Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
17 Octobre 2018
Une cave à flanc de colline.
Au Fil de Loire et de Vienne
Nous venions de quitter la Loire à Chouzé afin de remonter la Vienne tranquillement. Nous nous savions attendus dans une cave, un endroit qui n’est pas sans nous déplaire, certains d’y trouver fraîcheur et réconfort. Ici, nous sommes dans le royaume du Tuffeau, cette roche friable qui a été exploitée des siècles durant pour bâtir les châteaux de la Vallée de la Loire. D’immenses cavités souterraines ont ainsi été dégagées qui servent le plus souvent de champignonnières ou bien de cellier à moins que ce ne soient les fameuses maisons troglodytiques.
À l’initiative de l’association « Au Fil de Loire » de nos amis Michèle et Jean Michel, une veillée contée avait trouvé place en ce lieu. Quarante personnes avait répondu à l’invitation conjointe des mariniers de Chouzé et de Claude et Pascale, les hôtes de ce très bel endroit juste en bord de Vienne. À notre arrivée, une toue cabanée : « La chinonnaise » transportant de nombreux passagers nous démontrait sans que nous en doutions une seule seconde qu’il n’y a pas que sur le fleuve que la passion fluviale s’exprime.
Passées les salutations d’usage à ceux qui étaient sur l’eau, nous nous enfoncions dans les profondeurs d’un caveau aux plafonds aussi hauts qu’une église gothique. Sur deux mille cinq cents mètres carrés, deux cent mille bouteilles vous attendent ainsi que cinq cents barriques. Un paradis pour gourmands.
La fraîcheur dénotait singulièrement avec cette étrange et inquiétante canicule de mi-octobre. Plus nous avancions et plus l’obscurité gagnait la partie. Il nous faudra éclairer ce qui me servira de théâtre au risque de ne pas être vu.
Un tympan de pierre, taillé dans la roche, servit de support pour braquer le vidéo-projecteur afin d'agrémenter ce qui devait être une petite racontée d’une heure avec des photographies prises tout au long du cours de la Loire. Quelques tonneaux nous permirent d’installer le matériel. Nous les décorâmes de deux filets de pêche, d’un balai de sorcière et de mon inséparable caisse à quinze trous. L’ambiance était créée d’autant plus que juste derrière le conteur de très vieilles bouteilles de Chinon attisaient notre inépuisable appétence. La plus ancienne datant de 1896, c’est vous dire que j’étais tout juste né.
Il ne m’appartient pas de décrire la racontée. Elle dura deux heures au lieu d’une, ce qui démontre tout autant la patience des spectateurs que la résistance de celui qui était contraint à l’eau durant sa prestation. La suite se composa alors d’un repas partagé pour lequel le Chinon rouge fut mis à l’honneur. Le temps de ranger le décor et le matériel, la soirée était largement entamée tout autant que votre serviteur.
C’est donc le lendemain que je revins vers Claude et Pascale afin de mieux découvrir leur magnifique cave sans la pression de la prestation à faire. Ce fut plus encore l’occasion d’une dégustation frugale, un concert à venir étant trop proche pour se laisser aller à un excès de gourmandise.
C’est ainsi que nous découvrîmes un extraordinaire Chenin, un vin subtil pour un cépage attesté dès le huitième siècle. Des parfums floraux, de la délicatesse, une longueur en bouche remarquable qui vous donne à regretter que l'appellation ne compte que 10 % de blanc. Le rouge, plus connu, mérite lui aussi votre visite. Il est construit, n’a pas à rougir de la comparaison d’avec les Bourgogne d’autant que sa robe vermeille ne vous permet pas de faire la confusion. Le Cabernet franc, le fameux et ancestral Berton est un pur bonheur gustatif.
Nous reviendrons ne serait-ce que pour ce plaisir unique de la dégustation avec un passionné, Claude. Le vin à la condition d’être bu avec modération est un bonheur sans pareil. Pour peu qu’un curieux personnage vienne vous souffler quelques histoires à boire, le délectable s’invite à votre table. Bien sûr tout ceci n’aurait de sens si vous n’étiez pas en pays de Rabelaisie. La Devinière est à deux pas, un domaine miraculeux, la demeure de maître François qui a elle seule explique la truculence, la somptuosité de sa langue et l’incroyable inventivité de ses récits. Je vous assure que vous ne regretterez pas le détour.
Touristiquement leur.