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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Perdre un ami …


La plus grande des négligences.

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Il est parti et désormais, il est bien tard pour demander de ses nouvelles, pour prendre le temps d'une visite qui n'aura plus jamais de raison d'être. Il a tiré sa révérence et vous, vous êtes là, penaud et honteux. C'est ainsi à chaque fois : la terrible nouvelle vient vous surprendre, marquer l'inéluctable que vous n'envisagiez pas.

 

La réalité dépasse de loin le chagrin que vous supposiez. L'affliction prend le pas. Elle s'impose à vous comme un coup de tonnerre, une brisure dont rien jamais ne viendra recoller les morceaux éparpillés par votre indifférence, le temps qui manque, les aléas de l'existence et toutes ces sollicitations auxquelles vous devez répondre tandis que l'ami s'étiole et finit par disparaître.

L'évidence s'impose à vous, trop tard pour y changer quelque chose. Vous prétextez la surprise, vous vous dédouanez de votre faute en affirmant que tout est arrivé trop vite, qu'il n'était pas possible d'envisager l'issue si proche. La maladie était là ; elle a mis de la distance et de la gêne, elle vous a servi d'excuse ou de repoussoir.

 

Vous vous trouvez honteux et malheureux, incapable de rattraper ce qui ne peut plus jamais l'être. Vous avez dans le cœur ce remords, cette plaie ouverte qui n'est pas près de se refermer. : l'ami est parti et vous ne lui avez pas octroyé cette ultime visite qui s'imposait.

 

C'est alors que « Perdre un ami » prend tout son sens. La perte est un manque, non pas de lui mais de ce que vous lui deviez et que vous ne lui avez pas accordé. Une simple visite, une pensée amicale, un salut qui n'aurait demandé qu'un peu de temps et de chaleur. Aviez-vous honte de votre activité, de votre santé, de votre dynamisme quand vous le saviez diminué et affaibli ? Vous redoutiez surtout de le voir amoindri. Alors vous venez de le perdre de vue à jamais !

 

Vous vous dites que tout est allé si vite, que vous ne pouviez le prévoir, que vous avez été pris au dépourvu… Vous êtes simplement dépourvu d'excuse et vous ressassez cette indifférence qui s'est faite lâcheté, cette distance qui est devenue gouffre, cette absence qui va s'éterniser à jamais. Vous êtes mal et rien ne vous exonérera de cette faute impardonnable.

 

Vous allez prendre la plume, lui écrire un message posthume. Il évoquera le passé, ce temps précieux où vous n'aviez pas commis l'irréparable, où vous étiez encore un de ses proches. Votre peine se mesure à l'aune de ce poids qui vous submerge. C'est encore par rapport à vous que vous considérez cette situation : ce n'est pas digne.

 

Abandonnez alors votre fierté et vos arguties misérables et tournez toutes vos pensées vers celui qui est parti, vers ses proches qui sont bien plus en chagrin que vous ne pouvez l'être. Accordez-vous enfin le temps de la compassion et du deuil. Ne pensez plus à ce que vous auriez dû ou ce que vous auriez pu. Il est trop tard ; prenez simplement le temps de l'hommage intérieur, de la résurgence des instants qui le faisaient si vivant.

 

Perdre un ami c'est lui faire dans votre mémoire une place que ne lui disputeront pas d'autres pensées parasites. C'est lui offrir sans restriction ni justification votre affection éternelle. C'est effacer ce qui est venu assombrir votre relation pour ne plus penser qu'à lui.

 

Patrick, je me souviens. Je me souviens de tant de moments, de tant de conversations, de ta voix et des combats, de tes passions et de tes indignations. Je me souviens et je te vois à nouveau, comme tu voulais qu'on te voie : debout et fier, fort et déterminé. Je retrouve cette image, elle devient plus nette ; j'ai effacé cette ultime période qui t'avais rendu flou à mon regard, par peur de te voir ainsi.

 

Je ne t'ai pas perdu aujourd'hui ; je te retrouve comme j'aurais toujours voulu te conserver. Je te dédie ce billet, toi qui étais si attentif à mes écrits, parfois si enthousiaste, trop sans doute et parfois encore, en total désaccord. Celui-ci aura le mérite de t'offrir une dernière fois ces deux sentiments dans le même texte. Va en paix mon ami, nous nous sommes enfin retrouvés !

 

Affectueusement sien

 

Pour moi, la plus belle chanson sur ce sujet si douloureux.

 


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L
<br /> Merci Bernard<br /> <br /> <br /> Merci pour ce texte que tu as lu ce matin, non que tu as récité ce matin.<br /> <br /> <br /> Je l'avais déjà en ma possession (et oui, je suis un assez fidèle lecteur), mais il m'a encore ému.<br /> <br /> <br /> Il est parfois dur, mais tellement réaliste.<br /> <br /> <br /> Ceci dit, bien des gens ont peur de la maladie, ont peur de la mort, ou bien ont vécu des expériences douloureuses et ont déjà été confronté à cette douleur. Il ne faut peut être pas leur en<br /> vouloir. Ton texte peut leur apprendre et leur apprendre.<br /> <br /> <br /> Il m'apprend aussi<br /> <br /> <br /> A plusz tard<br /> <br /> <br /> Daniel<br />
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C
<br /> <br /> Daniel<br /> <br /> <br /> Anne et moi nous étions surpris de ne pas t'avoir vu et j'apprends que tu étais là ... J'espère ne pas être passé à côté de toi sans te voir (je suis capable hélas de ce terrible défaut contre<br /> lequel je ne peux rien ... )<br /> <br /> <br /> J'ai dit ce texte comme il me semblait devoir le dire, avec le cœur et aussi avec cette amnière que Patrick aimait quand il venait dans le vestiaire pour le discours. C'est ce que j'ai voulu lui<br /> offrir. Un ton différent de ce qui se fait habituellement en ce lieu.<br /> <br /> <br /> Quant au contenu, il est fondamentalement personnel même s'il a été écrit dans le but d'être publié. C'est d'avoir à mon que j'en veux et ce Vous m'était destiné.<br /> <br /> <br /> Combien de fois je suis passé par Ingré sans oser lui rendre visite ?<br /> <br /> <br /> Merci Daniel<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Perdre un ami,<br /> <br /> <br /> Le temps s'arrête soudain. Vous suffoquez de douleur, car il ne reviendra plus, vous ne le reverrez plus.<br /> <br /> <br /> Le temps estompe la douleur, mais les souvenirs sont toujours là.<br /> <br /> <br /> On voudrait oublier, passer à autre chose. Mais il est là dans votre mémoire à tout jamais. <br />
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C
<br /> <br /> Pierre<br /> <br /> <br /> Je crois que l'oubli c'est la véritable mort<br /> <br /> <br /> La mémoire est indispensable, elle permet de rester en lien.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Votre beau billet nous fait pleurer , ravivant des douleurs si vives  encore!<br /> <br /> <br /> Mais vous avez raison , cher ami : le remords n'a pas sa place ici , qui rend nos larmes plus amères . Nous avons cette merveilleuse faculté qu'est la mémoire qui rend de nouveaux présents les<br /> précieux instants du passé et qui va mêler des rires et des sourires à nos larmes . Je n'ajoute rien ; vous avez tout dit : l'ami(e) est vivant à jamais dans le souvenir de ceux dont il avait<br /> embelli la vie .<br />
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C
<br /> <br /> Laure<br /> <br /> <br /> Que puis ajouter<br /> <br /> <br /> J'ai fait ce que je lui devais à travers ce billet.<br /> <br /> <br /> J'espère qu'il en aurait été heureux<br /> <br /> <br /> <br />