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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Aller aux champignons.

C'est de saison !

Aller aux champignons.

 

L'aventure au coin du bois

 

Aller aux champignons, ce n'est pas une sortie ordinaire ! Est-ce une balade forestière, une quête initiatique, une aventure périlleuse, un besoin à satisfaire, une distraction parmi d'autres, une communion avec dame nature ? Chacun a sans doute sa propre définition de la chose. Pour les uns plaisir solitaire, pour d'autres partage entre amis quand pour certains, il ne s'agit que de faire main basse sans retenue sur une ressource à exploiter.

 

Laissons donc les hordes de cueilleurs avides à leurs dégradations et à leurs comportements scandaleux. Ceux-là ne méritent pas qu'on s'attarde à suivre leurs pas. Ils arrivent en bande organisée, ratiboisent une parcelle, agissent parfois de nuit à la lumière de lampes frontales, usent du râteau pour ne rien laisser et repartent, tels les amis d'Attila, en laissant un territoire dévasté. Ils partiront vers la capitale tirer profit de leur larcin sans le moindre respect pour ce bienfait de la nature.

 

De leur faute, le comportement des autres se modifie pour répondre à cette véritable agression contre l'esprit et la beauté de ce rituel. Il y a d'abord les connaisseurs avisés, ceux qui ne vont jamais au hasard, savent où se situent les coins et gardent jalousement leur secret. Ils se cachent, brouillent les pistes afin de ne pas être suivis et se refusent à être accompagnés. Ils ramassent à la demande, agissent en spécialistes qui partent avec une idée précise en tête.

 

Il y a les fidèles d'un bois. Ils l'arpentent en tous sens, aiment surtout à tailler la route, couper à travers taillis et futaies, sauter par dessus les fossés pour aller au plaisir de la découverte. Ils sont chez eux dans cet espace où jamais ils ne s'égarent. Le panier est un prétexte, qu'il soit rempli ou non importe bien moins que cette communion en plein air. Ils aiment à se faire accompagner, initier leurs amis à cet espace qui est presque le leur.

 

Il y a les occasionnels. Ceux qui, sur un coup de tête ou au terme d'un repas trop arrosé, suggèrent d'aller digérer dans les bois. Ils ne sont pas équipés pour l'aventure, marchant dans les sous-bois sur la pointe de leurs escarpins. Ils ne s'éloignent guère d'une allée qui leur servira de point de repère. Ils ramassent un peu au hasard des champignons qui iront périr dans une pochette en plastique. Ils feront bien de ne pas manger leur récolte : le pire est à craindre.

 

Il y a les joyeux drilles de l'expédition forestière. Ils partent, équipés comme il convient, sans avoir oublié le sac à dos rempli de victuailles. Ils sont entre amis et la matinée va prendre des allures de virée épicurienne. Quand leurs paniers commencent à être bien remplis, ils se regroupent au cœur de la forêt, sortent casse-croûte et bouteilles, prennent ce qui convient pour éviter l'hypoglycémie avec une gourmandise non feinte. Il faut reconnaître qu'ils se sont levés de bonne heure et que la marche ouvre bien des appétits.

 

Ils reprendront leur ramassage, le pas plus lourd, le visage plus coloré, l'humeur plus joyeuse encore. Ils savent que la suite sera du même tonneau … Ils rentreront en faisant un crochet chez un autre camarade qui n'était pas du voyage. Un panier plein sera le laissez-passer pour un repas improvisé où les bouteilles pousseront plus vite que les champignons. Les uns allant à la cave quand les autres se mettent à l'épluchage.

 

L'après-midi ne sera que libations et récits d'autres récoltes. Il en va des champignons comme des parties de pêche : c'est dans la narration des exploits précédents que réside le plus grand plaisir. Ils rentreront chez eux en ayant bien du mal à justifier que leurs paniers soient vides et leurs ventres si tendus. Ils se promettent de repartir dans quelques jours et de faire en sorte de rapporter des champignons à la maison.

 

Le doute est permis. L'aventure a été ébruitée, d'autres galapiats seront de l'expédition et les musettes seront si chargées que tout se passera dans les bois cette fois. Je ne sais pourquoi, ce sont ceux-là qui ont ma sympathie. Il se peut que je sois du nombre et il faudra me pardonner ce péché de gourmandise qui demeure mortel malgré la présence de l'appariteur épiscopal dans notre troupe.

 

Il faut encore évoquer les aventureux : ceux qui osent s'introduire dans les parcelles privées, franchissant des barrières et des grillages au risque de se retrouver avec les quatre pneus crevés. C'est qu'on ne plaisante pas dans notre Sologne et qu'il ne fait pas bon se faire surprendre. J'avoue ne pas supporter ce petit jeu risqué ; les coups de carabine qui se perdent pouvant transformer la farce en drame. Je préfère la quiétude de la forêt domaniale même si la concurrence y est plus rude.

 

Je dois vous laisser ; j'ai un panier rempli de lactaires délicieux et un repas qui m'attend. Si vous passez par ici, venez donc avec nous à notre prochaine sortie. Prévoyez de quoi vous sustenter et n'oubliez pas les œufs : nous n'en trouverons pas dans les bois. La saison ne fait que débuter ; je vous recommande instamment de vous lever de bonne heure et de vous chausser convenablement. Surtout, n'oubliez pas non plus le panier d'osier, c'est indispensable.

 

Forestièrement vôtre.

 

Aller aux champignons.
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