Le béaba de l'iniquité !
Puisque le Rugby passe toujours derrière le Basket et le Football
et que seul le Water-polo reste au fond de la classe ...
Poursuivant une œuvre de salubrité publique, je me dois de pourfendre l'un des redoutables bastions de l'inégalité, du privilège de naissance et de l'iniquité permanente. Le
sujet est d'autant plus sérieux qu'aucune voix ne semble s'élever dans ce pays pour mettre en cause cette position acquise héritée de la civilisation grecque et qui perdure au delà de
l'acceptable.
Quand le lait est tiré il faut le boire disait l'aleph qui n'était pas pourtant un grand spécialiste en la matière. C'est de là qui vint la plus grande injustice qui soit, celle
qui place la Zibeline au dernier échelon de l'espèce.
Mes propos demeurent sibyllins pour l'honnête lecteur qui prend au pied de la lettres mes remarques abracabrantesques. N'aie crainte, je vais remettre immédiatement de
l'ordre dans ce fatras. C'est de l'alphabet que je me plains et de son classement qui s'impose à tous et en toutes occasions.
C'est l'alpha et l'oméga du rangement établi pour l'éternité, un privilège qui place l'âne bien avant le pauvre mulet. Chaque année, le même ordre immuable fait que les
enfants Abana passeront toujours bien avant les rejetons Yacoub pour une multitude d'obligations diverses. Une semaine d'angoisse et d'attente de plus pour ceux qui sont rejetés au fond de la
classe lors des examens.
Mais s'il n'y avait que ces rendez-vous exceptionnels, la chose serait supportable. La discrimination se répète à longueur de vie avec une régularité sans surprise ni
changements. C'est dans le domaine scolaire que ce désordre éthique se fait le plus prégnant. L'ordre alphabétique est souverain en tout ; pour l'appel, pour les notes, pour le bulletin et surtout
pour l'ordre d'entrée en scène lors du redoutable conseil de classe.
Déjà, pour les appréciations écrites ou dactylographiées, les premiers sont toujours mieux servis que les derniers. Au fil des lettres qui s'égrainent, la plume se fait
lourde et la main aussi. Le commentaire perd de sa finesse pour s'embourber dans des pesanteurs qui n'honorent ni le rédacteur ni le concerné. La litanie des griefs transforme un honnête professeur
en un procureur général inflexible quand arrive le fond de l'alphabet.
Mais, c'est lors de la cérémonie du conseil de classe, celle qui scelle le sort des élèves, que l'injustice atteint l'insupportable en frappant toujours les mêmes, les repoussés
au bout de ce classement absurde. Les têtes de liste bénéficient de la fraîcheur des acteurs, on leur accorde temps et mansuétude, on examine tous les éléments pour établir un avis circonstancié.
Puis, l'heure tourne, la fatigue pèse et les estomacs gargouillent. Les derniers cas sont expédiés au pas de charge pour une première lettre qui vous place à chaque fois dans la portion congrue. À
niveau égal, l'élève Zeus risque plus sûrement de se retrouver en enfer que son petit camarade Belzébuth …
L'éducation nationale n'est pas la seule à se trouver prisonnière de cet incroyable carcan. Les circonstances sont multiples dans nos vies quotidiennes. De l'annuaire
téléphonique à la liste électorale, de la vaccination bientôt obligatoire pour ne pas perdre la face à l'appel pour la journée citoyenne, l'alphabet domine tout rangement.
Il serait simple de procéder à un tirage au sort pour déterminer la lettre initiale, celle qui n'accordera un privilège que pour cette fois sans renouveler la chose Ad vitam
æternam. Il est aussi possible d'alterner simplement les lettres de départ, en bonne intelligence et honnête justice.
Un combat d'arrière garde sans doute, une bataille pour l'égalité en tout cas.
Analphabétiquement vôtre.