L'enthousiasme en moins.
Remettre une tournée au rugby est souvent plus qu'un devoir, un véritable plaisir, une communion supplémentaire, un partage agréable. Il en est malheureusement tout autrement dès qu'il s'agit des
tournées du XV de France.
En été, elles sont le pensum que chacun souhaite éviter, la raclée promise qui vient différer des vacances bien méritées qu'il faut remettre après un voyage interminable, inutile et le plus souvent
humiliant. En automne, il faut se colleter des visiteurs exotiques contre lesquels il y a toujours plus à perdre qu'à gagner et des écuries au fait de leur art alors que les joueurs aimeraient
souffler un peu.
Ce mois de novembre ne déroge pas à la morosité habituelle pour ces matches de trop dans un calendrier démentiel. L'économie du Rugby du Nord s'appuie presque entièrement sur les clubs qui se
voient privés pendant trois semaines des meilleurs de leurs salariés. Cette année, ils ont eu la sagesse d'accorder dix jours de vacances aux joueurs non retenus en priant que leurs vedettes ne
reviennent pas blessés des expérimentations internationales.
Dans l'hémisphère Sud, la donne est bien plus clair, les fédérations sont les employeurs des joueurs qu'elles sollicitent de façon bien plus raisonnable que le système alambiqué de l'Europe.
Les joueurs alternent des compétitions intenses et de longues périodes de préparation et il ne faut pas chercher plus loin les raisons de la domination sudiste.
Une sélection est une véritable équipe qui vit sur la durée et où les joueurs sont parfaitement pris en main par un staff technique respecté et crédible. De l'autre côté, les joueurs sont partagés
entre les exigences et les codes de leur club, avec des entraîneurs charismatiques et autoritaires et les attentes souvent floues d'un XV de France dont le pilotage ne paraît pas des plus
convaincants ni des plus convaincus.
La dernière ligne droite avant la coupe du Monde en Nouvelle Zélande n'est pas de nature à
piaffer d'un impatient optimisme pour les supporters français. La sélection nationale en est encore à l'heure des essais. Des expériences pour le plaisir ou pour mettre sous pression des
cadres qu'on laisse macérer dans leur jus ?
On peut considérer que le cas Bastaraud appartient à cette étrange catégorie du titulaire potentiel pour la grande épreuve à venir qu'on met au placard pour le faire progresser. La méthode n'est
pas nouvelle mais a-t-elle vraiment une utilité quand le temps vous est compté ? Vincent Clerc et Clément Poitrenaud, les toulousains ailés du moment sont aussi préservés au nom de l'avenir.
Les arguties ne trompent personne et c'est le flou qui domine la communication et les objectifs de notre triumvirat de moins en moins révolutionnaire. Le sélectionneur en chef respire la joie
de vivre et la conviction. Il n'était certes pas simple de chausser les souliers de Bernard Laporte mais de là à enfiler des charentaises ... !
Des voix bien plus autorisées que la mienne s'interrogent maintenant sur ce qu'on peut appeler les atermoiements de notre sélection alors qu'elle se lance dans la dernière ligne droite. Elle va
affronter des adversaires qui ne vont pas enthousiasmer les foules et ne fourniront sans doute que de bien maigres enseignements et bien peu de confirmation.
Face aux Fidji, à L'Argentine et à l'Australie les Français se doivent de l'emporter mais prépareront-ils vraiment le rendez-vous que nous attendons tous, avec, hélas, de moins en moins d'optimisme
pour ce groupe dont nous ne parvenons pas à comprendre vers quel jeu il veut aller ?
Automnalement vôtre.