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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Le petit Chapon ; rôt rouge !

Fable culinaire …

 
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  Il a sacrifié les plus intimes parties de lui-même pour être à la hauteur de la circonstance. Nourrit exclusivement d'une bouillie de lait, se refusant obstinément à mettre le bec en plein air, il s'est préparé comme un champion pour l'épreuve de sa vie, la célébration d'une nuit où pourtant, aucun gallinacé ne fut jamais cité.

    Il a eu cette chance immense d'être couvé du regard, toute son existence, par un exploitant agricole, membre de l'indomptable Confédération Paysanne. Ce titre de gloire lui confère une aristocratie, un titre de naissance qui le distingue de ses congénères, volailles de basses extractions et poulets de grains. Il eut détesté se revendiquer de cette FNSEA qui fleure si bon la batterie et le roulement de tambour.

    Une charmante fermière, femme ou compagne du confédéré retors (nous ne nous désintéressons de ces informations subalternes mais si importantes pour leurs adversaires syndicaux... ) l'a pris sous son aile bienveillante afin d'aborder dans les meilleures conditions morales et physiques, cette dernière ligne droite, si cruciale à la qualité finale de sa chère et tendre beauté intérieure. Un sacrifice ne se prépare pas sans quelques efforts et de nombreuses concessions !
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    Il s'enorgueillit de se retrouver sur la liste des commandes. Il a eu tout loisir de se préparer à son trépas en s'imprégnant du patronyme de cette bonne famille française qui va se régaler de lui. Il eut détesté être vendu en fin de journée, à la sauvette presque, à des imprévoyants, consommateurs à l'improviste d'un animal de haute-cour, pourtant. Il est rassuré également qu'un cœur d'un débat national sur l'identité, il n'ait pas besoin de s'interroger sur l'origine de ses futurs consommateurs.

    Ses acheteurs ont choisi l'éleveur depuis fort longtemps. Une confiance s'est tissée entre eux et son père nourricier. C'est à lui de l'honorer en étant à la hauteur de ce lien plus que commercial. Il se sait attendu au tournant. Cette obligation d'excellence transcende son sacrifice et fait de lui un membre (curieuse formule pour celui qui ignore tout de la volupté) d'une lignée qui ne doit pas se tarir.

    La blancheur de sa chair, il la doit à cette virginité durement acquise. Il espère tomber dans les mains d'un maître queux qui saura en tirer toute la quintessence qu'elle mérite. Il lui faut un bouillon préalable, un bain rédempteur, un baptême « post-mortem » qui lui permettra de monter au bûcher en majesté. Il redoute l'intrusion en cuisine d'une main féminine, lui qui toute sa vie, ignora tout des avances des belles poulettes de son entourage.

    Sa mort doit célébrer le renouveau des jours, la victoire de la lumière sur les ténèbres. Le solstice d'hiver  annonce la début d'un nouveau cycle. Il sera accompagné d'un grand vin de Bourgogne, un nectar divin qui lui adoucisse ce trépas à venir.

    Il espère un rappel, il ne doit pas être en reste. Personne ne doit être triste quand sonnera l'heure de sa fin. Le Chapon rôt rouge, attend sa dernière heure. Il n'est pas sorti du bois, pour une faim minable. Il affrontera les loups, la crête haute et le cœur léger.
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    Ainsi va la vie de nos volatiles d'apparats. La pièce sera bonne et l'appétit aidant, les convives avides ne s'arrêteront pas en si bon chemin. D'autres protéines animales tomberont sous leurs crocs acérés. La panse bien plus pleine que de raison, ils s'endormiront la conscience moins lourde que l'estomac.

    Et pourtant, s'ils savaient !

    Chaponnement vôtre
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