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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Les répliques touristiques

Quand l'anecdote passe à table.




Voyageur raisonné, je parcours mon monde intérieur et mon pays pour mon plaisir et ma quête des autres, des impressions partagées, des témoignages offerts. Mon calepin  à la main, le clavier pas très loin, je suis un modeste réceptacle de la vie de quelques autres de mes semblables.

Je me heurte souvent à l'incompréhension et à l'ignorance des grands voyageurs, des collectionneurs de destinations lointaines, d'exotisme véritable facturé par des marchands de rêve. Je ne peux jamais partager leur enthousiasme pour cette aventure incroyable du petit européen nanti qui vient poser un regard condescendant sur les misères et les beautés du Monde.

Le clivage est trop fort, le dialogue impossible. Je devine chez eux, une soif véritable de beauté, de dépaysement, d'aventure et de jouissance esthétique. Je sais qu'ils ne veulent pas se comporter en colonisateur de la dernière heure, en voyeur de l'indigence, en jouisseur de leur aisance matérielle. Je le sais mais je ne parviens jamais à profiter pleinement de ces répliques touristiques qui ne manquent jamais de se produire quand deux passeports bien tamponnés se rencontrent au détour d'un repas.

La table devient alors une planisphère. On y fait des sauts de géant d'un continent à l'autre, on traverse des immensités, on se pose devant des monuments qui ont fait l'histoire. Rapidement pourtant, le regard se renverse, l'intérieur redevient l'essentiel et les récits se font anecdotes, se nourrissent des aventures gastronomiques, des incidents entre-soi, des conseils à ne pas oublier.

Le voyageur nous régale de son aventure de voyageur. De son avion qui a connu un problème au milieu du Pacifique, d'une escale interminable en raison d'un passager malade, d'une erreur de billetterie ou d'un conflit local. La vie dans l'aéroport devient plus riche que le récit de voyage. On sait tout des produits dédouanés, des tarifs en fonction du voyagiste, des conditions des uns et des autres.

Le voyageur lointain est d'abord un consommateur avisé qui s'informe, compare, attend la période la plus propice pour se lancer à la conquête du très loin. Nous n'apprenons guère de la vie des peuples rencontrés mais nous savons tout des mystères de ces hôtels luxueux qui ne reçoivent que des européen en goguette.

Bien-sûr, le cliché touristique ne manque jamais de trouver sa place. Il vient à point nommé comme une évidence, une preuve indiscutable du déplacement. C'est grandiose, j'en avais les larmes aux yeux, bien plus joli qu'à la vérité, mes cours de géographie en vrai, le poids de l'histoire, la force d'un art brut...

On est scotché devant ces merveilles, reprises dans un topo guide et l'on se met à rêver que la conversation va nous ouvrir de nouveaux horizons. Hélas, les petites vicissitudes de l'apprenti globe-trotter reprennent le dessus. On nous assomme de conseils : il faut absolument passez ici, il ne faut surtout pas aller dans cet hôtel, je vous conseille de prendre votre voyage chez untel.

Il ne manque jamais un couplet sur la nécessité du voyage organisé, ses innombrables avantages, ses passe-droits, ses astuces merveilleuses. Pour conjurer les remarques désobligeantes, il ne manque jamais la remarque sur la liberté possible, la capacité de chacun de sortir du cadre et de profiter pleinement de sa visite à sa guise.



Je n'ai fait qu'écouter, je n'ai pu dire mon refus de ce tourisme mercantile, de ces millions de voyageurs en avion qui sont en train de tuer notre planète. Je n'ai pas même évoqué mes périples à pied, ma façon d'arpenter mon pays à la rencontre de mes frères les Hommes. J'ai écouté des gens qui me prirent, sans doute, pour un plouc, incapable de sortir de chez-lui !

Arpenteurement leur.

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