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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Nicolas, Gargantua et Martin.

Pays de légendes …

En ce pays de Cocagne, à la croisée de la Touraine et de l'Anjou, où que vous mettiez les pieds, vous ne manquez pas de retrouver une légende, un exploit mirifique, une aventure fabuleuse. Rabelais n'était pas en peine d'imagination : c'est sa région natale tout entière qui distille des histoires que la Loire et les rivières allant à icelle aiment à transporter, à moins que le vent ne s'amuse à les souffler dans les oreilles des enfants et de ceux qui n'ont pas perdu le sens de la démesure.

Après les visites culturelles de la veille, nous songions à user nos semelles en arpentant les chemins vignerons. Une fatigue autre, une balade entre les ceps pour s'imprégner de la terre et, le soir venu, pouvoir encore mieux apprécier leurs vins, sans doute. Chacun trouve prétexte à sa convenance pour déboucher une bouteille, celui-là me semblait fort présentable.Ce n'est que d'eau cependant, je vous l'assure, que nous nous étions munis pour cette expédition. La suite, il est vrai, pourra vous faire douter de cette affirmation que je tiens pour véridique malgré tout.

Ce fut l'attrait d'un mystère qui guida notre route. La demoiselle du syndicat d'initiative de Bourgueil- était-elle fée à moins qu'elle ne fût diablesse?- me glissa insidieusement une destination en évoquant une légende en un certain lieu. Il ne fallait pas plus pour mettre en branle le Bonimenteur et le titiller là où il est le plus vulnérable … Si pantagruélique est mon appétit de connaissances que m'en venaient à la bouche des torrents d'eau !

Au Mont Sigou, puisque tel était l'endroit porteur de mystère, je retrouvai l'ami Rabelais et son cher Gargantua. Le géant débonnaire, chaussé de bottes d'au moins sept lieues, avait franchi d'un pas la Loire. Incommodé par le sable et les limons qui s'étaient glissés dans ses godillots disproportionnés, il les avait vidés ici. Le Mont Sigou était né de cet amas, c'est du moins ce que prétendait le panneau explicatif.

Pour rester dans le fantastique, un autre écriteau évoquait notre bon Saint Martin, premier évêque de Tours, légionnaire repenti, qui, après avoir partagé son manteau avec un pauvre, avait abandonné le chemin des armes pour emprunter celui de la charité et de la sainteté. Il fit tant et tant de miracles en bord de Loire que plus d'un âne, désormais, est baptisé en son honneur et à la gloire du bel animal qui découvrit, prétend-on, la taille de la vigne.

Je brouille à plaisir les pistes, car en ce doux pays, on aime à vous embrouiller l'esprit. Saint Martin est mort le 8 novembre 397, et c'est à son âne, contemporain de fait, que l'on devrait un prodige pour un végétal que d'autres affirment avoir été implanté en Touraine vers 980 ? Mieux vaut ne pas épiloguer sur les incertitudes de l'Histoire ; acceptons tout bonnement que l'épine blanche, ait fleuri, cette année-là, dans la nuit du 10 au 11 novembre, au passage de la dépouille du brave homme.

La confusion m'égare et obscurcit singulièrement mon propos. J'ai, depuis belle lurette, perdu mon latin dès qu'il s'agit de divaguer dans les allées de la légende dorée. Il se trucida, en bord de Loire, bien plus de dragons lors de ces lointaines années qu'il n'y eut de ces vilaines bêtes répertoriées dans les manuels de zoologie. Seul Rabelais conserve la présomption d'innocence : il affabule quand les autres ne pensent qu'à édifier le bon peuple …

Pour en terminer avec ce voyage au pays des menteries, Saint Nicolas vint à mon secours. En passant par l'église de la Chapelle sur Loire, il me fut permis de conter, à mon tour, une farce à la façon du pays. C'était pendant la grande crue de 1856, celle qui emporta tout le village : aussi bien les cercueils du cimetière que les pauvres gens qui se trouvaient là ...

Il se dit par ici qu'une veuve de marinier, fut sauvée par son mari qu'elle avait enterré la semaine précédente. Rabelais,certes, avait depuis bien longtemps quitté cette vallée de larmes, mais son esprit soufflait encore. C'est en s'associant au bon Nicolas, que François, le moine défroqué, trouva moyen de porter la veuve en même temps que le cercueil de son regretté défunt. L'excès d'eau nuit tout autant à la santé des faiseurs de sornettes, il se peut qu'un peu de modération soit nécessaire à la crédibilité des histoires.

La raison finit par défaillir quand on sillonne cette contrée. Au loin, le château de la Belle au bois dormant nous faisait signe. Ne voulant par réveiller d'autres démons, des diablotins ou des saints en mal d'exploits sidérants, je conseillai à mes amis de rentrer bien vite afin d'ouvrir quelques bonnes bouteilles. Si nos esprit divaguaient, il fallait au moins que ce fût pour une raison tangible !

Confusément vôtre.

Nicolas, Gargantua et Martin.
Nicolas, Gargantua et Martin.
Nicolas, Gargantua et Martin.
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L
Me voici donc "accro" à vos écrits ! Je les découvre avec bonheur, jour après jour, dans AgoraVox ou sur votre site que j'ai mis en marque-page ... Ils me parlent de cette belle région où nous nous sommes installés en 2006 fuyant un Paris par trop "bigarré" et de surcroît ils sont bien écrits ce qui n'est pas monnaie courante par les temps qui courent ...
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C
La Chouette<br /> <br /> Méfiez vous l’assuétude est redoutable et nul traitement ne vous en guérira