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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

La tournée bretonne - 4 -

La Terre est ronde
La tournée bretonne - 4 -

La parentèle et pas que …

 

Elle va rencontrer les siens ; eux qu’elle n’a pas vu depuis quelques temps, trop longtemps à son goût et des silences qui finissent pas peser. Elle est dans l'expectative, elle veut revoir sa famille et sa chère Bretagne perdues toutes deux de vue depuis plus d’un an. Elle est heureuse de retrouver sa terre, de sentir à nouveau les embruns, d’être en communion avec sa région natale. Le ciel est bouché, il les prive du décor de la côte sauvage, elle devra attendre un ciel plus clément pour lui montrer son petit coin d’enfance. C’est là aussi le village où va venir s'installer leur ami Dan, le chanteur de la mer. Malheureusement il ne viendra que dans quelques jours, une belle occasion de manquée pour célébrer l’amitié, la musique et les contes. C’est le cœur battant qu’elle s’en va retrouver son père.

Lui, assiste à ces retrouvailles empruntes de solennité. Comme dans chaque famille, il devine que la présence d’un étranger met mal à aise, empêche les effusions ou bien les confidences. Les conversations éviteront soigneusement les évocations passées. Le livre sera le fil conducteur, la projection vers un ailleurs sans contrariétés. C’est ainsi que la Bretagne s’estompe pour laisser place à un Val de Loire que leurs hôtes ne connaissent pas.

Bien sûr les châteaux de Loire sont évoqués, ils viennent immédiatement en référence dans les représentations de notre région même s’ils se situent plus bas sur la rivière et qu’ils effacent de manière bien injuste les magnifiques forteresses de la haute-Loire. Il convient de ne jamais s’en offusquer tout en prenant la peine de raconter et d’ouvrir les horizons.

Le repas prit, ils ne s’attardent pas. Tout s’est bien passé faute d’avoir tenu conversation intime. L’esquive est la meilleure manière d’éviter l'écueil des récifs passés. Ils en profitent pour faire le plein de produits locaux dans une boutique où la Bretonne aime à se ressourcer. Elle a les yeux qui pétillent, elle est chez elle quand le doux parfum du Kouin Aman envahit une pièce.

Au sortir de l’endroit une surprise les attend. Quatre chalandiers en goguette surgissent à l’improviste. « Le monde est petit » s’exclame l’un d’eux quand le Bonimenteur réplique inévitablement de son «  Non, il est rond et l’on finit toujours par s’y retrouver ! ». Leurs amis viennent d’un repas de confrérie, ils sont friands de ces sorties gastronomiques durant lesquelles ils défendent nos traditions de Loire. C’est l’occasion inespérée de vendre un roman à des orléanais à 500 km de chez eux.

Ils font quelques photos pour célébrer l’improbable rencontre puis chacun va vers son destin. Une tante attend nos voyageurs, c’est vers elle que se fera la confession ou tout au moins le récit authentique. Ils y passeront la fin de soirée et le dîner sans surveiller leurs propos, en se livrant en toute sincérité. Ma collègue déroule son sac à regrets, dévide l’écheveau des souvenirs d’enfance, livre ses espérances en des lendemains plus radieux, évoque son nouvel amour.

La tante écoute, attentive, bienveillante. Elle est heureuse de constater que sa chère nièce soit parvenue à surmonter un passé douloureux. Ses deux livres en ont été les exutoires, la manière de gommer et d’effacer ce qui fait tant de mal pour enfin repartir d’un pied plus sûr et d’un cœur disponible. Lui qui a assisté à cette rédemption s’en félicite tout en expliquant à la tante aimante, qu’il a pleinement profité de cette collaboration pour oser le roman et découvrir une véritable amie. Le temps de la confession est passé. Il convient de rentrer retrouver leur amie Nicole. La fatigue se fait sentir. Il leur tarde de se reposer enfin de tant d’émotions. Ils dormiront chacun de leur côté d’un sommeil profond et réparateur avant que de retrouver leur hôtesse au petit déjeuner. La dame se tire les cartes, c’est ainsi qu’elle débute sa journée.

Tandis que Nadine s’en va retrouver sa grand-mère, le conteur lit à haute voix le billet qu’il a écrit pour Nicole. Elle est émue, se reconnaît sous la plume de son invité. Elle est touchée même par la justesse du portait. Pour le remercier, elle lui tire à son tour les cartes. Elle lui promet tant de belles choses qu’il ne sait si c’est par gratitude ou simplement en lisant l’énigmatique message des cartes qu’elle lui octroie ces perspectives enchanteresses. Le mécréant agnostique a pourtant un peu de mal à donner crédit à tout cela ni même à penser que son destin surgit d’une carte de jeux.

Il prend le clavier pour rédiger ce pan de voyage qui relève sans doute de l’intime. C’est parfois l’impudeur de l’écrit que de livrer ce qui n’est pas nécessairement publiable. Il sait que depuis dix ans bientôt, il a offert ainsi en pâture bien des secrets qu’il prenait garde de dissimuler de son mieux. Il accepte ce jeu étrange, il n’a pas d’autres cartes dans sa manche que cette introspection au grand jour.

Impudiquement vôtre.

La tournée bretonne - 4 -
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