La rose perfide et le coq ergoteur
Il y a bien longtemps de cela, le coq se pensait paon. Il déployait parfois sa roue et était admiré par une basse cour simple et rurale. Il côtoyait alors les bruyères et
les landes, les forêts et les côtes sans se soucier des paillettes et des poulettes. Il venait d'une France rurale qui avait encore les ergots bien plantés sur sa terre …
La rose a toujours poussé dans les taillis et les bosquets. Elle puise sa force dans la rusticité de son île et se pique de ne pas céder à la facilité du bouquet artificiel. Elle
reste elle-même sans céder aux manipulations transgéniques. Elle se pare de mille beautés pour se faire toujours plus perfide.
Le coq se dresse sur ses ergots et affirme sans ambages que cette fois, promis juré, il ne laissera pas déplumer dans l'aventure. Ce fier Gaulois emplumé, perché là où tout
le monde sait, chante à tue crête la charge pour la victoire finale.
La rose n'ergote pas elle, elle s'épanouit quand à ses pieds, on la couvre de fumier. De cette meurtrissure, elle va tirer sa parure et sa force. Elle désire sauver la face et
retrouver ses parfums de gloire en triomphant de son ennemi intime.
Le coq est capable de farouche bataille. Il les livre dans des bouges obscures où des parieurs misent sur sa survie. Il mène alors de terribles combats pour quelques billets,
pour quelques crêtes rougies du sang de la gloire. Mais bientôt, il oublie ses joutes prohibées et devant sa cour basse il parade en oubliant les querelles passées.
La rose a mené quelques guerres. Elle n'a jamais fané au combat. Partout elle a tenu, tête haute et toutes épines dressées. Elle demeure en toute occasion inflexible et
ardente. Point n'est besoin de propos hâbleurs, c'est au premier coup de canon qu'elle abandonne son jardin pour entrer de plein pied sur le champ de bataille.
Le coq s'enfuit à tire d'aile, sans lutter, à la vue du premier renard britannique venu. Il est au fond de lui, honteux des défaites passées, des abandons précipités de sa nation
alors que sur l'île voisine, on s'arc-boutait pour sauver la face.
La rose ne tremble pas quand survient le sécateur, et coupée, encore elle piquera. Elle n'abdiquera jamais, c'est sa gloire, sa fierté, son danger. Elle n'a jamais perdu la face
et entend bien ne pas baisser pavillon devant cette volaille ergoteuse.
A l'orgueil ou par vanité, notre coq peut se retourner et affronter ses responsabilités. L'espace d'un sursaut, il va donner des coups de bec, battre des ailes et se
dresser face à l'ennemi. Puis sa nature reprendra le dessus et sûr de sa précédente victoire, oubliera de relever le gant du jardinier anglais.
Toujours fière et souvent hautaine, la rose reste droite et ouverte, ferme et menaçante. A chaque fois, elle se bat comme si sa vie était en jeu. Et elle mettra encore plus
d'ardeur si face à elle se présente son pire ami, ce coq gaulois qui par mépris ou ignorance l'a toujours prise pour une vulgaire pâquerette. C'est pour ça que lorsqu'elle le peut, elle ne manque
jamais de l'y envoyer !
Le coq oublie toujours que la rose peut le piquer. Quand l'aventure survient, à chaque fois il joue les poulets de grains, ceux qui sont nés de la dernière pluie d'essais. Il bat
des ailes, s'ébroue et s'en retourne sur son perchoir en affirmant à qui veut bien l'entendre que c'était une étourderie et qu'on ne le prendra pas la prochaine fois.
Qui sortira vainqueur de ce combat éternel ? Qui portera fièrement une rose au poing ou un coq en grâce ? La seule victoire qui compte pour nos amis anglais, ce Grand Chelem
espéré qu'il faudra arracher à nos meilleurs ennemis. Les chemins de Marc et Martine se séparent, elle n'a d'yeux que pour la rose quand lui se prend pour un jeune coq !
Grandchelemment vôtre