Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
11 Juin 2010
La (dé)Coupe du Monde.
Ça y est. Le grand bal mondial est ouvert. Tournez les têtes et soufflez dans vos trompettes, l'homo-sapiens se meut en homo-éruptif. Bloquez vos agendas, changez
le cours des choses, les footballeurs et leurs séides ne quitteront pas leurs canapés un mois durant.
Tout doit se plier à ce calendrier qui bouleverse l'ordre des choses et les relations dans le couple. Le programme télé ne se négocie plus, c'est la loi du plus fort qui sera la règle. Les
vendeurs de pizzas se régalent et les marchands de bières se font mousser !
La première victime de taille fut notre Grand Charles. La télévision Française ne pouvait accepter la concurrence ronde, l'anniversaire de l'appel du 18 juin 1940 fut honoré le 8 juin. Dix jours
de décalage soixante-dix ans après ne sont que peu de choses à côté du spectacle sportif.
Tout en va ainsi, les organisateurs de tout et de n'importe quoi ont pris la décision d'éviter le naufrage. Pendant un mois, il faudrait être fou pour programmer une fête, un concert, un
spectacle. La nature doit se plier elle aussi à ce délire télévisuel.
Dans le département du Loiret, la Caravane de Loire n'a pas supporté la montée des eaux Sud-Africaines. Les bateaux descendront la Loire et le canal en septembre plutôt qu'en cette fin juin où
plus rien ne doit se passer. Tant pis si l'eau manquera alors, rien ne doit interférer la liturgie footballistique.
Les retraites seront taillées en pièce, l'eau le gaz et l'électricité prendront de jolies hausses, les mauvaises nouvelles vont pouvoir se glisser entre deux parties mondiales, les yeux
rivés sur le rectangle vert, l'homme ordinaire n'a plus que faire de ce qu'on va lui concocter en douce.
Cette année, j'aurai le plaisir de me rendre à la fête de la musique. Les rues seront praticables, le peuple les aura désertées. Le ballon rond est une toute autre musique et ses grands
mélomanes ne peuvent manquer un seul opus.
Les festivals de cette fin de mois verseront des larmes de crocodiles quand ils découvriront la baisse de fréquentation. Les classes vont se vider, les enfants nuitamment se coucheront et
oublieront leurs obligations scolaires. Il est des pères qui fermeront les yeux, partager une passion n'a pas de prix, ce ballon vaut bien quelques excuses bidons !
Il est vrai que l'actualité mondiale, nationale ou locale devra se plier à ce délire international. Les journaux, les dépêches, les commentaires seront tous tournés vers ce Cap qui concentre
toutes nos préoccupations. Nos politiques vont organiser à moindre frais quelques petites rotations dans ce pays si proche. Le développement durable sera pour le coup oublié, on va brûler du
kérosène pour se montrer là-haut.
Me voici hors-jeu pour la fin de l'année scolaire. Nulle autre conversation ne sera possible. Qu'aurai-je à dire à mes chers collègues enragés comme les autres alorsque j'ai décidé de ne point
justifier ce spectacle éhonté ! Qui viendra encore lire mes billets, la toile elle-même se fera foot de foot ! Aurai-je des courageux à l'entraînement ce soir alors que les indécents seront
opposés à l'Urugay ?
J'oublie l'essentiel, la nouvelle qui va changer votre vie. Les paris en ligne sont maintenant possibles, vous allez en plus de vous abrutir, pouvoir vider votre porte-monnaie et enrichir des
sociétés obscures.
Je vous souhaite un bon mois de sport assis, de rêves illusoires et de fraternité patriotique. Quand vous réouvrirez les yeux, le Monde ne sera pas sorti de la crise. Les coups bas portés
seront irrémédiables et vous ne pourrez plus rien y faire.
Rondement vôtre