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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Vider nos sacs à misère !


La précarité en questions.


    Jean Luc Mélenchon est venu tenir table ronde à Orléans pour évoquer, dans le cadre de sa campagne, le délicat sujet de la précarité. Je me suis décidé à assister comme simple observateur discret à cet exercice qui n'est pour moi absolument pas habituel. Venu en avance, je trouvai les organisateurs bien embarrassés : « Comment agencer la salle pour favoriser le dialogue ? »

    N'étant jamais avare d'un conseil, j'ai proposé que la table fut mise en U, avec un espace ouvert vers le public. Quoi de plus naturel pour moi d'aller à Hue plutôt qu'à dia, la mesure s'imposait. Des personnes s'enquirent alors de ma présence. Inconnu, je me suis présenté comme membre de la confrérie des renseignements généreux, belle définition du blog selon moi !

    Jean-Luc Mélenchon arriva par le train puis fut conduit à La Source par quelques fidèles. Point de cordon de CRS ni de service d'ordre musclé. Le candidat du peuple n'a rien à craindre quand celui des riches exige que l'on immobilise les villes qu'il visite. Il est vrai qu'il porte à son poignet de quoi nourrir une famille modeste pendant toute une année, il faut se préserver des pauvres quand on ne les respecte pas !

    L'homme arrive en toute simplicité. Point de mouvement de foule, de cris ou de slogans. Nous ne sommes qu'à peine une trentaine à ce moment là. Il s'installe pour casser la croûte de quelques en-cas fort modestes. Il demande alors aux présents de se regrouper, de partager le buffet tout en l'écoutant donner des nouvelles de sa campagne.

    J'observe ceux qui l'accompagnent. L'écharpe rouge est le seul signe d'identification. Je suis à quelques mètres, le stylo en main, pour noter mes impressions. C'est l'échauffement, la mise en mots ou bien en voix. Le candidat nous interpelle par la formule surprenante : « les copains, asseyez-vous ! » Bientôt, il se reprend pour employer le vocable certifié de camarades. Il parle de sa campagne, de cette révolution citoyenne qu'il appelle de ses vœux pour promouvoir une sixième république qui mettrait à bas le capitalisme.

    Petit à petit, le public, les journalistes, les curieux arrivent. La salle se remplit, la table ronde n'a pas encore commencé. L'arrivée des caméras de France 3 modifie la quiétude du début. Beaucoup se pressent autour de la vedette, quoiqu'il se défende sincèrement de tenir ce rôle. Le candidat prend le dessus. Il donne dans l'incantation : «  Attention, l'ennemi rôde ! » Il en appelle à une campagne qui mettra en avant une véritable éducation populaire pour expliquer à tous qu'un autre monde est possible. !

    Dans la salle, quelques affiches de campagne. Un slogan qui me fait sourire : «  La France, la belle, la rebelle ! » Le candidat au front altier a la tête inclinée, elle sort du cadre pour signifier qu'il n'est pas l'essentiel et que les idées sont avant le choix d'un homme. J'aime assez cette mise à distance qu'il parvient à maintenir malgré la focalisation incessante des objectifs numériques.

    La salle est maintenant presque pleine. C'est le moment de la table ronde citoyenne sur la précarité. Vaste débat ! Tout le monde se presse, chacun veut s'approcher au plus près de celui qu'ils appellent « Jean-Luc ». Je ne me ferai jamais à ce genre de familiarité. Le tutoiement est presque la règle. Je me fais tout petit, simple observateur d'un militantisme qui ne sera jamais mien.

    Le discours liminaire de l'organisateur nous rappelle bien naturellement le drame qui a eu lieu à deux pas de là. Un homme a succombé dans l'incendie de son appartement, il s'éclairait à la bougie depuis qu'on lui avait coupé gaz et électricité. Un symbole pour le sujet du jour, d'autant plus fort que le frère de la victime était lui même dans l'assistance. Nous n'étions plus dans un meeting, la dignité exigeait de la tenue dans les débats, bien loin des incantations haineuses qui tournent en boucle sur nos écrans de télévision.

