10 Décembre 2011
La danse illusoire des faux-semblants.
Il m'a été donné de passer trois heures à proximité d'un candidat à l'élection présidentielle. J'ai pu admirer le joli ballet des admirateurs, la valse des inconnus, la sarabande des médias, les
tours de jambes des partisans en quête de notoriété et fort heureusement la dignité du plan grand nombre, à l'écart de ce pauvre cirque illusoire.
Quand l'homme arrive, il n'est précédé que de sa réputation. Pas de hordes de photographes labellisés, pas de caméras ni de cordons martiaux. Nous ne sommes pas avec un petit chef jugé sur un
bouclier de CRS, c'est encore le temps de l'homme ordinaire. Il prend plaisir au dialogue, il serre bien quelques mains qui se tendent mais ne signe rien et ne proclame pas plus. C'est encore un
homme ordinaire.
Puis arrivent les premiers journalistes, il faut faire gros plan et tendre le micro. Le cercle se serre, la place manque maintenant pour s'approcher. Le ton du monsieur change un peu. Il sait que
ce ne sont que les petites phrases qui seront retenues. Il faut frapper les adversaires avec des mots bien sentis, des expressions qui feront date et titre dans les journaux.
Quand la grosse caméra de France 3 arrive, elle détrône tout. Le cercle se referme, il y a moyen d'être vu à l'écran, de s'offrir une parcelle de gloire en arrière plan de la vedette du jour.
C'est le moment que choisissent les mouches pour tourner autour du pot de miel. Leur vol est compact, le bruit tout autant couvre les propos de celui qu'elles sont venues écouter.
Les professionnels de l'information locale font grand bruit. Ils se sentent investis d'un pouvoir considérable. Passer au journal régional donne existence et importance à la moindre
manifestation. Ce sont eux qui estampillent le moment du sceau magnifique « Vu à la télévision ! ». Je trouve qu'ils agissent un peu comme s'ils étaient en territoire conquis. Il est vrai qu'ils
jouent à domicile, cela ne justifie pas leurs apartés indiscrets.
La table ronde commence enfin. La foule se fait plus compacte. Chacun veut immortaliser l'homme que l'on voit à la télévision et sur les affiches. Des appareils photographiques de toutes formes
et de toutes tailles sortent et crépitent. Un brave homme, vient au milieu de l'espace, pour prendre en très gros plan celui qui porte ses espoirs. La scène fait sourire et nul ne songe, fort
heureusement à le repousser.
D'autres plus étranges, font gros plan de chaque personne de l'assistance. Je n'aime guère ce personnage en retrait qui manifestement ne se soucie absolument pas des propos tenus en ce lieu. Il
se constitue un catalogue de trogne, qu'en fera-t-il au juste ? Je le piste, gare à lui s'il braque vers moi son vilain rapporteur numérique.
Des journalistes arrivent encore, bien tard. Ils ne prendront de la séance que la petite déclaration finale, un morceau choisi qui fera débat, une phrase extirpée de son contexte et qui n'est
destinée qu'à alimenter la polémique. Je vais écrire long billet, subjectif certes mais le plus fidèle possible, quand il se contenteront de l'écume des choses.
La réunion se termine, le temps presse à celui qui doit retourner à sa campagne en reprenant le train pour Paris. Il y a parfois des notions géographiques qui m'échappent ! Les prochains
candidats aux législatives réclament pose à côté du grand candidat. D'autres encore se glissent près de l'icône pour un cliché qui les immortalise. Le culte de la personnalité, chacun s'en défend
et pourtant, même là, il y a demande de dédicaces sur le livre programme.
C'est la foire à la vacuité. L'homme s'y prête de bonne grâce, je ne pense pas qu'il en tire vanité. Mais que retiendra-ton de son passage en terre provinciale ? Une phrase qui demande à Hollande
de choisir entre Bayrou et lui, quelques coups de canifs contre le FN ou Nicolas Sarkozy, un autographe qui sera exhibé auprès de camarades, une photographie juste à côté du grand homme, quelques
images bien vite oubliées au journal régional ….
Les paroles s'envolent, quelques gribouillis et des petites images resteront de ce moment d'échanges si riches. C'est à désespérer des hommes, de leur capacité à n'effleurer que la surface des
choses. On les y aide bien, c'est exactement ce que font les journalistes. Ils couvrent l'évènement comme ils disent, et le film est si fin qu'il n'est qu'une pellicule vaporeuse qui s'envolera
bien vite au premier coup de vent.
Évanescencement vôtre.
Vidéo :
Mélenchon: Les journalistes sont de "petites... par ecoledejournalisme