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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Les cordes sensibles d'Octave

Elles vibrent encore en lui

 

 

Octave avait eu une liaison avec Mélodie. Comme une rengaine, il aimait à me raconter sa romance qui fut, hélas de courte durée. Je ne sais pourquoi il tournait en boucle sur ce thème, qui revenait sans cesse dans nos conversations telle une ritournelle à jamais dans sa tête. Je lui laisse la parole…

 

« J'avais eu une touche me semble-t-il et lui fit quelques avances sans prendre de soufflet ni même ce fameux vent si cher aux amours impossibles. Jouant alors de la corde sensible, j'ai souhaité avancer mes pions, histoire sans doute de pousser plus loin mes avantages. Entre nous, ce fut assez vite une belle harmonie, jouant de concert une partition faite de frissons et de jolis moments.

 

Elle m'ouvrit bien vite son chœur me priant de la suivre dans sa chorale. Nous y fûmes heureux un certain temps jusqu'à ce que, erreur funeste s'il en fut puisque ne respectant plus notre tempo, je tombais sous le charme de la voix d'une alto. J'eus beau expliquer à ma chère soprano que ce n'était pas grave, elle n'en crut rien. Elle monta vite dans les aigus, poussant la chansonnette tout autant que la scène de ménage.

 

Devant pareil déluge de fausses notes, je choisis la fugue quand la pauvrette me fit une descente chromatique qui me laissa sans voix tout en me coupant toute voie de fuite. Je restai alors sur le pas de sa porte, ayant perdu les clefs. Je n'avais plus qu'à dormir sur le sol jusqu'à ce que ma mie se rende compte que j'étais là.

 

Quand elle finit par ouvrir, je vis dans son dos notre maître de chœur qui avait pris ma place. L'homme avait l'art de jouer du violon à ses choristes qui les unes après les autres tombaient sous son charme musical. Illusion au demeurant puisque rapidement il les menait à la baguette montant le ton jusqu'à ce que certaines tombent dans le coma.

 

La récupérer était à ma portée, il suffisait de trouver une accroche pour qu'un soupir se transforme en un silence, de ceux que l'on attribue souvent à un certain Jean Sébastien. Nous étions au petit matin et tous les oiseaux du point du jour nous firent un concerto tandis qu'à leur imitation je lui fis un bec et la pris par les hanches.

 

Elle interpréta fort mal mon empressement ne se sentant absolument pas au diapason avec celui qu'elle avait mis en sourdine. J'avais beau pensé que nous étions en mesure de nous accorder à nouveau, elle percevait l'impossible. J'en étais pincé même si je faisais semblant de mettre une pédale douce à mes sentiments.

 

L'appel du corps n'avait pas suffi, la réalité se faisait tirer l'oreille tandis que sonnait le requiem de notre relation. Il me faudrait désormais me comporter en soliste, abandonnant à jamais mon petit orchestre de chambre. Je me retirai sur la pointe des pieds, conscient désormais que tout était fini. Tenter encore et encore de l'enchanter serait comme pisser dans un violon, une vaine et illusoire interprétation.

 

Désirant en finir, souhaitant une sortie en fanfare, je commis l'irréparable tout en lui donnant une allure exceptionnelle. Une seule corde suffira pour exprimer à Cupidon et à la méchante mon désespoir. Comme il n'est pire sourd que celle qui ne veut pas entendre, je décochais mon ultime flèche avec la seule corde de mon arc.

 

L'accord final me frappa au cœur, en guise d'adieu, je succombais dans les ultimes vibrations de la flèche et de la corde tandis que la belle faisait ses gammes avec un nouvel interprète. J'avais laissé un codicille réclamant non point ni fleurs ni couronnes mais plus sûrement ni musique ni chant. Sage précaution du reste depuis que l'odieuse Sacem se sert sur les dépouilles qui veulent partir au son d'une mélodie en sous-sol ou d'un tube qui s'achève en four. »

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