Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
21 Novembre 2010
Quand la lucarne supplée le stade ...
Les mots des commentateurs.
Samedi soir, ma femme est partie pour un concert. Je suis seul devant mon petit écran dans l'attente du second match de la tournée d'automne. Ni bière, ni ami, l'esthète
se contente du jeu et n'a nul besoin de tous ces à côtés qui ruinent une hygiène de vie suffisamment mise à mal les jours de matchs pour de vrai.
Je ne suis pas un supporter exubérant. Calme, je goûte au geste sportif sans les emportements que plaisent à singer les humoristes et les caricaturistes. Les agités du bulbe
suivent le plus souvent les mouvements désordonnés d'une balle ronde. Je suis dans le noir, le clavier posé sur les genoux, la lampe frontale éclairant d'un halo rouge les touches sur lesquelles
je pianote.
J'attends l'heure de la prise d'antenne. Je sais que je vais subir la niaiserie d'une retransmission assurée par le service public. Fabien Galthié, entraîneur chéri du lieu va,
à mon grand regret, commenter le match du soir. Je ne comprends pas qu'il continue d'œuvrer alors qu'il entraîne à nouveau un club. Il n'y a pas qu'en politique que les cumulards se goinfrent
!
Le tunnel de pub est le passage obligé pour déboucher enfin dans le stade. C'est insupportable, c'est niaiseux, c'est parfaitement débilitant et pour corser le tout, un
spectacle bien peu télégénique glorifie le jeu, le hasard et les gogos. Que fait encore le Loto sur le service public ?
Le match est bien sûr patronné par des sponsors officiels. Le sportif est un homme sandwich et les commentateurs sont des jambons. Pendant dix minutes ils vont tenir en haleine
les téléspectateurs, il ne se passe rien et pourtant, ils s'enthousiasment, s'étonnent, s'interrogent, débitent des fadaises. Tous les truismes sont de sortie, c'est une belle leçon de
communication !
Les gros plans des futurs gladiateurs font taire nos duettistes énervés et énervants. Les hymnes les contraignent encore à ce silence dont ils ne nous accorderont plus la
moindre parcelle. À l'écran, les joueurs des deux équipes font assaut de patriotisme en chantant à tue-tête. L'hymne français est exécuté sans autre forme de procès par une donzelle en
promotion.
L'envoyé spécial au ras de la pelouse prend alors la parole pour nous parler de la pluie et du vent. Il y a certainement des emplois plus exaltants que celui-ci. Le match
débute et monsieur Galthié nous gave déjà de considérations techniques. La première attaque des bleus met à mal les cordes vocales de l'animateur.
Le stade gronde, l'icône vivante, le monstre sympathique se lance dans sa première charge. Il lui faut pourtant avoir recours au soigneur. Le surhomme a ses faiblesses et le
confirme dans la minute suivante en échappant un ballon. C'est dur d'être un symbole !
La France ouvre le score sur une pénalité que notre journaliste avait présenté comme une formalité. C'est toujours facile de là où il se trouve … Le jeu se calme un peu et nos
parleurs patentés évoquent la pluie et les bottines que l'un des trois à acheter dans la journée. C'est passionnant. Mais l'Argentin est fourbe et profite de la conversation cordonnière pour
égaliser.
Le consultant commet une grosse erreur réglementaire mais tout le monde s'en moque tandis que son compère nous vante la contribution volontaire qui est devenue une règle de la
retransmission sportive : un appel surtaxé pour désigner le talent d'Or. Combien de gugusses se font prendre par ces sornettes ?
Un échec de chaque côté au pied mais Galthié est inquiet : « Les Français s'exposent ! ». Dans la seconde qui suit, la France bénéficie pourtant d'une situation
intéressante et cette fois, notre gentil parleur a raison : la France joue une 89, obtient une pénalité et mène 6 à 3. J'imagine que les béotiens ne doivent absolument rien comprendre.
