Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
1 Septembre 2010
À contre-courant !
Le conseil général du Loiret organise à son tour sa grande messe biennale à la gloire de
notre fleuve royal. Un grand barnum culturel accompagnera le lent cheminement de la marine en bois entre canal et fleuve. Contrairement à nos amis de Cenabum, la navigation est à l'honneur,
la marine traditionnelle est véritablement mise en avant et sert un peu moins de prétexte aux délires mégalomaniaques des
organisateurs.
La caravane de Loire cette année a déplacé sa période de transhumance pour ne pas concurrencer les grotesques footballeurs français. Ce qui devait se dérouler fin juin, alors
qu'il y avait encore un peu d'eau, se passera de 3 au 12 septembre au cœur de l'étiage
(basses-eaux). Elle rejoint ainsi l'hérésie orléanaise qui veut plier les lois de la nature aux impératifs du calendrier politique.
Alors navigation il y aura entre bancs de sable et rochers qui affleurent. Les futreaux resteront bloqués et le marinier en goguette devra mettre pieds dans l'eau pour se tirer
de tous ces mauvais bras. Il ne faut pas contrarier un politique quand il décide en dépit du bon sens et c'est pourtant là que je viens mettre mon inutile grain de sable.
La caravane de Loire descend à moteur notre fleuve Liger de Gien à Beaugency. Quelle belle tradition que voilà ! Patrimoine mondial de l'humanité, dernier fleuve sauvage
d'Europe, la belle se passerait volontiers de la pétaradante compagnie des moteurs à hélices. L'exemple est du reste navrant et peut déclencher des vocations pour les amateurs de griseries
motorisées sur un plan d'eau.
Nul jetski ne devrait souiller l'onde de ce conservatoire vivant de la faune et de la flore. Nul moteur ne devrait ajouter aux bruits déjà trop présents de notre civilisation
terrestre. La Loire est un joyau et il faut la préserver. Un décret ou une loi devrait en faire un sanctuaire merveilleux.
Alors mes amis mariniers n'auraient plus qu'à revenir aux sources de la discipline qu'ils entendent célébrer. Pour le spectacle, pour la magnificence du fleuve et de ces
bateaux à voile carrée, la caravane devrait remonter le fleuve et non le descendre stupidement. Nous verrions les voiles se gonfler au grand vent de Galerne, nous serions admiratifs de ce
spectacle qui étaient jadis, celui que goûtaient avec délices nos ancêtres ligériens.
Mais le vent ne souffle pas toujours assez fort me rétorqueront les tenants de la facilité locomotrice. J'entends la critique malgré le bruit de leurs engins. Comment faisaient
les mariniers d'autrefois ? Ils halaient bon pas sur les rives du fleuve. Le geste est magnifique, le rythme merveilleux. La tradition se respecte entièrement ou elle devient artifice.
Haler n'est plus aussi facile de nos jours. La berge est encombrée, elle n'est pas entretenue et n'autorise que trop rarement l'utilisation de l'ancien chemin de halage. Mais
ne serait-ce pas l'occasion de mener une politique départementale de remise en état des berges qui serait une bien meilleure utilisation des deniers publics ?
Lors de la caravane à contre-courant que j'appelle de mes vœux, il faudrait solliciter des bras, faire appel aux écoles pour tirer sur la corde de chanvre et participer à une
aventure éducative grandeur nature qui devrait concerner véritablement toute la population ligérienne.
Les plus gaillards de nos mariniers usaient de la bourde pour affronter les aléas météorologiques. L'exercice demande adresse et force, temps et courage. Il ne faut pas abuser
des agapes terrestres pour aller à la perche de bois. Une mesure de salubrité publique pour quelques marins entre deux eaux !
Àcontrecouramment vôtre