffit pas, il conviendrait de tenir un propos parfaitement neutre, distancié, presque impersonnel. Mais est-ce possible et plus encore souhaitable ?

Les journalistes sont ainsi confrontés chaque jour à ce dilemme d’autant plus quand ils avancent sur le chemin scabreux du fait-divers. Ce qui semble être le moins chargé en idéologie ou en valeur sociétale est en fait le plus porteur de sensibilité à fleur de peau. Il convient de mesurer chaque expression, de ne pas blesser ou plus encore dévoiler ce qu’il est préférable de préserver au nom de l’intimité et du secret.

L’exercice est non seulement délicat mais certainement impossible à tenir. Tout est prétexte à dérapage, à contrariété ou plus encore à meurtrissure. Que faire ? Ne rien dire, fuir le réel afin de rester dans le vague et finalement survoler tant et si bien le contexte qu’il n’en reste rien. Je découvre ainsi le poids de la rubrique des chiens écrasés, celle-là même qui exige le plus de doigté.

Je me suis fourvoyé à vouloir aller sur ce chemin scabreux. Le pamphlet est plus commode qui ne s’aventure qu’à blesser les canailles et les gredins. Ceux-là ne méritent ni égards ni précautions, ils se nourrissent même de tout le mal qu’on peut dire d’eux, l’essentiel étant pour eux d’exister dans la tempête. Tandis que les braves gens dans la tourmente n’ont rien à attendre d’une exposition malsaine qui vient ajouter à la douleur l’inconfort de la lumière.

Je n’aurais jamais dû oser ici ce coup de projecteur qui au final pose tant de problèmes. J’ai changé les tournures, j’ai modifié les mots, j’ai coupé ce qui pouvait offusquer, j’ai éludé le fond du problème, j’ai gommé les circonstances réelles, j’ai caché les protagonistes et encore il y a à redire, il faudrait tout effacer et ne rien dire …

Le réel est un redoutable révélateur. Il ne passe aucune approximation. Il a besoin d’une précision au scalpel. J’ai essayé cette aventure et je m’en mords les doigts. Je devine qu’il conviendra à l’avenir ne de plus risquer de me brûler la plume dans un tel imbroglio des sentiments. Le faits divers est non seulement à fleur de peau mais plus encore au fil du rasoir. On s’y blesse, on s’y coupe et jamais on y trouve matière à satisfaction.

Je lève mon chapeau à ceux qui évoluent ainsi dans ce contexte si sensible. Vraiment il convient d’écrire avec un infinie prudence quand on remue les remugles de notre société . Voilà bien là un exercice d’équilibriste qui est particulièrement casse-gueule !

Diversement vôtre.

Les faits divers sont à prendre avec des pincettes.
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Soyez sympa réagissez.... sinon tentez Agoravox si vous n'êtes pas bloqué par C'est Nabum<br /> <br /> https://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/le-fait-divers-est-a-prendre-avec-203253#commentaires
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