Charlie-Hebdo, organe de l'impertinence et du mauvais goût a participé à une action fort méritoire qui eût pu faire sourire Choron et désespère maintenant le traître Val. Mais qu'importent les
soubresauts de l'histoire de la satire, il faut faire parler de soi y compris au risque de montrer quelques bassesses.
Quarante-sept fort courageux cadres du corps enseignant,
ont, par dépit plus que rage, jeté à la face impassible d'un ministre fossoyeur de l'Éducation Nationale, une breloque qui pendait au revers de leur veste. La belle affaire que voilà et l'immense
marque d'indignation que ces nobles personnages ont voulu, sentencieux, démontrer au regard nécessairement émerveillé d'une opinion publique si prompte à l'admiration.
Je suis parfaitement surpris du courage de ces messieurs-dames qui abandonnent ainsi leurs palmes et risquent de ne plus être capables de se montrer lors de cérémonies officielles. Ils veulent, il
faut les en féliciter, affirmer avec force et sans médaille, que la situation de notre vieille institution n'est plus tenable, que le mépris de l'état est sans limite et que la fin est proche.
Ils ont tout à fait raison et monsieur notre ministre doit être dans ses petits souliers devant une rébellion d'une telle ampleur. Je le devine menant réunions de crise sur communiqués angoissés
pour crever l'abcès qui se fait purulent. La révolte gronde, la jacquerie pourrait suivre. Si les proches du sérail crachent dans la soupe, que feront les troupes ingérables de la base agitée ?
Il se peut que sa grandeur, notre bon président, fut informé en temps réel du développement de la chose. L'état est menacé sur ses fondements, la médaille en chocolat ne calme plus l'appétit des
sous-fifres. Le colifichet n'est plus l'anesthésiant final qui vous octroie la paix pour le restant de votre vie de personnage enturbanné.
Pourtant, combien de revers a-t-on sans discernement aucun, ornés d'une récompense ronflante pour obtenir la complicité de valets près à toutes les courbettes pour la belle amulette ? De la légion
sans honneur aux palmes sans pédagogie, de mérite agricole pour ceux qui n'ont pas de terre à la médaille de la jeunesse et des porcs, il y a dans ce pays fort belle et longue collection de piège à
gogos, de bon point à charlots.
Le courage est grand de se départir du bel ornement. Il eut été plus grand encore de n'en jamais vouloir. Le flatté d'hier est devenu le courroucé d'aujourd'hui, il est bien tard de dénoncer les
règles de cette comédie quand un jour on fut gonflé de l'orgueil d'en faire partie. Je puis aisément dénoncer l'hypocrisie car il me fut un jour, proposé la breloque.
J'ai renvoyé la lettre à son expéditeur et l'on m'a certifié qu'il n'était pas possible d'en refuser l'honneur. Je n'ai alors jamais réclamé cet objet ridicule et serais bien en peine de le
renvoyer à notre bon ministre. Il faut avoir un jour, cédé aux sirènes de l'orgueil pour s'en défaire quelques temps après. Ces messieurs ont adhéré à un système qui n'a à mes yeux plus aucune
justification. Leur sacrifice en devient bien peu crédible.
Qui a , un jour, mis les doigts dans le pot de confiture, finira tôt ou tard par retourner à ses premières bassesses. Ce système s'appuie sur des illusions de la sorte. C'est en ne touchant jamais
de ce pain là qu'on se grandit. Notre société se meurt de ces marques de dignité qui récompensent bien plus les coquins que les gens méritants. Chacun le sait et pourtant on feint encore de croire
à cette mascarade pathétique.
Monsieur notre néanmoins ministre, je vous renvoie symboliquement ce que je n'ai jamais accepté et vous prie de ne pas croire en ma résignation !