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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Les pieds sur terre

Loin du quai !

Les pieds sur terre

Sage décision.

 

Moi qui n'ai jamais aimé l'eau autrement que dans un verre, il me faut attendre le début de soirée de mon existence pour enfin comprendre à quel point je me suis fourvoyé à vouloir nager entre deux eaux, à me croire le mousse d'un capitaine ad hoc, à me rêver grand timonier des vaisseaux fantômes. Il est grand temps pour moi de retomber les pieds sur terre et surtout de ne pas prendre par-dessus la jambe cette nécessaire mise à pied.

 

Le plancher des vaches, le monde des culs-terreux a toujours été le mien. Pourquoi vouloir me rêver d'autres promesses, une nouvelle destinée quand la boue colle à mes godillots ? Il n'est plus temps de renier mes ancêtres, artisans et paysans, hommes et femmes du labeur, penchés sur l'ouvrage et la mère nourricière. Berger ou bien mouton, je suivrai le chemin qui mène jusqu'aux tendres pissenlits !

 

Le vent du large n'est pas pour moi. Il faut être un vieux loup de mer, un amateur de rhum, un gars qui aime les bordées, un de ceux qui savent naviguer et mener leur barque. Moi, j'ai trop besoin des senteurs végétales, des parfums de la tourbe et de l'humus pour aller me perdre, le nez au vent loin des coups de tabac. Je n'aime pas les ambiance interlopes, il me faut du terre à terre, une culture de terroir.

 

J'ai voulu glisser mes pas dans le creux de la vague ; j'ai sombré dans cette étrange aventure. Même en chaussant des bottes de sept lieues, le raconteur d'histoires a besoin de l'herbe et de la rosée, des petits bosquets, des forêts d'ici et des seules rives de la dame Liger. J'ai le mal de l'eau et elle me rend amer. Je préfère rester à quai ; j'y suis bien mieux placé , attendant le jour où l'on descellera les pavés pour le Grand Soir.

 

Je suis atterré de m'être ainsi trompé. Je n'ai jamais navigué en père peinard malgré toute l'admiration que je voue à notre copain Georges. La mare des canards me laisse le bec dans l'eau, lassé qu'on me vole ainsi dans les plumes. Il n'y a pas que le canard enchaîné à sa soif de liberté ; l'aventure ne s'arrête pas au pied de la lettre. C'est ma plume qui file au courant intarissable d'une logorrhée en crue.

 

Rester droit dans ses pieds nus : la chose n'est pas simple. Celui qui porte des bottes se gausse d'une telle prétention mais qu'importe, j'ai besoin de sentir la terre nourricière sans y creuser des sillons vengeurs. J'irai encore sur les chemins, au bord de l'eau ou au milieu des terres, loin des batailles navales qui ont fini par me consterner. Je suis coulé d'avoir été trop longtemps touché au plus profond de mon âme.

 

Si la peau se burine, le cœur ne parvient pas à le faire quand il est un tantinet pur et sincère. Je mets mes pas dans les pas de mes ancêtres. Le sol nous a toujours servi de plancher et le ciel sera toujours notre témoin. Il ne suffit pas de se dresser sur ses ergots pour se faire coq dans une basse-cour : le vermisseau sait qu'il doit se contenter de ramper.

 

Les flots me submergent ; ils m'ont noyé sous des torrents de rancune et de griefs. L'eau n'en finit pas de couler dessous les ponts, elle fait barrage, elle entraîne par le fond celui qui n'a pas la légèreté de se laisser porter par les circonstances. Il faut être opportuniste pour saisir la risée et le bon courant. Je n'irai jamais qu'à l'envers des modes et des tendances.

 

La seule voile que je puisse lever, c'est celle du suspens qui se dévoile au terme d'un récit. Même s'il est cousu de fil blanc, le lecteur se laisse prendre au fil de ce récit, ne reste pas au port, accepte de suivre le narrateur au travers de ses pérégrinations livresques. S'il faut jeter l'encre, ce sera celle qui ouvre les portes du rêve et de l'imaginaire.

 

Je garde les pieds sur terre et la tête dans les étoiles. Ma carte sera celle du tendre ; je puise ma force dans le terreau des poètes et des chansonniers des plaines et des sentiers, chantres de la culture paysanne, et dans les récits de ceux qui sont toujours restés les deux pieds tout près de leurs sabots. L'imaginaire n'est pas un rafiot d'infortune. Il faut mettre les pieds les uns devant les autres et n'attendre plus que les vers finissent leur basse besogne.

 

J'ai compris la leçon, Bonimenteur je serai ! J'irai désormais à pied, Marinier ne puis-être. Je pose mon baluchon, c'est du bord de l'eau que je conterai la Loire pour l'aimer sans colère. Je laisse aller sur l'eau ceux qui n'ont pas les pieds sur terre ; grand bien leur fasse ! Chacun doit trouver sa place et la mienne est sur la rive, tout au bord de cette eau où je ne n'aime guère me tremper que du bout d'un pied hésitant et circonspect.

 

Terre-à-terrement vôtre.

Les pieds sur terre
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