Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

C'est pas la Loire à boire…

Quatre matelots en matelote

 

 

 

Rien n'est plus approprié que de raconter une histoire de Loire à boire en vers. Je sais, la formule est facile mais l'art difficile d'autant qu'il sera question ici de Crue, non pas d'un grand cru quoique ce soit du vin de Loire, mais de crue centennale et mémorable. Prenez donc le temps de boire mes paroles...

 

 

Quatre comparses cul terreux

Se retrouvèrent loin de chez eux

Ils jetèrent leur dévolu

Sur le premier bateau venu

 

Ils avaient l'intention de boire

Et de passer la nuit en foire

Un jour que la Loire en colère

Menaçait de noyer nos terres

 

Il était une toue cabanée

Pas du tout armée pour naviguer

Où quatre poivrots en goguette

Décidèrent de faire la fête

 

L'inconvénient des vers est qu'ils poussent le bouchon trop loin et bien trop vite pour saisir le contexte de la scène. Attention, point de confusion, la scène ici n'a rien à voir avec un autre fleuve. Resituons donc le cadre de ce récit :

 

1846, une nouvelle fois après 1825 la Loire sort de son lit et envahit le Val. 1856, elle refait des siennes. Nous sommes en 1866 et les superstitieux se désolent, sentant peser sur eux une nouvelle malédiction tandis que nos quatre comparses, parfaitement inconscients du péril se lancent dans une folle bacchanale sur la rivière.

 

Inconscients nos joyeux ivrognes

S'en mettaient ainsi plein la trogne

Tandis que la rivière en crue

Emportait ceux qui avaient trop bu

 

Dans la nuit quand la digue eut cédé

La toue partit vers sa destinée

Les soiffards n'ayant plus rien à boire

Ronflaient comme des gredins en foire

 

Nos quatre marins en bordée

S'étaient saoulés tout'la soirée

 

 

Je dois à la vérité de restituer tout le déroulé de cette action qui conduit au drame. (Improvisation avec 4 personnes de l'assistance sur la préparation logistique de cette folle équipée) Deux dames Jeanne – La cochonnaille – Les desserts – le pain , répartition des dépenses avec un personnage beaucoup plus pingre que les autres.

 

 

 

C'est au petit matin dégrisés

Que nos joyeux drilles éberlués

Se trouvèrent prisonniers des flots

Éperdus au milieu de tant d'eau !

 

Trois jours plus tard, étaient toujours là

Bien près de connaître le trépas

Ils n'avaient plus rien à dévorer

Leur fallait manger pour subsister !

 

Nos quatre arsouilles d'la tambouille

Avaient l'estomac qui barbouille

 

Les quatrains vont bon train, trop même et vous interdisent de goûter pleinement au déroulé exact de cette situation qui progressivement va tourner au drame le plus effroyable. Au petit matin suivant la beuverie, alors que la toue cabanée avait rompu ses amarres pour se laisser porter par une Loire en furie, elle échappa par miracle au naufrage pour trouver refuge dans un vallon noyé par les flots en prenant une faille de la digue. (Description du réveil et des deux premiers jours)

 

Ils se regardent à la dérobée

Pour savoir qui sera avalé

Le plus petit est alors choisi

Son trépas sera moindre souci

 

Avant de porter le coup fatal

Ses amis qui seront cannibales

Demandent sa dernière volonté

Une sauce pour l'accommoder

 

Nos quatre compères en sursis

Se faisaient beaucoup de soucis

 

Cette fois le choix des vers de mirliton a conduit l'auteur à une facilité pour ne pas choquer l'auditoire. Il me faut restituer la vérité de la situation telle qu'elle s'est réellement déroulée sans faire silence sur les conditions de la désignation du malheureux condamné. D'une part il me faut évoquer les critères qui prévalurent à ce choix funeste et au préalable le débat qui se tint entre eux pour savoir comment trucider son prochain. Veuillez donc m'écouter en prenant bien garde d'éloigner les enfants et les âmes sensibles.

 

Le pauvre en un ultime désir

Dit que ce qui lui ferait plaisir

Comme dans les bonnes gargotes

D'être mitonné en matelote

 

Là encore, la versification pousse à l'accélération des événements. Prenons le temps par le récit en prose de narrer le débat de fond qui prévalut à cette recette typiquement ligérienne. Les uns et les autres y allant de leur proposition gastronomique pour accommoder le sacrifié tout se heurtant à des réserves des plus fondées dont je me ferai un devoir de vous les livrer par le menu.

 

Son vœu allait être exaucé

Quand ses trois compagnons excédés

Comprirent qu'il leur fallait du vin

Pour réaliser ce plat divin

 

Nos quatre chevaliers du bouchon

N'étaient que de vulgaires pochetrons

 

Le sacrifice ne put se faire

Car jamais sur notre rivière

Quand le vin arrive à manquer

On ne songerait à s'en passer

 

Si la faim peut justifier le mensonge, la soif ne permet jamais de différer ce besoin essentiel à la survie. Nos quatre lascars ne burent donc pas le calice jusqu'à la lie et sauvèrent leurs âmes, si jamais ils en furent un jour pourvu par ce sauvetage salvateur. Un scénariste sérieux se serait satisfait de cette issue heureuse pour glisser un point final à cette farce. Hélas, la modération n'est pas de mise dans ce Val de Loire où les vins ont trouvé le plus beau réceptacle qui soit. La suite sera alors d'un tout autre tonneau.

 

Notre matelot et ses bourreaux

Finirent par être sauvés des eaux

Des mariniers tirèrent de ce pas

Ceux qui ne firent pas ce repas

 

Nos quatre naufragés de la crue

Pensèrent avoir la berlue

 

Quand ils se retrouvèrent à terre

Jurèrent par Dieu de se taire

Mais hélas la langue les trahit

Lors d'une bordée avec des amis

 

Garder un secret quand on passe son temps à s'abreuver n'est jamais chose aisée surtout quand des gredins offrent à boire pour délier les langues. C'est donc ce qu'il advint à nos arsouilles tandis que leurs amis ne dépensèrent pas en vain leur sous pour les rendre bavards et saouls. La vérité éclata au grand jour ce qui justifie la fin de ce texte lamentable.

 

Dans le pays nul les en blâma

Si une chose ne se fait pas

Un outrage digne du Malin

C'est une matelote sans le vin

 

Nos quatre fêtards en perdition

Sauvèrent leur réputation

 

Il était une toue cabanée

Pas du tout armée pour naviguer

Quatre gaillards alcooliques

Défrayèrent la chronique

 

Vous savez tout et vous pouvez mesurer tous ces non-dits que l'auteur avait laissé en suspens dans ce récit. C'est par souci de réalisme et de vérité que je me suis permis d'apporter un éclairage qui provient de sources informées puisque tirées sous la cannelle d'un muids.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article