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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Compagnon de misaine

à Nano !

Compagnon de misaine

 

Haut et court …

 

La parole est une arme redoutable quand elle navigue en territoire hostile, les mots ricochent sur les flots, passent le pont, franchissent les rues, enjambent des façades. La rumeur enfle et les propos subissent le retour de bâton des braves gens, jamais avares d'un bon lynchage en place publique.

 

Il faut rester dans la ligne, ne pas se départir du folklore que l'on veut créer de toutes pièces pour satisfaire à une iconographie factice, une tradition taillée sur mesure pour glorifier ce qui n'a jamais été de la sorte. Rien n'est pire que de se dresser devant les créations humaines, l'histoire revisitée par les marchands du temple et les manipulateurs de pacotille.

 

Il est besoin de vendre du rêve, de proposer une illusion, un monde de chansons et de ripailles, de bacchanales et d'amitiés viriles. Tout est pour le mieux dans ce monde de fiction, loin des frictions d'antan, des souffrances et des querelles, des conflits et des incidents, des naufrages et des drames. Ici, il est de bon ton de célébrer une fraternité qui autrefois devait inévitablement se heurter aux réalités du commerce, à la dureté de la concurrence et des conditions de travail.

 

Mais qu'importe le réel, il est indispensable de se glisser dans le programme, de beugler dans un micro pour abrutir la foule, de diffuser des chansons à boire ou à manœuvrer, de proclamer la fête et l'amitié. Point de place pour les poètes, les ballades douces-amères, les complaintes et les récits. Il faut vendre une image qui sied à la fête, qu'importe si elle ne s'appuie sur aucune réalité. Le peuple veut des illusions, il faut les lui servir pour qu'il soit heureux ou simplement saoulé de bruit.

 

Pourtant des voix discordantes surgissent ici ou là qu'il convient d'étouffer. Certains s'indignent du mensonge vendu pour faire de l'argent et du nombre, d'autres s'offusquent de la glorification honteuse de quelques marins d'opérette quand une voix s'élève pour dénoncer la manière dont la culture est bafouée en la circonstance. Tous, ils apportent une contradiction qu'il faut abattre, une vision différente qui n'a pas sa place. Radios et journaux se font les complices du pouvoir local pour servir le même brouet mensonger.

 

Malheur à qui porte une autre image, mort à ceux qui déclarent une vérité qui n'a pas sa place ! Tout doit être ici à la gloire des icônes siliconées ; il est impératif de faire du nombre et de l'enthousiasme. L'instrumentalisation bat son plein, la machine est en marche pour abrutir une foule dont le nombre est fixé au préalable. Les micros se tendent vers ceux qui affirment le mensonge certifié conforme. On bâillonne ceux qui ne pensent pas de manière orthodoxe.

 

Nano pourtant dans la foule immense dit ce qu'il faudrait taire : elle dénonce la manipulation, la course à la médiocrité, la volonté d'abrutir les masses en leur servant un brouet indigeste. C'est une référence incontestable, d'un virtuose reconnu dans le monde entier qui porte la controverse. La faute est d'autant plus inacceptable. Le coupable de vérité doit être puni, pendu haut et court au mât de misaine.

 

Il faut le censurer, le priver de son audience pour qu'il cesse de nuire. Les mesquins et les veules se regroupent pour le pourfendre, le montrer du doigt et le vouer aux gémonies. Malheur à qui vient briser la belle image factice : il sera condamné au silence, banni, exclu de la farce. On lui coupe le micro, on le prive de la scène, son spectacle est annulé. Il n'y a pas place pour la dissidence en ce pays délétère.

 

La censure surgit du chapeau des autorités. Qu'importe si quelques mois plus tôt, les mêmes se regroupaient derrière la bannière de la liberté d'expression. Ce n'était qu'une posture de bon aloi quand il fallait se montrer et se faire remarquer, pour figurer sur le cliché du moment. Aujourd'hui ce qui est en cause est bien plus grave : la construction illusoire qui est mise en avant ne peut supporter l'indignation d'un homme sincère et sans doute maladroit.

 

On le brise, on le condamne. Il est chassé du podium, banni, exclu de la scène. Et immédiatement tout le cirque de l'hypocrisie se met en branle pour menacer ceux qui voudraient le défendre. On prévient, on fait chantage, on réclame la solidarité de ceux qui sont redevables, on sous-entend qu'il sera tenu compte de la loyauté du silence. Il est urgent de ne rien en dire ou sinon ...

 

Punir n'est rien ; il est possible de le faire de manière convenable, sans le moindre bruit ni la plus petite publicité. Les serviles et les inféodés plient l'échine, acceptent l'injonction, se taisent pour bénéficier à nouveau des largesses du censeur. La victime reste seule dans la tourmente ; rares sont les esprits libres qui osent s'opposer à la force injuste d'un pouvoir dont la seule légitimité est sa capacité de sanction.

 

Nano n'est pas seul : parmi les voix qui s'élèvent dans cette immonde manœuvre, il y aura la mienne. Je sais et j'accepte le prix de la franchise et de la défense des principes. Rien ne justifiera jamais la censure et la lâcheté. Je suis prêt à payer le prix de l'anathème ; il est si fréquent dans la cité des chiens. Je comprends et je partage la douleur de mon compagnon de misaine. Les pleutres et les valets seront toujours derrière le manche ; de ceux-là, il n'est rien à attendre. Ils ne sont présents que pour briller sur le papier glacé et profiter sans oublier de se servir. Ils n'ont aucun principe et aucun courage.

 

La cupidité et l'intérêt sont leurs seuls objectifs. Si le prix à payer est l'ostracisme et le mépris des censeurs , il est douce sentence en comparaison de l'abjection qui consiste à avaler ses valeurs et à nier la liberté d'expression. Rester debout dans la tourmente est plus précieux que vivre sans cesse courbé. Je fais de toi, Arnaud, mon frère de vérité et je voue aux gémonies ceux qui t'ont bâillonné.

 

Fraternellement sien.

 

Pour comprendre ce texte sibyllin :

 

https://www.francebleu.fr/infos/culture-loisirs/orleans-le-ville-accusee-de-censure-au-festival-de-loire-par-un-accordeoniste-1443520278

Compagnon de misaine
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