Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

La dame de nage.

Conte d'Armorique
La dame de nage.

L’amour en tête de proue.

 

Il était une fois, une fée Morgane égarée au bord d’une rivière qui ne lui disait rien qui vaille. Elle qui avait grandi sur la pointe extrême de notre pays sous les coups de vent et les embruns d’une côte sauvage et féroce, elle trouvait bien palote cette Loire que nous ne cessions de lui vanter. Elle en riait même, se demandant ce que ces ligériens, pouvaient bien trouver à un flot sans colère, une eau douce dénuée de la plus petite vague. C’était sans doute aller vite en besogne que ce jugement à l’emporte pièce mais qu’attendre de mieux des gens d’Armorique quand ils défendent bec et ongles leur cher bout de Terre en dénigrant le reste de la planète.

Pour bien regarder un lieu, il faut avoir pour lui les yeux de Chimène. La dame n’avait sans doute pas ressenti ce coup de cœur qui transforme votre regard et vous ouvre de nouvelles perspectives. Nous avions beau ramer auprès d’elle, tenter de lui montrer ce qui était pour nous des coins à vous couper le souffle, elle comparait immanquablement à cette côte qui avait été sa nourrice. La cause était d’autant plus perdue qu’il y avait de la bourrique chez elle !

Puis, pour ne jamais faire les choses comme les autres, elle se prit de passion pour des petites barques allant sur un canal désaffecté. Les voies d’eau sont aussi impénétrables que celles du seigneur. Nous n’aurions jamais songé que c’est à l’ombre d’un saule majestueux plongeant ses branches sous le reflet de l’arche d'alliance d’un pont de pierre, qu’elle se décilla les yeux.

Elle succomba sous le charme d’une dame de nage qui guidait une rame par le bout du nez. Il lui fallait sans doute trouver son guide pour se mettre en mouvement vers la passion ligérienne. Il faut lui consentir qu’elle ne pouvait trouver endroit plus romantique et que succomber ici avait de quoi ouvrir une belle et grande histoire. Si au début, elle fit des ronds dans l’eau, c’était pour envoyer un message à l’esprit du fleuve qui coulait à deux pas de là. Elle avait l’art de l’esquive ou bien de la pirouette, ses origines sans doute.

Redescendue à terre, elle était transformée. Elle avait trouvé une épaule sur laquelle s’appuyer, un guide pour enfin comprendre ce qui jusqu’alors lui échappait ou pour le moins, lui semblait quelque peu exagéré. Ce fut un lever de soleil sur la dame Liger au sortir de ce petit périple qui la foudroya au milieu d’un pont. « Ainsi donc, c’était cela qu’ils essayaient tous de m’expliquer et qui se dérobait à moi ? » se dit la dame, incapable de reprendre son chemin.

L’exaltation lui vint en ce petit matin. La nuit blanche, l’amitié, la fête, le Festival, les rencontres et les confidences jusqu’au bout de la nuit eurent raison de son obstination précédente. On ne voit vraiment bien qu’avec le cœur lui aurait soufflé le Petit Prince s’il était passé par là. C’est à n’en point douter un autre personnage, doux, rêveur, égaré dans ce monde trop rude qui lui glissa des mots tendres à l’oreille.

La dame était conquise, ravie, troublée, emportée à son tour par cette folie qu’elle se refusait à comprendre. La voilà tête de proue de la Dame Liger, elle s’est jetée à son cou, lui fit grande et belle déclaration d’amour. Ce n’est pas qu’elle renonça à aimer sa Bretagne mais la dame savait désormais qu’il est possible d’avoir plusieurs passions à condition qu’elles fussent pareillement sincères.

Voilà, vous savez tout. Nous n’avons plus qu’à nous retirer sur la pointe des pieds. Elle se fait sirène et plonge dans les flots. Point n’est besoin de vagues pour surfer sur un bonheur parfait. Elle est en lévitation sur un nuage de félicité, ne cherchant pas à comprendre ce mystère soudain qui bouleverse sa vie. Il suffit parfois de se laisser porter par les évidences et accepter de suivre son étoile. Bon vent à elle, elle saura mener sa barque, je n’en doute pas une seconde. Je la regarde s’éloigner. En bonne princesse de Brocéliande, elle continue de souquer ferme pour tenir le cap, celui qu’elle avait perdu de vue depuis si longtemps.

Heureusement sien.

La dame de nage.
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
V
En Bretagne, la distinction T-V dépend beaucoup des zones géographiques et du sexe de la personne à laquelle on s'adresse.<br /> <br /> De fait, le tutoiement est complètement ignoré dans le sud-ouest du territoire brittophone, approximativement la zone comprise entre Quimper, Brasparts, Corlay, Pontivy et Lorient, soit le bas-vannetais et la Cornouaille, mis à part la région côtière du Pays Bigouden, où le tutoiement est utilisé. Quand on remonte vers le nord, surtout dans le Léon, le tutoiement est courant.<br /> <br /> Dans les régions où le tutoiement est utilisé, il est traditionnellement réservé aux hommes (les hommes entre eux, et les femmes s'adressant aux hommes) tandis que le vouvoiement est de mise pour les femmes (les femmes entre elles et les hommes s'adressant aux femmes). Les jeunes générations ont cependant plus tendance à ignorer ces traditions et à faire comme en français, c'est-à-dire tutoyer les personnes proches, sans distinction de sexe.<br /> <br /> Je viens de me rappeler que mes origines https://fr.wikipedia.org/wiki/Pays_Bigouden me permettait de te tutoyer et j'en profite pour te féliciter de ton très beau texte sans avoir à faire usage de ce décret de tutoiement obligatoire https://fr.wikipedia.org/wiki/D %C3%A9cret_sur_le_tutoiement_obligatoire ...<br /> <br /> A bientôt.<br /> Amitié.
Répondre
C
Vivre en VOUS<br /> <br /> j'aime le vous à l'écrit <br /> Il confère de la force aux propos échangés