Les argentins coupent les extérieurs, Chabal découpe ses adversaires et un joueur est boucher dans le civil. La partie risque d'être saignante ! Pendant ce temps, les Français
ont failli aller à dame et se contentent d'une petite pénalité pour augmenter le planchot. : 9 à 3. Le rugby a un langage métaphorique, il faut être de la confrérie pour suivre nos lascars.
Une belle percée plein champ de Rougerie, un Argentin qui se rappelle qu'il appartient à une grande nation de footballeurs, tire le maillot de notre capitaine. Les uns font le
dos rond et les autres transpercent le rideau mais l'action s'arrête sur un plongeon.
Le jeu de cette fin de période est restrictif. Les joueurs se contentent du petit périmètre et notre bonne télévision nous laisse à nos obligations domestiques, la promotion
interne et la météo sans oublier les partenaires inévitables s'imposent à nous sans que nous n'ayons rien demandé.
Retour à Montpellier, encore une petite promotion pour stade 2 et un vocabulaire affreux : on va débrifer la première mi-temps. Il y a des reculs de notre langue qui sont
parfaitement insupportables. Nous sommes sur le service public et je m'élève contre cet abandon devant l'ennemi anglo-saxon.
Une caméra isolée est braquée sur Émile. Les parleurs appellent ce dispositif une opération. Marc a droit aussi au micro. Il n'est pas très content. Il y a des approximations.
On rend trop de ballons ! Cédric appelle le sélectionneur Marc, je n'aime pas cette proximité factice !
Les statistiques viennent souvent au secours du commentateur qui n'a plus rien à dire. Où est le lyrisme d'un Roger Couderc ? La discussion de nos deux amis est parfaitement
insupportable. Nous perdons le jeu de vue avec leurs digressions et le public semble aussi bénéficier de ce soporifique accompagnement. Les Argentins opportunistes profitent de la torpeur pour
revenir à portée de fusil 9 à 6.
Traille redonne de l'air à ses camarades avec un drop qui n'en finit pas de monter dans le ciel de Montpellier. Nos doctes bavards évoquent le pragmatisme français. J'en sais
qui ont la nausée à l'évocation de ce mot si vilain surtout dans le sport. 12 à 6.
Josion saute Rougerie et j'en viens à regretter définitivement Canal plus. Je ne sais ce qui me fait penser à la chaîne cryptée mais avec elle, l'ennui n'est jamais aussi
pesant. Ce match est agréable mais le bruit de fond que nous impose le téléviseur me sort de la partie.
Encore une bonne mêlée à jouer avec un côté fermé. Notre explicateur anticipe, malheureusement les Français qui n'ont pas un retour son, jouent grand côté. Qu'importe,
l'essentiel est d'occuper la parole. Il faut améliorer le chantier comme le dit lui-même notre homme et le buteur s'en charge avec un coup de pied de maçon 15 à 6, mais on reste sur notre
faim.
Les Argentins reviennent immédiatement au score et recolle sans le moindre effort. Les spécialistes font une sortie de route et évoquent les changements de pneus. 15 à 9 et
rien de mieux à dire au micro. Maintenant ils parlent de foot, on s'ennuie ferme.
Des deux côtés on a du mal à trouver des failles. Zéro essai, on est dans la moyenne ! Là, on touche le fond du commentaire inepte. Faites les taire et laissez nous seulement
le bruit du stade et du terrain. Et le talent d'Or revient en bandeau avec un repas à gagner pour deux personnes en compagnie du XV de France : quelle récompense !
Les Argentins sont menaçants parce qu'ils campent dans notre camp. Il faut le soutien de la Mosson parce que nous sommes dans un temps faible. La défense sauve la baraque. Il
reste cinq minutes et on a traversé une période délicate. Heureusement, il y a des pannes de transmission sur le terrain et malheureusement pas sur notre poste.
Il faut mettre les barbelés, c'est la balle de match ! En avant, c'est fini sur une victoire au bout de l'ennui qui s'est installé progressivement sur le pré et sur le canapé.
La prochaine fois, je coupe le son !
Télérugbybabardement vôtre