    Chacun, militant ou représentant d'un organisme, engagé fortement dans une cause sociale, prend à tour de rôle la parole. Le candidat écoute, prend des notes, laisse les gens s'exprimer avec leurs maladresses ou leur conviction chevillée au corps. Il y a grand silence dans la salle. Comment pourrait-il en être autrement ?

    C'est un long cortège de tristesses collectives. Chacun vide son sac, sans haine, sans invectives contre les monstres qui ont favorisé cette catastrophe humaine. C'est le défilé des droits perdus, des exclus du partage, des abandonnés de la prospérité, des poussés dehors, des rejetés de l'ordinaire, des oubliés du minimum vital.

    Bien sûr, ce sont surtout des témoins, des gens qui luttent auprès des invisibles qui prennent la parole. Les pauvres, les abandonnés, les forçats du quotidien sont trop décrédibilisés, niés depuis trop longtemps pour oser venir en cette belle instance. Pourtant, il en est malgré tout qui viennent jeter leur désespoir en pâture à celui qui pourrait changer le cours de l'histoire.

    Tous n'ont pas l'élocution facile, il y a parfois longueurs et redondance. Qu'importe, personne ne vient se moquer ni interrompre la litanie des maux ordinaires d'une société qui a perdu le sens de l'humain. Les mots sortent, ils sont sincères, émouvants, profonds, désespérants …

    Au terme d'un premier tour des horreurs ordinaires d'un capitalisme sans cœur, le candidat prend la parole. Il ne se lance pas dans un catalogue des mesures et des promesses. Il affronte frontalement les problèmes posés. Il leur donne écoute et considération. Posture de circonstance, feinte hypocrite ou bien croyance puissante, chacun jugera mais ma conviction est faite !

    Il demande à tous de rendre visibles tous les invisibles, de cesser de penser qu'il y a fatalité à cette dégradation sociale. Le rôle des militants, de ceux qui veulent accompagner sa campagne, c'est de rendre dignité et humanité à tous ceux qui sont victimes de la malédiction individuelle de l'exclusion.

    La misère, le chômage, la pauvreté ne sont pas des fléaux dont chaque victime porte une part de responsabilité comme veulent le faire penser les tenants d'un système moribond mais si terrifiant encore. C'est un syndrome collectif qui exprime la finalité même d'un système libéral qui veut réduire à néant le plus grand nombre pour le profit de quelques-uns.

    Jean-Luc Mélenchon se dresse comme le défenseur des faibles, des humbles, des gens ordinaires, des gens simples qui ne comprennent plus rien au désordre ambiant. Il se veut d'abord le rassembleur, celui qui refuse la monstrueuse stratégie d'éclatement des classes sociales, la volonté de fragmentation des différentes composantes de notre société pour assurer la domination d'un système inique, cupide et parfaitement abject fondé uniquement sur le profit.

    Bien-sûr, il donne des pistes, des propositions concrètes, des solutions et des directions. Mais là n'est pas l'essentiel d'un discours qui demande surtout de cesser d'avoir peur, d'arrêter de pointer du doigt l'autre, le voisin, l'étranger, le différent. Il reprend la dimension humaine des grandes utopies qui ne demandent un jour qu'à devenir réalité. Il insuffle de la force et de l'espoir, il appelle au débat, à la fusion des énergies, à la force du dialogue et de l'explication.

    Ce n'est pas un pantin en imprécation ! Il se place résolument dans la volonté de reconstruire chaque vie éclatée par les coups d'un système fondé sur la marchandisation de tout. Mettre l'individu au premier rang, redonner de la dignité à tous. Qui pourrait réfuter ce discours d'espoir ?

    Humainement sien.


Albert Camus :
« Les grandes peurs périssent d'être reconnues ! »


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